Grenelle II: une « caisse à outils » à tout casser
Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne casse pas des briques ! Mais tout de même: 104 articles dans un projet de loi ont de quoi faire rêver certains ou faire un peu peur à d’autres, ceux qui penseront que trop c’est trop…
Hier, 7 janvier, le ministre d’État et ministre de l’Ecologie de l’Energie du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, Jean-Louis Borloo, présentait en conseil des ministres puis à la presse, son projet de loi portant «engagement national pour l’environnement», autrement dit le «Grenelle II». Un texte qui pèse son poids, puisque constitué de 104 articles répartis dans 6 « tiroirs », qui devrait, si tout se passe bien, être inscrit au calendrier parlementaire pour un vote avant l’été, après une procédure d’urgence…
Ce texte, a d’ailleurs été présenté comme une «boîte à outils à destination des élus locaux» par Jean-Louis Borloo, qui était accompagné de la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet et d'Hubert Falco, le secrétaire d'Etat chargé de l'Aménagement du territoire. Reste à espérer qu’il y aura de bons « bricoleurs » pour utiliser les outils en question de façon optimale…
Passé au Conseil d'Etat à la mi-décembre, le projet n'a pas été modifié sur le fond par rapport à sa version de novembre – sauf une réécriture juridique du titre sur la gouvernance - mais un article sur la réforme du régime d'enregistrement des installations classées pour la protection pour l'environnement (ICPE) a été retiré pour être inscrit dans le projet de loi sur le plan de relance, qui devait être discuté à l'Assemblée nationale hier, 7 janvier. L'idée est de créer un régime intermédiaire entre les deux procédures actuelles d'enregistrement, l'autorisation préalable (régime très contraignant concernant les 54 000 établissements les plus pollueurs) ou la simple déclaration d'activité (450 000).
Le document reprend les engagements du Grenelle de l’environnement dans son volet juridique, complète la loi «Grenelle I», adoptée à la quasi-unanimité en octobre dernier par l'Assemblée nationale et le volet fiscal de la démarche gouvernementale en loi de finances pour 2009. La loi de programmation devant être discutée au Sénat à compter du 13 février.
Il est bon de se souvenir que le processus du Grenelle avait réuni des représentants des collectivités territoriales, des associations de protection de l’environnement, des syndicats, des secteurs professionnels et de l’État et qu’il « a conduit à un ensemble d’engagements accepté par tous», a rappelé le ministre.
Alors que le «Grenelle I» sera présenté aux sénateurs le 27 janvier prochain, le «Grenelle II» devrait être examiné en première lecture à l'Assemblée en mars. Une seule lecture par chambre est prévue (urgence déclarée), l’objectif du ministre du ministre de l’Ecologie étant de le faire adopter avant l'été.
Dans le domaine de l’habitat et de l’urbanisme, il renforce l’exigence de diagnostic de performance énergétique et entame une modification importante du Code de l’urbanisme pour l’adapter aux enjeux du développement urbain durable.
Il prévoit aussi l’introduction d'un nouveau chapitre dans le Code de l'environnement dédié à la pollution lumineuse et sonore. Cette disposition élargit le rôle de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa) qui deviendrait l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.
Il introduit également dans le Code de l’environnement le principe d’une surveillance de la qualité de l’air intérieur dans les lieux recevant du public ou des populations sensibles.
Dans le domaine de la santé environnementale et de la gestion des déchets, il prévoit plusieurs dispositions nouvelles. Il renforce les dispositifs de protection des habitants face aux diverses nuisances sonores, radioélectriques et lumineuses. Il vise à améliorer le cadre juridique applicable aux circuits de valorisation et d’élimination des déchets.
Le projet de loi prévoit notamment l’instauration d’une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) aux déchets d'activité de soins à risques infectieux (DASRI). Déja, l’avant-projet de loi Grenelle II prévoyait d’instaurer une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) aux déchets d’activité de soins à risques infectieux (Dasri). L’exposé des motifs indique qu’un projet de décret a déjà été notifié à la Commission européenne et devrait être examiné d’ici peu en Conseil d’Etat. Des boîtes adaptées au conditionnement de ces déchets devraient être distribuées gratuitement aux patients, qui devront être rapportées –une fois pleines– en pharmacies ou officines. Enlèvement et traitement seront à la charge des producteurs.
Dans le respect de l'avant projet un article prévoit aussi d'imposer, progressivement et à partir de 2012, un tri, à des fins de valorisation, aux grands producteurs et détenteurs de déchets organiques: restaurants de grande taille, les marchés et les grands espaces verts. Son organisation doit être déterminée par un décret en Conseil d’Etat.
Une meilleure prise en compte par les documents d’urbanisme des sols pollués est prévue, sur la base des inventaires de sols pollués Basol et Basias.
Des plans de gestion des déchets issus de la démolition et de la construction d’un bâtiment devront être réalisés dans tous les départements sur le même modèle que les plans départementaux de gestion des déchets ménagers. Avant la démolition de bâtiments, la réalisation d’un diagnostic relatif à la gestion des déchets devient obligatoire.
En ce qui concerne la gouvernance et l’information, le texte complète les dispositifs de responsabilité environnementale des entreprises et prévoit, à terme, l’information des consommateurs sur le bilan d’émissions de GES des produits mis sur le marché.
Il prévoit notamment l'obligation et les collectivités de plus de 500 000 habitants (et les entreprises de plus de 500 salariés), d'établir un bilan de leurs émissions de gaz à effets de serre (GES). Il contraint également toutes les collectivités de plus de 50 000 habitants à adopter des plans climats territoriaux d’ici 2013.
Dans le domaine des transports, il «adapte la législation actuelle afin de privilégier des modes de transport durables et d’en réduire les nuisances», précise le ministère.
Dans le domaine de l’énergie, il renforce la planification des énergies renouvelables dans le respect des enjeux de qualité de l’air et de prise en compte du changement climatique. Il étend le dispositif des certificats d’économie d’énergie et il encadre le développement des dispositifs expérimentaux de stockage de CO2.
Dans le domaine de la biodiversité, il instaure pour la première fois la notion de continuité écologique des territoires par la création de la «trame verte» et de la «trame bleue». Il instaure une certification de la qualité environnementale des exploitations agricoles et des produits de la pêche. Il renforce la protection des zones humides et de la qualité des eaux. Enfin il reconnaît au travers d’une stratégie nationale de la mer l’importance de la biodiversité marine dont la France est dépositaire.
Au final, Grenelle II retouche la bagatelle de 22 ou 23 codes (urbanisme, construction, environnement…) et a pour objectif de faire entrer le développement durable, au quotidien, dans le comportement des acteurs. Il sera suivi par une batterie de textes d’application, dont le nombre n’est pas précisé.
Soumis en effet à amendements et promis à de longues heures de discussion, cet énorme texte - qui touche déjà à tout - va encore grossir lors de son passage au parlement et changer, sans doute, fortement sous l’effet de tel ou tel lobby. Ensuite, il faudra attendre encore plusieurs mois (au minimum…) avant la publication de tous les décrets et arrêtés d’application.