Grenelle et déchets : çà aurait pu être pire...
Çà aurait pu être pire comme dirait l’autre… Le moratoire n’est pas passé ; pour autant, quand bien même la réunion avec Jean-Louis Borloo la semaine dernière n’a pas abordé le fond des dossiers, les associations sont rassurées, voire satisfaites, du fait des avancées proclamées…
Ouf : on a craint le pire. Les ONG, mais aussi les syndicats, étaient particulièrement agacés par les annonces gouvernementales, très éloignées des conclusions du Grenelle de fin octobre, sur les OGM, et les transports. A ces tensions s’en est ajoutée une nouvelle hier, avec l’abstention de la France concernant une proposition de directive sur les sols pollués, lors du Conseil Environnement. Pour Alliance pour la planète et France nature environnement (FNE), « la France a une nouvelle fois cédé aux lobbies agricoles et industriels ».
Jean-Louis Borloo a promis une nouvelle organisation qui devrait permettre d’éviter ce type de situation. Toutes les 6 semaines, les représentants des collèges du Grenelle se réuniront afin d’étudier les conclusions des 33 comités opérationnels, et vérifier leur adéquation « à l’esprit du Grenelle ». Par ailleurs, un dispositif «pas encore totalement calé», selon Yannick Jadot, porte-parole de l’Alliance, qui pourrait ressembler à un système informatique d’alerte, devrait éviter de nouvelles crises. «Pour les sols pollués, si on avait respecté l’esprit du Grenelle, on aurait organisé une concertation pour voir les points de blocage», affirme Arnaud Gossement, porte-parole de FNE.
Pour Jean Louis Borloo, « les blocages proviennent principalement de l’administration »… « Les participants au Grenelle ont été en état d’apesanteur, et tentent aujourd’hui de raccrocher les wagons à la locomotive », explique Arnaud Gossement, qui ajoute ô combien « le ministre a été surpris de la résistance qu’il a rencontrée dans l’administration »…
Dans ce contexte, on a failli aller au clash, avec le dernier round sur les déchets.
Le CNIID, Centre National d'Information Indépendante sur les Déchets, qui était présent hier à la table des négociations en tant qu'expert pour l'Alliance pour la Planète, « salue donc la nouvelle orientation qui a été prise en matière de prévention et de valorisation matière même si nous regrettons l'incohérence qui consiste à continuer à autoriser de nouveaux incinérateurs », explique Florence Couraud.
La directrice du CNIID précise par ailleurs « qu’en matière de prévention, nous avons obtenu que les plans locaux de prévention soient désormais obligatoires lors de l'élaboration des Plans Départementaux d'Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés. Ces plans de prévention seront financés par la TGAP dont les recettes seront réorientées à cette fin.
Un objectif de réduction des déchets de – 5 kg/hab/an pendant 5 ans, donc au final – 25 kg/hab/an, a été acté. Par ailleurs Eco-Emballages s'est engagé à réduire les emballages de 1 kg/hab/an, également sur 5 ans ».
Des avancées ont également été négociées en matière de responsabilité financière du producteur à l'égard de leurs produits en fin de vie. Les barèmes de contribution des producteurs aux filières en fin de vie devront être proportionnels aux efforts d'éco-conception fournis, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Début 2008, la contribution financière des producteurs va passer à 80 % pour la gestion des déchets d'emballages (47 % actuellement). Le barème sera également revu afin d'y introduire des critères permettant de favoriser les emballages réduits ou recyclables.
Une nouvelle filière mettant en oeuvre la responsabilité élargie du producteur sera créée sur les DASRI, au printemps 2008.
Concernant les déchets dangereux des ménages, une filière mettant en oeuvre la responsabilité élargie du producteur verra le jour en 2009. Cette nouvelle filière devrait contribuer à éviter la dispersion de substances dangereuses dans le flux général des déchets.
Enfin, les meubles bénéficieront également d'une filière mettant en oeuvre la responsabilité élargie du producteur. Aucune date n'a été indiquée. Toutes ces nouvelles filières devraient inclure des barèmes favorables à la prévention et permettront également de développer la récupération et le recyclage, notamment pour les meubles. Le déplacement des coûts de gestion des déchets du contribuable vers le producteur devrait inciter ses derniers à réduire les déchets issus de leurs produits.
« La tarification incitative pour l'enlèvement des ordures ménagères sera désormais obligatoire. La mise en oeuvre est laissée libre aux collectivités. Elles auront le choix entre instituer une part variable dans la TEOM ou passer à la REOM », ajoute notre interlocutrice
Des objectifs de valorisation matière ont été fixés, cela concerne donc le recyclage et le traitement biologique des matières organiques (compostage et méthanisation). La France devra atteindre un objectif de 35 % en 2012 et 45 % en 2015 de valorisation matière des déchets ménagers. Nous sommes aujourd'hui à 19 %. Les efforts fournis vont donc devoir être relativement importants.
En ce qui concerne les déchets organiques, des efforts devront être faits sur les normes assurant la qualité du compost et des contrôles devront être effectués à l'entrée des centres de compostage afin de s'assurer de la qualité du compost produit. Afin de s'assurer des débouchés pour le compost et dans un objectif de pérennisation de la filière, des engagements contractuels auront lieu entre les agriculteurs et les départements.
Enfin, il a été décidé d'augmenter la TGAP sur la mise en décharge, aujourd'hui fixée à 9,90 euros/tonne et d'en créer une pour l'incinération. Les montants n'ont pas encore été arrêtés, et deux scénarios ont été retenus :
La taxe sur la mise en décharge passerait à 40 ou 20 euros/tonne
La taxe sur l'incinération oscillerait entre 5 et 10 euros/tonne avec une possibilité d'exonération si le rendement énergétique est supérieur à 60 % (concerne une très faible partie du parc français).
Concernant les modes d'élimination, un objectif de diminution des quantités incinérées et enfouies de 15 % à l'horizon 2012, a été fixé. « Nous n'avons donc pas pu obtenir l'arrêt de la construction de nouveaux incinérateurs, mais seulement la garantie que la priorité ne sera plus à l'incinération. Nous avons, par contre, obtenu l'instauration de contrôles des dioxines en continu, ainsi qu'un renforcement accru de la surveillance. La circulaire de 1994 sur les mâchefers sera abrogée et le besoin d'un contrôle renforcé, ainsi que de recherches complémentaires a été reconnu »,conclut avec satisfaction la directrice du CNIID.