Et alors !? Et bien... le 18 mars 2018 est une date à marquer d'une pierre blanche ; non seulement le Bureau International du Recyclage, qui rassemble environ 30 000 entreprises réparties de par le monde, fête ses 70 ans, mais c'est précisément en ce jour anniversaire qu'est lancée la Journée Mondiale du Recyclage, une vaste opération de communication relayée en France par Federec, ce qui a donné lieu à un rendez-vous ce 15 mars, lequel a rassemblé de très nombreuses personnalités impliquées dans la gestion des déchets et plaidant en faveur d'une industrie du recyclage performante... « Recycling is not an option, it's a must » : tel est le message que les parties prenantes souhaitent faire passer pour mettre en valeur une industrie planétaire...
Une belle histoire, qui doit se savoir
Il se trouve que les professionnels ont désormais envie que cela se sache... tant ils sont fiers de leurs métiers : c'est une histoire qui reste à raconter, tant elle a de l'avenir, se plait à dire et redire depuis quelques années déjà, Ranjit S. Baxi, qui préside le Bir, tandis qu'Arnaud Brunet, son directeur général confirmait lors du rendez-vous fixé par Federec (membre fondateur du BIR), le succès annoncé de l'opération, avec des manifestations organisées un peu partout dans le monde : Londres, Bruxelles, Johannesbourg, Washington, Sydney, Dubaï, Sao Paulo, Delhi, et même au Nigéria où des artistes exposeront des œuvres dédiées au recyclage... « Tout le monde est sensibilisé à la qualité de l'air, à la qualité de l'eau, au prélèvement des matières premières. Il fallait trouver un moyen de faire comprendre que ce que vous produisez comme déchets, nous les considérons comme une ressource, et que cette ressource, c'est l'avenir »...
Manuel Burnand, Directeur général de Federec saluant de son côté l'implication de l'Institut de l'Economie Circulaire, des éco-organismes (Citéo, Eco-Systèmes, Ecologic), de la Mairie de Paris, du Bir, bien sûr, d'Amorce, et du CNR... « autant de partenaires qui ont répondu présents à l'invitation de Federec », la Fédération DES Entreprises du Recyclage... « tant il est vrai qu'il n'y a pas qu'un seul recyclage mais des recyclages, et donc des métiers » (...). Il est tout aussi évident qu'il s'agira « d'en faire désormais un enjeu communautaire, qu'il faudra miser sur l'éco-conception afin de booster davantage encore, une industrie d'ores et déjà performante », tout en gardant à l'esprit que recycler est plus compliqué que d'enfouir des déchets... Cela suppose donc des engagements forts, à tous les niveaux.
Et le fait est qu'il y a du travail en perspective. Si la formule de base (et largement répétée depuis plusieurs années) consiste à marteler que le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas (ceci sans doute pour inciter à ne pas gaspiller), et ce, alors que l'on a développé une société dite de consommation effrénée en Occident, que d'autres pays suivent ce mouvement généré par l'augmentation de leur niveau de vie, force est de constater que des déchets, on n'en manque pas ni dans nos contrées, ni aux antipodes... ces déchets étant par ailleurs de plus en plus sophistiqués pour bon nombre d'entre eux : il suffit de s'en référer aux DEEE et même aux VHU, qui n'ont plus rien à voir avec les voitures d'antant tant elles sont électronisées, disposant de vitrages intelligents, de textiles techniquement adaptés à l'usage qui en sera fait, et on en passe...
Avant le déchet, il y a le produit, celui qui est conçu, fabriqué, puis commercialisé. Celui là même qui « pompe » beaucoup d'énergie et nécessite de la matière primaire. Et c'est à ce stade que le recyclage puise toute son importance : dès lors que l'on sait faire, pourquoi se priver de cette nouvelle ressource, Jean-Luc Petithuguenin, vice président de Federec rappelant bien volontiers qu'après l'eau, la terre, l'air, les ressources minérales, fossiles et agricoles, il fallait compter avec cette 7ème et non des moindres, ressource planétaire qu'est le recyclage... soulignant au passage les progrès quant à « la prise de conscience phénoménale des citoyens, des politiques et des associations de notre pays », ce qui n'a pas de prix, d'autant qu'il se dit convaincu qu'un tournant s'opère : au XXIème siècle, « on va d'abord produire à partir de matières recyclées : ce siècle sera marqué par cette empreinte " made by recyclage" ... ce qui est d'autant plus enthousiasmant que « la France est en avance au plan technologique et non pas en retard », comme on aime à le dire dans certains cercles...
Profitant de la tribune qui lui était offerte, le dirigeant de Paprec Group a tenu à insister sur le fait que « la Chine n'a jamais importé de déchets de France » ; le problème tient « dans la fraction autorisée des matières interdites dans les matières recyclées »... La décision chinoise « consistant à en réduire la fraction et de la faire passer de 2,5% à 0,5% »...
« J'adhère complètement aux propos de Jean-Luc Petithuguenin », renchérit Nicolas Garnier, Délégué général de l'association Amorce : « la France n'est pas en retard, sauf peut-être en matière de lobbying auprès des instances bruxelloises ! Si le mode de calcul choisi était différent, la France serait très clairement mieux classée et figurerait dans le peloton de tête ! »...
Quoi qu'il en soit, c'est un fait avéré : « le recyclage est bel et bien l'un des nouveaux fondements de notre société », plaide Serge Orru, conseiller 'Economie circulaire' auprès de la maire de Paris, Anne Hidalgo se déclarant convaincue qu'il « faudra oeuvrer collectivement pour améliorer la gestion des déchets », qu'il faudra « changer en profondeur notre regard sur ces derniers », rappelant que « longtemps, les êtres humains ont eu le sens de la rareté ; tout ce qui était disponible en fonction d'un savoir technique encore limité était utilisé, récupéré, réutilisé, sans que l'on parle même de déchets... C'est à cet état d'esprit que nous devons revenir (…) L'économie du recyclage dans laquelle les entreprises ont un rôle clé, constitue une formidable opportunité »...
« Vous êtes des Chevaliers de l'économie circulaire, l'économie circulaire étant un 'vrai sujet', un sujet majeur dans le contexte que nous connaissons du changement climatique, lequel est un péril avéré », poursuit Serge Orru qui a également exprimé à haute voix son souhait de voir l'éco-conception occuper une place de choix dans les stratégies à mettre en œuvre... afin de favoriser un recyclage encore plus effectif...
Des bienfaits qui ne peuvent laisser indifférent...
Roland Marion, chef de service adjoint au service « produit efficacité matière » au sein de l'Ademe ne pouvant qu'abonder en ce sens et pour cause : 23 millions de mètres cubes d'eau économisés, 21 millions de tonnes de CO2 évitées en France (700 millions de tonnes de CO2 dans le monde), grâce à l'industrie du recxyclage, ne peuvent laisser indifférent... Cela dit, « nous sommes encore très ancrés sur une politique déchets alors qu'il faudrait s'orienter vers une politique économie circulaire-recyclage »... regrettant au passage que 50% des tonnages soient encore éliminés et ou enfouis, dans notre pays. « Il faudrait organiser des discussions avec le monde de l'industrie qui doit absorber ce qui est issu du recyclage, afin de faciliter la multiplication des débouchés et l'écoulement des matières résultant de ces activités industrielles »... avant de confirmer que « Orplast 2 lancé en 2017, sera bel et bien financé en 2018 », et qu'il est impératif de trouver « les mécanismes favorisant le développement du recyclage »...
Des propos que n'a pas contredit François-Michel Lambert, député des Bouches du Rhône et président de l'Institut de l'Economie Circulaire (dont Federec est l'un des membres fondateurs, ndlr), qui n'a pas manqué de dire « saluer les industriels du recyclage » ; « merci de régénérer ces matières, d'anticiper, de poursuivre une politique volontariste »... « Nous sommes dans une approche de respect de la matière (…) conscients de n'avoir à disposition que ce que la Terre propose ; il est donc irrespectueux de jeter ce qui peut resservir ailleurs, à d'autres » (…) « Il nous faut des acteurs à tous les niveaux de compétences afin de promouvoir le recyclage, et pourquoi pas, inscrire dans la Constitution que la Planète est limitée en ressources, et introduire ainsi, un devoir de recycler »...
Christian Brabant , directeur général d'ESR (structure qui depuis le 1er janvier 2018, regroupe les activités de collecte et de recyclage d’Eco-systèmes pour les DEEE ménagers et de Récylum pour les DEEE professionnels, les lampes et les petits extincteurs, ndlr) « salue et soutient sans réserve, l'initiative du Bir relayée par Federec sur le territoire français... La collecte puis le recyclage consistent ni plus ni moins à réinjecter la matière dans les circuits économiques, ce qui signifie donner du sens au geste de tri »... Il rappelle aussi « qu'on a souvent tendance à faire l'inventaire de ce qui va mal », en occultant parfois, « que nous disposons en France d'entreprises très performantes qui innovent » (…) « la qualité de ce qui résulte de ce travail étant de haut niveau, et ce, grâce à une filière de qualité qui a été instaurée dans notre pays »... des propos validés par René-Louis Perrier, président d'Ecologic, qui a souligné ô combien la France est exemplaire dans ce domaine : « nous devons allier croissance économique et décroissance de l'utilisation de la matière vierge. Le déchet, au sens générique du terme, constitue un gisement d'importance ; de ce constat sont nées les REP, des accélérateurs du recyclage et de l'éco-conception », ce qui a débouché sur des investissements et mis en valeur l'excellence des recycleurs.
Loin de remettre en cause ce qui a été réalisé via et grâce aux REP, il est bon de garder en mémoire, tout de même, que les déchets ménagers en France, ne pèsent que 25 millions de tonnes (dont une infime partie pour les déchets d'emballages) alors que les déchets industriels représentent plus de 10 fois ces tonnages. Or, « les collectivités locales, qui font parfois office de voitures balais, prennent en charge une partie des déchets liés aux activités économiques. Si tout le monde a bien compris la valeur que peuvent avoir des déchets d'or ou d'argent, c'est moins clair pour les gravats, par exemple, et pourtant... Une prise de conscience est donc indispensable quant à la valeur potentielle des déchets dans leur ensemble, étant entendu que l'éco-conception n'est pas de mise dans tous les domaines, loin s'en faut et au grand regret des collectivités », souligne, en substance Nicolas Garnier : ...
Gardons en mémoire également, qu'en l'état actuel des choses, « la gestion des déchets restant à notre charge coûte en moyenne 100 euros par habitant et par an, dont 25 euros sont captés par et pour l'Etat et non au service de l'économie circulaire » alors que le développement de celle-ci augmenterait de manière encore plus significative, les tonnages de C02 évités... Lorsque l'on sait que « plus d'un milliard d'euros sont ainsi prélévés sur l'économie linéaire et que seulement 150 millions d'euros sont reversés à l'Ademe pour mener à bien ses programmes, il y a de quoi rester perplexes »...
Si les collectivités ne sont pas favorables à l'instauration de la consigne (parce que son développement pourrait mettre à mal l'organisation de la collecte sélective et les investissemenst réalisés pour ce faire), un sujet très à la mode depuis peu, « l'engouement pour le recycvlage via cette consigne démontre si besoin était, que les citoyens ont envie de s'impliquer et d'intégrer la boucle de la co responsabilité à cet égard », concluait le délégué général d'Amorce... avant de céder la parole à Jean-Patrick Masson, président du Cercle National du Recyclage, qui confirmait les propos de son alter égo d'Amorce, quant au rôle de « voitures balais » confié aux collectivités qui sont inscrites dans une boucle antinomyque, tant il est vrai « que le réemploi reste le parent pauvre des politiques publiques mises en œuvre »... « Les collectivités ont un rôle majeur à jouer », il serait bon «qu'elles soient écoutées et entendues, surtout en cette période de feuille de route dédiée à l'économie circulaire »...
Belle initiative que cette journée dédiée au recyclage des déchets pour les transformer en matières premières, afin de faire connaitre ces activités majeures et ces métiers nobles. Pour autant, n'occultons pas du débat que les déchets soumis à la REP ne représentent qu'une infime partie des gisements et qu'il n'y a pas que les sempiternels déchets d'emballages (cf les petits films destinés à expliquer la chose) à prendre en considération pour illustrer ... et surtout décrire une industrie planétaire (400 milliards de dollars du PIB mondial), qui pèse d'un poids certain et efficace à notre échelle nationale... Ce serait tellement dommage...