Gestion des déchets : la sérénité serait de nouveau de mise...
Des modèles d’affaires en mutation
Pour autant, le retour de la croissance ne saurait masquer les nombreux défis auxquels les professionnels sont confrontés. D’abord, le traitement et la valorisation des déchets prennent une place de plus en plus importante dans l’activité des gestionnaires. Une mutation profonde qui se traduit par une plus forte irrégularité du chiffre d’affaires et des performances financières, imposant la maîtrise des coûts. Ainsi, Veolia poursuit les efforts menés depuis 2012 et prévoit 600 millions d’économies supplémentaires d’ici 2018. En outre, le modèle d’affaires
traditionnel des professionnels, fondé sur d’importants volumes de déchets, n’est aujourd’hui plus adapté.
La sensibilité accrue des consommateurs aux enjeux environnementaux a largement contribué à diminuer la quantité de déchets ménagers. En parallèle, les déchets industriels se réduisent structurellement. Ces données nouvelles dessinent ainsi des tendances de long terme que les entreprises situées dans la collecte et le traitement doivent dorénavant intégrer à leurs stratégies.
L’accompagnement et le conseil aux collectivités et aux entreprises est une piste de développement privilégiée par les professionnels. D’autant plus que beaucoup d’acteurs sont soucieux de suivre la tendance en matière environnementale mais se perdent souvent dans les méandres réglementaires. Dans ces conditions, la dimension relationnelle et la capacité à construire des solutions adaptées avec le donneur
d’ordre deviennent des compétences essentielles. A titre d’exemple, Suez Environnement a conclu en 2015 un accord avec Sanofi portant sur l’optimisation de la performance économique et environnementale de ses sites de production. Ce nouveau business model présente un autre avantage pour les professionnels, celui de mieux équilibrer les expositions des contrats. Alors que la très grande majorité de l’activité des opérateurs se concentre sur une demande publique, les acteurs du marché des déchets tentent de rééquilibrer leur portefeuille de clients. Veolia ambitionne ainsi de réaliser la moitié de son chiffre d’affaires avec les industriels d’ici 2020, contre 39% en 2014.
Cap sur l’économie circulaire et la ville intelligente
La montée en puissance de l’économie circulaire renforce l’incertitude du côté des donneurs d’ordres et augmente leurs besoins en accompagnement. Car la valeur du recyclage migre désormais vers d’autres activités permettant de pérenniser la matière. Ce contexte pousse les professionnels des déchets à la diversification. Veolia a par exemple signé un partenariat avec Novartis en matière d’approvisionnement
durable et d’écoconception. En outre, l’économie circulaire ouvre de nouvelles perspectives en termes de coopération industrielle. Les acteurs d’un même bassin d’activité peuvent ainsi s’associer pour valoriser les déchets utiles à leurs partenaires. Dans la région de Dunkerque, les poussières issues du transbordement de minerai de la société de transport maritime Transbulk sont ainsi réutilisées par Arcelor.
L’émergence de la ville intelligente pousse également les professionnels de la gestion des déchets à redéfinir leur activité. D’une logique de la ville en silos, ils doivent passer à une vision plus globale s’appuyant sur des partenariats pour mieux répondre aux besoins des municipalités. Mais c’est surtout le digital qui bouleverse les pratiques. Grâce à l’utilisation de capteurs et d’algorithmes, la connaissance des déchets produits s’améliore. De nouvelles solutions permettent aujourd’hui aux spécialistes de contrôler en temps réel et à distance le niveau de remplissage des conteneurs de déchets. Les acteurs optimisent donc leurs tournées en anticipant les besoins de collecte des poubelles publiques.
Les cartes du jeu concurrentiel sont redistribuées
Les spécialistes des services collectifs, comme Suez Environnement et Veolia, sont en position de force pour tirer parti de la ville intelligente. Ils peuvent en effet s’appuyer sur leur expérience pour identifier les segments à forte valeur ajoutée et sur leurs relations étroites avec les pouvoirs publics pour répondre au mieux à leurs demandes. Ces acteurs ont déjà entamé leur offensive, à l’image de Veolia, qui s’est allié au Chinois Huawei en 2016 pour développer un nouveau module électronique à poser sur les bennes à ordures. Les deux leaders misent aussi sur la smart city et sur l’économie circulaire pour s’extirper du jeu concurrentiel. Cela suppose cependant de consentir de lourds investissements en recherche et développement pour monter en compétence. En outre, Suez Environnement et Veolia vont désormais se heurter à de nouveaux concurrents redoutables, à l’image d’acteurs mondiaux (IBM) ou de groupes industriels diversifiés (Siemens).
A l’évidence, un tel effort ne sera pas à la portée de l’ensemble des acteurs de la gestion des déchets, faute de moyens financiers et de savoir-faire suffisants pour sophistiquer leurs prestations. Ainsi, l’avenir s’annonce maussade pour les mono-recycleurs. Ils n’ont pas la main sur le cours des matières premières secondaires, tandis que les volumes à recycler baissent et que les produits se complexifient. Les spécialistes des déchets (Nicolin, Pizzorno...), eux, risquent d’être pris en tenaille entre les recycleurs (Paprec, Derichebourg...),
qui cherchent à réduire leur dépendance au cours des matières recyclées en se diversifiant sur l’ensemble de la filière des déchets, et les acteurs régionaux (Serfim, Schroll, Sépur...) qui comptent sur l’élargissement de leur maillage territorial pour se développer. Quant aux professionnels positionnés sur les déchets dangereux et le traitement, ils sont pour l’instant à l’abri de la concurrence, de l’avis des experts de Xerfi-Precepta.