Gestion des déchets : il va falloir changer de logique
Selon une étude Xerfi-Precepta intitulée "La gestion des déchets à l’horizon 2020 - Investir dans l’outil de production et miser sur les services pour restaurer les marges", le marché de la gestion des déchets est aujourd’hui à un tournant. Entre la baisse du volume de déchets collectés, la pression tarifaire croissante des donneurs d’ordres, la réduction des déchets industriels ou encore le renforcement de la concurrence, les professionnels sont rattrapés par une crise désormais structurelle...
La croissance du chiffre d’affaires du marché n’a cessé de ralentir depuis 2006, malgré le léger rebond observé en 2010 et 2011. Le ralentissement est plus marqué pour les gestionnaires d’OM (Ordures Ménagères) et de DIB (Déchets Industriels Banals). Le chiffre d’affaires de ces derniers a en effet augmenté de seulement +1% en 2013, contre +3% pour les gestionnaires de DID (Déchets Industriels Dangereux), selon les estimations de Xerfi-Precepta. Le relatif dynamisme du segment des DID s’explique par une concurrence moindre, une activité moins saturée et davantage de possibilités de différenciation.
L'analyse financière de Xerfi-Precepta souligne les tensions qui s’accumulent sur la profession. Ainsi, les marges n’ont cessé de se dégrader depuis 2009, indépendamment du métier (collecte, tri, traitement) et du type de déchets (OM/DIB et DID). Le taux de marge opérationnelle dans le domaine de la gestion d’OM/DIB a ainsi perdu -2,1 points depuis 2008 pour s’établir 3,7% en 2013. Dans le segment des DID, le taux de marge opérationnelle est en revanche plus confortable (6,9% en 2013, comme en 2008). Par ailleurs, les stratégies de croissance très agressives déployées par les leaders, Veolia et Suez en tête, ont aussi montré leurs limites. "Après l’échec d’opérations d’envergure et du fait de taux d’endettement devenus insoutenables, les fusions-acquisitions resteront limitées à l’avenir. Les nouvelles règles du jeu du marché de la gestion des déchets vont en effet impacter le mode de croissance des opérateurs. Moins coûteux et adaptés aux problématiques du marché (sécurisation des approvisionnements, maîtrise d’une nouvelle technologie...), les alliances et les partenariats devraient par conséquent se développer", indiquent les analystes de Xerfi-Precepta.
Si la création de valeur sera toujours possible dans le secteur, elle sera plus compliquée. Pour restaurer leurs marges et sortir d’une spirale déflationniste mortifère, les professionnels vont devoir investir dans l’outil de production et miser sur les services. En d’autres termes, ils devront passer d’une logique 'métier' à une logique 'client'. Cela implique d’élaborer des offres plus globales, de développer des centres multi-filières, de mettre davantage l’accent sur l’innovation et surtout d’avoir une vision de long terme. "Pour mettre en place une véritable stratégie client, les gestionnaires de déchets doivent proposer des services d’accompagnement aux entreprises (maîtrise des coûts, détection des meilleures filières de valorisation...), être réactif et proche de leurs clients pour répondre en particulier aux attentes des collectivités. La globalité, pour répondre aux logiques de réduction de nombre de prestataires, ainsi que la qualité des prestations doivent également faire partie des priorités", explique Xerfi-Precepta
Le marché change aussi de paradigme en raison de l’essor technologique. Aujourd’hui sous-exploitées, la numérisation et les nouvelles technologies apparaissent pourtant comme de formidables outils pour rationaliser les process et ainsi restaurer durablement les marges. C’est surtout vrai en amont de la chaîne de valeur (collecte, tri). Dans la collecte, les nouvelles technologies numériques sont susceptibles de rationaliser les coûts. Il s’agit pour les professionnels d’affiner leur connaissance du gisement de déchets des ménages et des entreprises en termes d’évolution, de taux de remplissage, de type de déchets... De quoi permettre aux acteurs d’optimiser leurs tournées et donc de réduire les coûts de transport.
L’automatisation et la robotisation des centres de tri doivent permettre avant tout d’améliorer la compétitivité-prix des entreprises. Un robot est par exemple capable de réaliser les tâches de plusieurs employés en fonctionnant 24h/24, ce qui réduit les coûts de main-d’oeuvre. L’automatisation des tâches (tri optique, tri aimanté, presse de tri par extrusion, TMB - Tri Mécano-Biologique...) permet également de réduire le taux de refus des déchets triés et donc de réduire leur prix à la sortie du centre (ce qui peut constituer un avantage concurrentiel certain lors d’un appel d’offres), tout en améliorant leur qualité. Ajoutons enfin que de nouvelles filières de tri (et donc de traitement) peuvent se développer, en particulier dans la séparation des plastiques. Toutefois, un certain nombre d’opérateurs n’auront pas la capacité financière d’investir dans des centres robotisés. En outre, ils seront confrontés à un durcissement des relations avec leurs salariés (risque de grèves notamment), la robotisation étant souvent perçue comme une cause de destruction d’emplois.
En rapport avec le sujet, nous vous renvoyons à notre article : Le marché du recyclage rattrapé par la conjoncture ?.