Focus sur les D3E pro : état des lieux et chiffres clés
Les déchets d’équipements électriques et électroniques sont souvent abordés sous l’angle des D3E (ou DEEE) ménagers, correspondant aux produits d’usage courant pour chacun d’entre nous : électroménager, matériel hi-fi ou vidéo, informatique et téléphonie... Toutefois, la réglementation européenne et française s’applique également aux équipements électriques et électroniques (EEE) détenus par des professionnels, qu’il s’agisse d’équipements "assimilés à des équipements ménagers" et/ou d’équipements considérés comme "strictement professionnels". Lors du colloque "Filières & Recyclage" qui s'est tenu le mois dernier à Paris, Erwann Fangeat (Service Filières REP et Recyclage à l'Ademe) nous a livré un état des lieux très complet de la situation, avec une multitude de chiffres...
Chaque année, les producteurs déclarent au registre des producteurs d’EEE, tenu par l’Ademe, les quantités d’équipements mises sur le marché. En 2009, 1,54 millions de tonnes d’EEE ont ainsi été déclarés ; ils se répartissent de la façon suivante : 1,39 million de tonnes d’EEE ménagers et 150 875 tonnes d’EEE professionnels. Les tonnages globaux sont répartis comme suit en fonction des 10 catégories :
Pour information, les 10 catégories d’équipements sont les gros appareils ménagers ; les petits appareils ménagers ; les équipements informatiques et de télécommunications ; le matériel grand public ; le matériel d’éclairage ; les outils électriques et électroniques ; les jouets, équipements de loisir et de sport, les dispositifs médicaux ; les instruments de surveillance et de contrôle ; et enfin les distributeurs automatiques.
Concernant les tonnages d’équipements strictement professionnels mis sur le marché, ils se répartissent comme suit parmi les 10 catégories précédemment citées :
On notera que la catégorie 3 (équipements informatiques et de télécommunications) est la plus représentée. Pour M. Fangeat, cela traduit les volumes importants de TIC (technologies de l’information et de la communication) mis sur le marché chaque année dans le domaine professionnel (71 Ktonnes en 2009), mais aussi l’absence de déclarations au registre pour certains EEE professionnels. Pourquoi ? Soit parce que les producteurs ignorent la réglementation ; soit parce qu'ils estiment que leurs équipements ne sont pas des EEE couverts par la réglementation ; soit encore parce qu’ils n’ont pas encore mis en place de dispositif de collecte ou attendent l’agrément d’un éco-organisme dans le domaine professionnel (ce qui légalement, ne les dispense aucunement de déclaration).
"Il est très compliqué d’estimer à ce jour, le volume d’équipements électriques et électroniques mis sur le marché chaque année dans le domaine professionnel, notamment en raison de la forte dispersion des producteurs", précise Erwann Fangeat. "Toutefois, au regard des échanges avec les différentes organisations professionnelles, on peut raisonnablement penser que le volume total d’EEE mis sur le marché chaque année est 50 à 100% plus élevé que les quantités aujourd’hui déclarées, ce qui modifierait très significativement les répartitions présentées précéddement (les quantités non déclarées appartenant probablement à d’autres catégories que la catégorie 3)".
Pour les D3E détenus par des professionnels, mais assimilés à des D3E ménagers, la réglementation relative à ces derniers s’applique. A ce jour, et en l’absence d’approbation de dispositif individuel mis en place par les producteurs, ces équipements entrent dans le champ des 4 éco-organismes agréés : Ecologic, Eco-systèmes, ERP et Récylum. Toutefois, en raison de la nature professionnelle du détenteur, certains circuits de reprise ne sont pas appropriés et d’autres solutions doivent être proposées ou développées. Ainsi, les déchèteries acceptent rarement les D3E ramenés par des professionnels. De plus, certains distributeurs ignorent le statut "ménager" des EEE qu’ils commercialisent, et donc leur fameuse obligation de reprise "1 pour 1".
"Les responsabilités des producteurs en matière d’élimination des D3E professionnels sont différentes de celles des D3E ménagers. Ainsi, l’élimination des D3E professionnels issus d’équipements mis sur le marché avant le 13 août 2005 (dits "D3E historiques") demeure de la responsabilité du détenteur de ces déchets, sauf s’il en avait convenu autrement avec le producteur", indique M. Fangeat. "En revanche, pour les D3E professionnels issus d’équipements mis sur le marché après le 13 août 2005, la réglementation précise que l’enlèvement et le traitement incombent aux producteurs de ces équipements".
Au total, 393 027 tonnes de D3E ont été déclarées collectées en 2009, dont 21 687 tonnes de D3E professionnels.
Dans le domaine professionnel, les quantités de D3E collectées et les quantités d’EEE mises en marché ne peuvent pas à ce jour être mises en perspective car les équipements concernés par ces déclarations de collecte sont ceux qui ont été mis en marché après le 13 août 2005 (et non les "DEEE historiques") et pris en charge par les producteurs. Or, une enquête menée en juin dernier auprès des producteurs met en évidence que 90% des équipements professionnels ont une durée de vie de plus de 5 ans, et 60% de plus de 10 ans. Seulement la moitié des producteurs d équipements inscrits au registre devraient avoir des équipements devenus hors d’usage d’ici 2015.
"Par ailleurs, seuls les déchets pris en charge par le producteur sont déclarés au registre : lorsque les déchets sont gérés directement par le détenteur (soit parce que les équipements sont historiques, soit parce que le producteur en a délégué la gestion à l’utilisateur, soit parce que l’utilisateur a choisi de gérer lui-même ses déchets alors que le producteur a proposé une reprise), alors ils échappent au dispositif déclaratif actuel", précise Erwann Fangeat.
Au total, 386 212 tonnes de D3E ont été déclarées traitées en 2009, dont 21 599 de D3E professionnels. Comme on peut le voir ci-dessous, 88% d'entre eux appartenaient à la catégorie 3 en 2009.
Comme précédemment, M. Fangeat rappelle qu'il est important de rappeler que ces chiffres ne représentent pas l’intégralité des quantités de D3E professionnels traités en 2009. En effet, pour les EEE mis sur le marché avant le 13 août 2005, la fin de vie de l’équipement est à la charge de l’utilisateur final ; pour ceux mis sur le marché après cette date, les producteurs peuvent déléguer la responsabilité de la fin de vie à l’utilisateur final. Dans ces deux cas de figure, les quantités de D3E traitées ne sont pas déclarées auprès du registre des producteurs. Une enquête en cours auprès des opérateurs de traitement de D3E met en évidence que les quantités de D3E professionnels traitées en 2009 sur le territoire national, pourraient être 3 à 4 fois plus élevées que les quantités effectivement déclarées.
Les 21 599 tonnes d’équipements professionnels traités recensés dans le registre ont majoritairement été envoyés vers des centres de traitement favorisant le recyclage matière, ou orientés vers le réemploi ; 70% des tonnages déclarés ont été traités en France. Une étude est en cours visant à actualiser l’inventaire des sites de traitement de D3E en France : elle sera téléchargeable sur le site Internet de l’Ademe.
"A ce jour, les données recueillies dans le registre des producteurs sont insuffisantes pour donner un panorama représentatif des équipements électriques et électroniques professionnels mis sur le marché, collectés et traités". La mise en place d’éco-organismes agréés devrait permettre d’obtenir une meilleure vision du marché des EEE professionnels. Concernant la collecte et le traitement, l’arrivée des D3E "non historiques" en tant que déchets devrait permettre d’observer une hausse progressive des volumes collectés et traités sous responsabilité des producteurs, notamment à partir de 2015 et principalement en ce qui concerne les TIC", conclut Erwann Fangeat. "Toutefois, une vision exhaustive du panorama réel de la collecte et du traitement devra passer par des enquêtes complémentaires auprès des opérateurs de traitement, pour tenir compte des quantités prises en charge directement par les détenteurs des équipements. La mobilisation progressive de tous les acteurs, producteurs, distributeurs, opérateurs de collecte et de traitement, mais également avant tout, des détenteurs, est essentielle pour atteindre les résultats en terme de collecte, recyclage et valorisation respectueuse de l’environnement".
source et crédits graphiques : Ademe