Fiscalité écologique : un virage difficile à prendre
L’Assemblée nationale vient d’adopter, en première lecture, la première partie du projet de loi de finances pour 2009 et débat désormais du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nombre de dispositions doivent contribuer au financement et à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Analyse et réactions de FNE sur la base de quelques morceaux choisis…
Pour bien planter le décor, Christian Garnier, vice président de la fédération FNE, souligne que « la crise économique ne doit pas éclipser la crise écologique ! Au contraire : dans un contexte de crise financière, le Grenelle de l’environnement constitue une opportunité pour changer de modèle économique au profit d’un développement soutenable. La fiscalité écologique est l’un des leviers pour y parvenir.
Jamais nous n’avons autant parlé de fiscalité écologique et il faut s’en féliciter. Toutefois, le virage est dur à prendre ! Les mesures fiscales sont encore trop timides pour permettre un vrai changement des comportements. Il faut faire un choix clair : celui du développement soutenable, pas celui du rafistolage sans avenir d’un système à bout de souffle ».
Déchets : la réforme de la TGAP ne doit pas favoriser le recours à l’incinération
Ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2009 : la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) est réformée. En vue de favoriser le recyclage et la valorisation des déchets ménagers et assimilés, les installations d’incinération sont désormais concernées par la taxe et la TGAP est relevée pour les installations de stockage. (article 9)
La réaction de France Nature Environnement :
FNE s’oppose à une modulation de la taxe décharge, reposant sur des critères environnementaux factices. Cette modulation n’était pas prévue dans les engagements du Grenelle. Pour FNE, les décharges ISO14001 doivent payer les mêmes taxes que les autres.
FNE souhaite que la TGAP-incinération soit deux fois plus élevée. Pour l’instant, les taux proposés reviennent à favoriser nettement l’incinération par rapport à la mise en décharge, y compris lorsqu’il n’y a pas de valorisation énergétique.
Déchets : l’abandon de la taxe « sac de caisse » n’a rien de regrettable
La commission des Finances de l'Assemblée a adopté mardi un amendement instaurant une taxe de 0,15 euro sur chaque sac de caisse en plastique et de 0,10 euro sur chaque sac en plastique pour fruits et légumes. Mais la mesure a été écartée par les députés.
« Cette taxe n’était pas idéale. Elle ne prenait pas en compte les sacs biodégradables, pourtant à usage unique. De plus, elle est arrivée comme un cheveu sur la soupe. Depuis trois ans, la consommation de sacs à usage unique a été réduite de plus de 50%, sans taxe, mais grâce à la promotion des sacs-cabas réutilisables et les efforts des distributeurs dans le cadre du plan national de la prévention des déchets lancés en 2004 par le MEEDDAT », soutient Gaël Virlouvet, responsable du réseau déchets de FNE
Dans le même domaine, on note l’oubli de l’éco contribution sur les produits fortement générateurs de déchets : FNE souligne que les engagements du Grenelle de l’environnement prévoyait la création d’une éco contribution sur les produits fortement générateurs de déchets dés lors qu’une alternative existait et regrette donc que cette mesure ne soit pas mise en place.
Agrocarburants : et si on abandonnait toute fiscalité privilégiée ?
Ce que prévoit le projet de loi de finances : alors que le projet de loi initial prévoyait l’abandon de toute défiscalisation des agrocarburants en 2012, les députés ont amendé le texte de manière à réduire simplement ce privilège fiscal. En outre le projet de loi de finances 2009 prévoit une taxation des opérateurs n’incorporant pas suffisamment d’agrocarburants. (article 5)
Pour FNE, c’est non. « Le retour sur la défiscalisation est trop timide et ne règlera pas le problème des agrocarburants. FNE demande l’abandon de toute fiscalité privilégiée. Rappelons que les agrocarburants constituent, à l’échelle mondiale, une impasse énergétique, environnementale et alimentaire puisqu’ils entrent en concurrence avec la vocation nourricière de l’agriculture », estime Jean-Claude Bevillard, pilote du Réseau Agriculture.
FNE souhaite un plan de suppression totale de la défiscalisation des agrocarburants, et l’abandon de tout autre avantage accordé aux carburants contenant des agrocarburants.
Toujours dans le registre des agrocarburants, on manifeste une opposition au privilège accordé au superéthanol E 85
Ce que prévoit le projet de loi de finances : L’article 9 quater (nouveau) de ce texte dispose : « Les véhicules spécialement équipés pour fonctionner au moyen du superéthanol E85 mentionné au tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes bénéficient d’un abattement de 40% sur les taux d’émission de dioxyde de carbone , au sens de la directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques (…) Cet abattement ne s’applique pas aux véhicules dont les émissions de dioxyde de carbone sont supérieures à 250 grammes par kilomètre. »
FNE regrette cet avantage fiscal octroyé au superéthanol E85 et demande que le bon sens prévale avec l’abandon de toute fiscalité privilégiée sur tous les agrocarburants dont le bilan environnemental et énergétique est négatif.
Transports : la modulation de la taxe kilométrique poids lourds ne doit pas aboutir à sa disparition
Ce que pourrait prévoir la loi de finances 2009 : l’article 60 de la loi de finances, qui sera discuté le 6 novembre à l’Assemblée Nationale, prévoit l’instauration d’une taxe poids lourds sur le réseau national non concédé (environ 10 000 kilomètres). Il s’agit d’une mise en œuvre des principes du Grenelle de l’environnement sur l’écoredevance.
FNE a proposé deux amendements concernant :
une possibilité de mettre en place des surpéages dans les zones de montagne. Celles-ci subissent de plein fouet les impacts environnementaux des poids lourds.
une possibilité d'augmentation de la taxe (sur péage) dans les zones urbaines (qui subissent elles aussi davantage certains impacts environnementaux).
En effet, l’engagement 45 du Grenelle prévoit la mise en place d’une tarification routière pour les poids lourds. Les deux amendements proposés sont conformes à la Directive Eurovignette qui définit au niveau européen le cadre d’application de cette tarification routière.
Consommation : pour une extension du bonus malus
FNE rappelle que le Président de la République s’est engagé, dans son discours de politique économique de Toulon, à ce que le système du bonus malus soit étendu à de nouvelles familles de produits. FNE souhaite que le Groupe de travail annoncé soit mis en place et que ses conclusions soient rendues publiques le plus rapidement possible. Cet engagement majeur ne doit pas être abandonné !
Par ailleurs, si la prise en compte des contraintes propres aux familles nombreuses est légitime, FNE s’interroge sur la pertinence d’un abaissement du malus automobile.