Fête de L’Huma : prière de respecter la consigne
C’est nouveau : le gobelet récupérable aura cette année les faveurs de la Fête de l’Humanité, qui se tiendra comme à l’accoutumée en septembre. En clair, pour le cru 2008, le godet classique sera un verre consigné. Ceci envers et contre tous. Le jetable, version plastique mou, est banni. Heu… ça s’arrose !
Boire dans des verres consignés, n’est pas une révolution en soi : l’Allemagne pratique la chose depuis 10 ans et notre voisin espagnol depuis plus de 7 ans. Ce qui ne veut pas dire qu’en France on soit à la bourre (j’entends déjà les mauvaises langues s’exprimer sur le sujet). « Dans notre beau pays, les manifestations et autres festivals qui pratiquent la consigne foisonnent désormais et ce depuis six mois », explique Emmanuel Torrent, président d’Écocup, l’association qui a importé le « gobelet consigné » en France. Et au rythme où vont les choses, « on ne va pas pouvoir rester bénévole très longtemps », prévient l’enseignant, depuis Céret, son QG situé près de Perpignan.
Bref : c’est apparemment très tendance et cette année, tous les grands rassemblements s’y sont mis : les Eurockéennes de Belfort, Solidays à Paris (120 000 gobelets)…. Que du lourd ! Pourtant, convertir les indécis ne se fait pas en un jour. « Pour notre brasseur sponsor, la fabrication des verres consignés est trois fois plus chère que celle des verres jetables », a récemment expliqué Emmanuel Dollfus, responsable de la communication à Solidarité Sida, organisateur de Solidays. « Mais, au final, nous sommes à l’équilibre financier, et puis, comme 95 % des festivals s’y seront mis l’année prochaine… ». Et puis, il fallait convaincre les festivaliers. « Il y a eu des mécontents à cause de l’euro supplémentaire à payer, mais bien moins que prévu »… Peut être parce qu’au final tout est beaucoup plus propre : « quand le sol est propre, les gens ne jettent pas le reste », papiers gras et barquettes de frites.
Conclusion : au lieu de prendre une pâtée, ceux qui s’y sont collés ont donc connu le succès
Mais revenons à la Fête de l’Huma : plus de 300 000 verres sont prévus. L’objectif est clairement de réduire la quantité de déchets inévitablement générés par ce grand rassemblement populaire. Cela faisait plus d’un an que le projet cogitait. Mais il n’est pas facile de rompre avec les vieilles habitudes et se jeter à l’eau en demandant à chacun de ramener son godet après qu’il est bu son gorgeon.
Après moult hésitations, ils se lancent. Quand bien même c’est, de notre point de vue, une bonne idée, elle ne fait pas l’unanimité du côté de notre confrère l’Humanité : cris d’épouvante ici et rires moqueurs par la, un peu partout dans les couloirs du journal. Du genre : « Pfff, quoi ? On garde notre verre toute la soirée avec nous ? On parle bien de la Fête de l’Huma et de ses dizaines de débits de boissons ? M’étonnerait qu’ça marche ». Ou plus enthousiastes, les « Bonne idée, ça devenait dégueu aux abords des stands avec tous ces verres par terre ».
Quoi qu’il en soit c’est parti. Les dés sont jetés : on boira cette année dans des verres consignés, confirme Olivier Valentin, directeur technique de l’événement.
Le principe est simple : à la première boisson, le fêtard ajoute un euro. Qui lui sera restitué contre son verre en plastique dur, adapté aux foules égayées et aux ripailles arrosées. L’échange se fait dans n’importe quel stand de la Fête. Tandis qu’au fil de la journée une bonne centaine de personnes se charge de réapprovisionner les bars en verres propres.
Quand on y regarde de plus près, il est facile de croiser des habitués qui le portent en pendentif, attaché à un cordon prévu à cet effet. Certains le gardent en souvenir et s’en servent à d’autres occasions.
Ce qui est cool dans cette nouvelle façon de faire c'est que logiquement, on en a fini avec les matelas de gobelets cassés qui craquent sous la chaussure. Les tenanciers de bar comme les collectivités font des économies de nettoyage. Les stands de la Fête économisent l’achat des verres.
« L’idée est de considérer le recyclage du plastique comme la dernière issue. Commençons par diminuer la quantité de déchets », confirme le président d’Écocup qui garde en mémoire les deux mètres de haut de gobelets et autres déchets en plastique à l'issue de chaque feria dans son village. « On voyait bien qu’en Espagne, à une heure de chez nous, ce n’était pas le cas ».
C'est ainsi qu'il y a trois ans, l’association se monte et expérimente le verre consigné pour la feria locale : trente mille personnes et de mauvaises habitudes bien ancrées d'un côté ; des patrons de bars un peu récalcitrants s’imaginant que leurs clients consommeront moins de l'autre.
Bilan : beaucoup moins de déchets certes mais des barmen satisfaits tant ils ont fait leur beurre. Quant aux aficionados il sont revenus l'année suivante. Et c'est ainsi que la fête et les services de nettoyage n’ont ramassé qu’ « une grosse centaine de verres cassés, au lieu de 1,5 tonne de plastique habituelle»...