Ferrailles : un homme de fer a succombé…
Ceci est un hommage bien maladroit, parce que chargé d’émotion, à un « petit Toulousain » qui fut, pendant plusieurs décades, un grand nom de la profession et du recyclage.
Homme de fer qui n'était pas de bois, prince du monde de la ferraille, allant de l'avant avec, toujours, un moral d’acier, Jacques Tapiau vient de rendre son dernier souffle. Il avait 84 ans.
Triste moment que celui où l’on voit partir un être cher.
Dur moment que d’avoir à constater que les pages tournent…
Mais il est des hommes qui marquent l’histoire de leur empreinte et qui restent dans les mémoires. Ce sera, sans aucun doute le cas de Jacques Tapiau, qui vient de nous quitter à l’âge de 84 ans.
Tout a commencé du côté de Toulouse, avec une tour, la tour Tapiau. A la base du creuset se trouvait un robinet qui ouvert, déversait le plomb fondu dans une passoire, dont les orifices correspondaient au diamètre et donc du plomb à obtenir. Chaque passoire correspondait donc à un calibre donné. Par ce passage le jet de plomb se transformait en autant de gouttes et par une goulotte tombait dans un bac emplie d'eau, qui à la fois amortissait sa chute, empêchait son écrasement et lui conservait sa forme sphérique ; cette dernière lui étant donné d'autant mieux que la hauteur de chute était grande…
Tapiau, (B. Tapiau et Fils) étant le nom du fabricant, par ailleurs un ferrailleur en gros, devenu Sté. Française des Ferrailles, puis Sudfer, puis Novafer.
Et ce fut la guerre, puis la « montée à Paris »… avec l'un de ses trois frères, André Tapiau.
Les aléas de la vie et de l’histoire, sa parfaite complémentarité avec André, sa persévérance et son irrémédiable envie de ne pas se laisser abattre, ont fait de cet homme une exception …
Peut-être d'ailleurs est-ce grâce à la tour, qu’il est devenu, peu à peu, un monument. Car jamais, il n’a souhaité changer véritablement de métier. En revanche, il a œuvré pour changer LE métier, SON métier…
Petit par la taille mais immensément grand par l’intelligence, l’élégance tout autant que par la modestie qui l’ont caractérisé tout au long de sa vie, un ténor de la profession s’est donc éteint, le 18 juin.
Homme de fer, souvent ganté de velours, il s’est rapidement forgé une solide réputation, visant toujours le meilleur pour l’entreprise qui était la sienne et qu’il avait à coeur de développer pour en faire la première.
Précurseur tout autant que visionnaire, véritable locomotive, il ne s’est jamais contenté de viser les tonnages et allait, toujours de l’avant.
Après un voyage initiatique aux Etats-Unis, à l’heure où ce n’était pas encore « la mode » de ce côté de l'Atlantique, et ne craignant rien des critiques qui ne manquaient pas de ponctuer ses nombreuses initiatives, il installait la presse la plus puissante qui soit, puis l'un des tout premiers broyeurs européens en France, informatisait tous les sites constituant la société, bétonnait les chantiers, travaillait sur la dépollution automobile des VHU et faisait breveter des procédés que nul alors, n’avait mis en œuvre, ceci, bien sûr, avec le concours de ses précieux collaborateurs...
Précieux parce que compétents, mais aussi parce qu’ils constituaient une sorte de famille pour ce chef d’entreprise hors du commun. Amoureux de la technique et des matériels performants dédiés au traitement de la ferraille, il n’a jamais pour autant oublié la valeur des hommes qui composaient son entreprise.
Sphinx à ses heures, il savait aussi être à l’écoute et se comporter en père protecteur. La pérennité de l’entreprise, comme sa vision industrielle du métier, étaient étroitement liées avec le souhait qu’il avait de toujours protéger ses équipes. C’était tout cela à la fois, Jacques Tapiau…
Aussi, nous ne nous étendrons pas sur la triste fin de sa carrière professionnelle qui s’est traduite par son éviction, en 1996, de la grande maison qu’était devenue alors, la CFF, Compagnie Françaises Ferrailles.
Blessé en profondeur d’avoir été ainsi trahi par quelques uns, au sein même du sérail, il aura beaucoup de peine d’avoir à quitter ce qu’il avait bâti dans des conditions manquant singulièrement d’élégance. Mais Jacques Tapiau connaissait trop bien l’âme humaine et les défauts majeurs que peut avoir l’homme, capable parfois d’actions, voire de trahisons, pour des causes dont la valeur lui échappait …
Homme de cœur, homme de valeur et valeur sûre, Jacques Tapiau fut, à n’en point douter, un prince dans le monde de la ferraille.
« Le petit père Tapiau », comme on l’appelait affectueusement dans le cercle des initiés, est devenu, à la force du poignet et grâce à une compréhension du métier et surtout du devenir de celui-ci, un grand monsieur dans le monde très fermé de la récupération de l’époque.
Pensez !
Ferrailleur !...
Car il fut un temps qui a duré bien longtemps, où ce n’était guère reluisant que d’arborer cette étiquette.
Aujourd'hui, une conclusion s’impose : c’est sans conteste grâce à des hommes de cette trempe, que le métier est peu à peu sorti de l’ombre, qu’il est parvenu à se montrer et même à occuper le devant de la scène. Car il avait une vision industrielle du métier.
Faut-il rappeler en effet, que Jacques Tapiau négociait avec Francis Mer en personne, qu’il a été félicité publiquement par Pierre Bérégovoy, alors Premier ministre de la France ?
On ne s’étendra pas davantage sur les gens haut placés que Jacques a pu côtoyer et avec lesquels il a œuvré au service de sa profession : il n’aimerait pas. Ce qu’il a fait, en ce temps là et pendant toutes ces années, ce fût pour son entreprise, et donc ses très nombreux collaborateurs, mais aussi pour un métier qu’il aimait et qu’il voulait voir reconnaître à part entière, tant il en était fier…
Jacques a rejoint sa chère Rolande, 3 ans jour pour jour après le décès de cette épouse qu'il a adulé...
Il repartira vers les terres de son enfance et sera inhumé auprès des siens, dans la Ville Rose. Ses obsèques auront lieu mardi 23 juin, en l'église de Lavernose (sur la commune de Lavernose Lacasse, 31410) à 14 30.
A son fils, Jean-Louis, et à sa famille, nous disons notre profonde tristesse et présentons nos très sincères condoléances.