Ferrailles : Clemenceau… qui n’en veut ???
Personne ! C’est bien le problème. Après avoir tourné dans l’eau et revu du pays, après que tout le monde se le soit arraché, il n’intéresse plus grand monde. Il faut dire que la coque prend l’eau, que l’eau est contaminée par amiante et autres polluants, avec pour corollaire une décontamination obligée, avant relargague, ce qui n'est pas gratuit. Si l'on ajoute à cela que le prix de la ferraille s’est un peu cassé la gu…
Qui n’en veut ? Qui n’en veut de mon bateau ? C’est le Clemenceau, qui n’en veut du Clemenceau ?
Même à la criée, ça ne prend pas : le prix de la ferraille, divisé par 4 au moins depuis juillet dernier, fait des tristounets qui ne veulent pas prendre de risque avec ce gros morceau qu’est le Clemenceau…
En clair, et à peu de chose près, il ne vaut plus un clou ou presque. Dans ce nouveau contexte, est-il encore rentable de le déconstruire au prix annoncé ? Quand la société anglaise Able avait décroché le contrat, elle tablait sur un prix de revente de la tonne naviguant entre 350 et 400 euros et n’avait pas évidemment envisagé une chute des prix à 100 € la tonne.
Dans ce contexte, il en est déjà qui se demandent comment les Anglais qui sont 5 à 6 fois moins chers que les autres, vont faire pour s’en sortir.
Car depuis juillet 2008, les cours de la ferraille plongent dans les abysses, ce qui fait que la proposition anglaise apparaît de plus en plus risquée. Depuis la baisse des prix moyens de l’acier recyclé observée depuis ce début d’été, on estime que le manque à gagner sur les 15 à 20 000 tonnes de ferrailles à traiter, fluctue entre 3 à 4 M€. Compte tenu de ces éléments, il est clair que l’entreprise travaillera à perte.
Pire, au-delà de la chute des cours, l’acier recyclé ne trouverait plus beaucoup d’acheteurs dans une situation qui n’est pas prête de s’améliorer si l’on en croit les spécialistes. Il faudrait en tout cas attendre le dernier trimestre 2009 avant de commencer à y voir plus clair ; c’est du moins ce qu’affichent les spécialistes du géant ArcelorMittal.
« En tout état de cause, le cours actuel ne peut guère baisser plus », affiche Philippe Daniel, Président du syndicat Federec Métal. «Et l’on peut même imaginer qu’une société qui a la surface financière d’Able UK puisse démanteler, attendre et vendre à un moment plus favorable»…
Moins optimistes, d’autres ne sont pas loin de penser que les ralentissements juridiques engagés par les associations d’opposants au projet font aujourd’hui le jeu d’un l’industriel anglais bien incommodé. «Ce bateau est probablement devenu un fardeau pour Able» ajoute l’un des recalés de l’appel d’offres. On peut légitimement penser qu’Able UK tente actuellement de renégocier le montant du contrat auprès de la Marine, alors que cette dernière a toujours refusé une formule de révision du prix en cas de fluctuation du marché. «C’est votre risque d’industriel, les évolutions du marché ne sont pas notre problème», confirme le donneur d’ordre aux industriels, des industriels qui avaient cependant tenté d’alerter sur les risques d’un marché qui s’effondre et d’un bateau que plus personne ne veuille traiter.
Ou l’Etat français décide de revoir à la hausse le prix de la déconstruction, ou l’appel d’offres glissera vers un autre candidat. « Mais même pour quatre à cinq fois plus d’argent, ce n’est pas sûr qu’un autre veuille aujourd’hui récupérer la coque» ajoutait, tout récemment un des quatre autres industriels concernés. Dans le contexte actuel, le temps joue sans doute pour Able... jusqu’aux lourdes pénalités d’un contrat solidement ficelé.
Dans ce contexte, qui illustre parfaitement bien l’ambiance qui règne, le BIR, Bureau International du Recyclage tire la sonnette d’alarme sur le risque d’un terrible « effet domino » résultant de la décision des quelques grands acteurs du secteurs des métaux de suspendre ‘sine die’ tout achat de matière première recyclée. L’institution mondiale du recyclage a en effet signé et expédié une lettre à destination des Commissaires européens Günter Verheugen (Entreprise et Industrie) et Catherine Ashton (Commerce) afin de leur exprimer leur inquiétude quant à l’avenir de très nombreux acheteurs de matières premières secondaires en Europe et hors des frontières européennes.
La situation actuelle financière et économique, affecte en effet tous les secteurs de production et industries manufacturières, c’est à dire que de très nombreux négociants de produits recyclés doivent faire face à des défaillances, des retards de règlements, voire des demandes de discounts tels, qu’il y aurait de quoi mettre la clé sous le paillasson.
Ainsi, pour ne citer qu’un exemple parmi d’autres, le Bir informe la Commission que l’un des majors en matière de production d’acier (34% du marché européen) a récemment envoyé une lettre signifiant à tous que compte tenu de la situation du moment sur le marché de l’acier, avec pour conséquences les impacts sur le marché des ferrailles, il se voit dans l’obligation de renégocier tous le contrats conclus avant septembre pour les marchandises non encore livrées.