Europe : les déchets, en question...
Martin Bursik est ministre de l’Environnement de la République Tchèque. Il est également ministre de l’Environnement du pays qui assure actuellement la présidence de l’Union Européenne. Il est donc tout à fait instructif de savoir à quel point la problématique des déchets est importante pour lui... et aussi de faire le point quant à la nature du programme pour l’environnement qui est à l'ordre du jour pour la durée du mandat Tchèque…
La gestion des déchets est l’une des politiques clés de l’UE car tous les pays sont confrontés à la problématique des déchets, et pas seulement les États développés de l’Union européenne. La quantité de déchets s’accroît en permanence en Europe et il est indispensable non seulement de traiter cette problématique en tant que telle, mais aussi de chercher les moyens de prévenir la production des déchets.
Quelles seront vos priorités au cours des 6 mois de votre mandat?
La présidence tchèque du Conseil de l’UE s’est fixée quatre sphères prioritaires fondamentales dans le domaine de l’Environnement : le changement climatique, la protection de la santé humaine et de l’environnement, la consommation et la production durables, et enfin la protection de la diversité naturelle.
La situation en matière de gestion des déchets est influencée de façon significative également par la crise économique actuelle, et c’est pourquoi la présidence tchèque, sous l’impulsion de l’Irlande et d’autres pays, a inséré la problématique de la réduction de la demande en produits recyclés à l’ordre du jour du Conseil des ministres chargés de l’Environnement de l’UE en mars. À cet égard a été organisée à Prague en février la rencontre des directeurs européens des départements Déchets au cours de laquelle les mesures possibles en vue d’une résolution de la situation ont été discutées.
Nous avons par ailleurs ouvert les négociations sur les propositions de directives apportant des modifications dans le domaine de la gestion des déchets électriques et électroniques. L’intention de notre présidence est en outre de préparer les conclusions du Conseil sur le Livre vert de la Commission européenne sur la gestion des biodéchets dans l’UE. L’objectif devrait être la définition de la stratégie à venir de l’UE dans ce domaine.
La présidence tchèque coordonne également toute une série de rencontres et d’actions internationales significatives dans le domaine de la protection de l’environnement et de la santé dans le cadre desquelles elle représente l’UE. À la 25e session du Conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) qui s’est déroulée en février 2009 à Nairobi, les discussions ont porté sur la réduction de la production et de la consommation du mercure, et une décision importante a été adoptée : un comité intergouvernemental de négociation sera institué, qui commencera l’année prochaine à travailler sur un instrument mondial juridiquement contraignant visant à limiter l’exploitation de cette substance. Le comité doit présenter sa proposition dans ce sens au plus tard lors de la réunion du Conseil d’administration du PNUE de 2013. Ceci est pour moi un grand succès de l’Union européenne.
Quel est votre avis, à l’heure actuelle, sur les principaux problèmes auxquels la politique de l’UE en matière de déchets est confrontée : du point de vue des citoyens, des collectivités locales, des entreprises ; pour la protection de l’environnement, mais aussi au regard du développement des systèmes économiques spécifiques ?
L’un des problèmes auxquels la politique actuelle en matière de déchets est confrontée, est celui de la crise financière à cause de laquelle au cours des derniers mois la demande en produits recyclés a brusquement chuté, alors que le papier, le plastique, le verre et la ferraille sont des matières premières secondaires très importantes pouvant être utilisées en remplacement des matières premières primaires et ainsi contribuer de manière significative à la protection de l’environnement.
Personnellement, je considère cette crise comme une opportunité dont il est nécessaire de profiter pour renforcer les investissements dans les sources renouvelables d’énergie, les technologies innovantes, l’efficacité énergétique et les économies d’énergie, de même que pour soutenir l’éducation dans le sens d’un mode de vie durable.
En mars 2009, le Conseil « Environnement » de l’UE que j’ai présidé s’est intéressé à la situation actuelle sur le marché des produits recyclés et a appelé la Commission à rechercher des outils susceptibles d’aider à augmenter la réutilisation et le recyclage des matières premières et a proposer des instruments politiques pour faire face à l’effondrement récent des ventes sur le marché des matières premières secondaires. Lors de la réunion du Conseil, nous avons par ailleurs proposé toute une série de mesures concrètes visant à stabiliser le système européen de gestion des matières premières secondaires, : la recherche de nouveaux marchés pour les matières premières secondaires, la garantie des capacités pour leur traitement, des avantages fiscaux visant à soutenir le marché des produits recyclés, l’exploitation des produits à base de matière recyclée dans les appels d’offres publics (par exemple le matériel pour la construction de murs anti-bruits près des routes et des chemins de fer).
Le ministère tchèque de l’Environnement a lui aussi proposé un certain nombre de mesures destinées à soutenir le recyclage dans le cadre du paquet anti-crise du gouvernement tchèque. Ces mesures doivent réduire notre dépendance à l’égard des importations de matières premières primaires et aider à étendre les opportunités d’emploi dans l’industrie du recyclage tout en limitant en même temps la pollution de l’environnement. Le ministère de l’Environnement offre également des subventions financées sur le Programme opérationnel Environnement pour, entre autres, soutenir la qualité du tri sélectif dans les communes et la construction de lignes de tri. Ces mesures aideront les citoyens, les collectivités locales et les entreprises. Selon moi, l’élément fondamental est le passage à une économie plus verte, ce que reflètent tant le programme européen que les différents programmes nationaux de relance de l’économie dans l’UE.
Quelle est votre opinion sur la transposition de la directive-cadre en Europe ?
Cette nouvelle directive européenne comprend les principes fondamentaux de la gestion des déchets dans l’UE ; le recyclage des déchets, la nécessité de faire des efforts pour une production de déchets aussi limitée que possible ou encore le principe que chaque État doit s’occuper lui-même de ses déchets. Cette directive établit également une nouvelle hiérarchie dans la gestion de déchets.
Aux termes de cette directive, tous les États de l’Union européenne sont obligés de faire en sorte que leurs déchets soient exploités d’une façon ou d’une autre ; ils devraient donc soit être recyclés pour la fabrication d’autres produits, soit être utilisés pour la production d’énergie. Ce n’est que si les déchets ne peuvent être exploités d’une quelconque manière qu’ils peuvent être éliminés en toute sécurité.
Pour ce qui est de l’exploitation des déchets, le ministère tchèque soutient avant tout les projets conduisant à l’augmentation des taux de tri sélectif, de recyclage et de réutilisation des déchets et non à leur exploitation pour la production d’énergie. La directive est censée être transposée dans les droits nationaux des différents pays d’ici le 12 décembre 2010. Notre ministère a d’ores et déjà préparé un projet de nouvelle loi sur les déchets en conformité avec le texte de la nouvelle directive, projet actuellement en cours de débat public.
Comment les expériences de certains pays de l’UE dans le domaine des déchets pourraient-elles ou devraient-elles, selon vous, être intégrées dans la politique globale de l’UE ? Les différentes régions en Europe ont-elles différents problèmes locaux spécifiques ?
Malgré la directive européenne, les États-membres conservent suffisamment de liberté, dans la mise en œuvre de ce texte, pour des adaptations spécifiques. La directive vise les problèmes locaux qu’elle aide à gérer.
En République tchèque, nous avons, en mars 2009, lancé dans le circuit interministériel une modification de la loi sur les déchets. Pour les citoyens, cette nouvelle loi facilite le tri sélectif, rend avantageux l’exploitation des déchets avant leur mise en décharge, simplifie les démarches administratives, permet de prévenir activement la gestion illégale des déchets.
Les comportements écologiques des citoyens doivent être payants pour eux : celui qui trie, fait des économies. La mise en décharge cesse d’être avantageuse, alors que la loi soutiendra le développement du compostage à domicile ou communautaire, des systèmes de tri sélectif des déchets, l’équipement des installations de compostage, la construction de centrales biomasses, etc. Le mode de gestion des déchets le plus fréquent aujourd’hui, la mise en décharge, sera réduit à environ un tiers. Étant donné les problèmes que connaît l’industrie du recyclage, le gouvernement de la République tchèque s’est prononcé en faveur de mesures de soutien des petites et moyennes entreprises – et en particulier en faveur du report du paiement de l’acompte sur impôt – et il a par ailleurs proposé la réduction des charges liées aux assurances sociales et de santé.
Les éventuels problèmes régionaux concernant la gestion des déchets (par exemple le transport illégal des déchets, les décharges illégales, le taux insuffisant de collecte et de recyclage, la gestion des déchets dangereux, etc.) peuvent, à mon avis, être gérés par une mise en œuvre méticuleuse des textes existants. De nouveaux types de déchets apparaissent naturellement en parallèle (par exemple en liaison avec le progrès technique) ; c’est là que je vois la tâche au niveau de l’Union européenne. Je veux d'ailleurs croire que la 10e conférence internationale sur les déchets, qui s'est tenue la semaine dernière à La Baule, contribuera à soutenir les bonnes pratiques des pays de l’UE, qui pourront à l’avenir être également intégrées dans la politique globale de l’UE.