Ecotoxicologie : une discipline qui a de l'avenir
L’homme dissémine de nombreuses substances chimiques dans l’environnement. Que deviennent ces substances dans l’environnement ? Quel est leur impact sur les milieux naturels ? Qu'il s'agisse des médicaments dilués dans les effluents des stations d'épuration ou de la contamination des sols avec des métaux tels que le plomb ou le cadmium en passant par la réhabilitation des sites avec l'aide de végétaux spécifiques, on en vient à parler "écotoxicologie". Une discipline qui fait ses preuves et qui devrait connaître un très bel avenir. Le Programme National d’Ecotoxicologie (PNETOX), piloté depuis 1996 par le Ministère de l’Ecologie, a pour mission de fournir à la collectivité les outils nécessaires à l’évaluation des risques environnementaux liés à l’utilisation de ces substances. Pendant deux jours, on a fait le point sur ces problématiques, avec des études et des résultats à la clé. Morceaux choisis…
Les recherches menées dans le cadre de ce programme participent ainsi depuis plus de 10 ans au développement d’outils d’aide à la décision dont les différents acteurs (industrie, agriculteurs, collectivités…) ont besoin pour gérer l’environnement dans une perspective durable.
Suite au Grenelle Environnement, ce champ de recherche longtemps soutenu uniquement par le Ministère chargé de l’écologie, est maintenant reconnu comme une priorité nationale.
L’écotoxicologie, à l’interface entre l’écologie et la toxicologie, étudie le devenir des substances polluantes dans l’environnement et leurs effets toxiques sur les constituants des écosystèmes, animaux (incluant l’homme), végétaux et microbiens.
Résidus de médicaments : à jets continus dans les STEP !
Les médicaments d’origine humaine ou vétérinaire et/ou leurs métabolites sont rejetés continuellement dans les milieux aquatiques essentiellement par le biais des effluents de stations d’épuration après leur utilisation thérapeutique ou diagnostique. Leur présence est avérée depuis quelques années à large échelle dans tous les milieux.
Le projet, coordonné par Claude Casellas s’est attaché à évaluer les concentrations de certains médicaments retrouvés dans des effluents de stations d’épuration et, à rechercher les effets potentiels sur les organismes aquatiques non cibles.
Ces travaux ont permis de montrer que les médicaments ou leurs métabolites sont présents dans les effluents de stations d’épuration. L’étude menée sur 4 stations de charges et de tailles différentes a permis de détecter par exemple des traces d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, la station recevant la plus forte charge d’effluents hospitaliers ayant une activité particulièrement élevée.
Ce travail a contribué à éveiller l’intérêt pour le sujet notamment par l’organisation en 2005 d’un colloque regroupant scientifiques et représentants des Ministères (Ecologie, Santé) et des Agences.
Il renvoie ainsi plus largement aux préoccupations générales de définition d’une éventuelle norme de qualité environnementale (NQE), de suivi dans le milieu, de stratégie d’action.
Pour en savoir plus, Claude Casellas, Faculté de Pharmacie, Montpellier pour des travaux de recherche intitulés "Identification et quantification de substances à visée thérapeutique ou diagnostique dans les stations d'épuration et évaluation des effets potentiels sur des organismes non cibles".
La contamination des sols : les végétaux peuvent-ils jouer un rôle dans la réhabilitation des sites pollués ?
Focus sur la Région de Saint-Laurent-le-Minier dans le Gard. Les auteurs de cette recherche, coordonnée par José Escarré, ont étudié l’évolution dans le temps de sites pollués par des éléments traces métalliques (ETM) suite à la cessation de l’exploitation des mines dans la région de Saint-Laurent-le-Minier (Gard). Il s’agit principalement du plomb (Pb), du zinc (Zn) et du cadmium (Cd).
Le travail est orienté sur l’étude de l’adaptation d’espèces végétales locales à ces environnements extrêmes dans le but de les utiliser pour la restauration de ces écosystèmes pollués.
Des espèces végétales tolérantes aux éléments traces métalliques (ETM) sont présentes sur ces sites miniers.
Certaines sont capables d’accumuler des fortes concentrations d’ETM. Cette accumulation peut même les rendre dangereuses pour les animaux herbivores qui ne détectent pas leurs fortes teneurs en métaux.
D’autres espèces sont simplement « tolérantes », et peuvent pousser sur des sols riches en ETM.
Les recherches ont permis d’isoler une nouvelle souche de bactérie capable de croître en présence de fortes quantités de zinc et de cadmium. Les racines des plantes s’associent avec ces bactéries sous forme symbiotique, ce qui permet aux végétaux de pousser dans ces environnements riches en métaux.
L’étude a montré que l’installation d’espèces tolérantes permet de revégétaliser les déblais d’exploitation minière. Le couvert végétal mis en place pourrait limiter ainsi le transfert des métaux vers les eaux souterraines et superficielles et l’envol de poussières.
Les résultats ont été transmis à l’Ademe et à l’INERIS et contribuent à une réflexion sur l’utilisation de la phytostabilisation dans la gestion des anciens sites miniers.
Pour en savoir plus, José Escarré, CEFE-CNRS, Montpellier pour des travaux de recherche intitulés "EMETER : Eléments traces métalliques (ETM) dans le continuum sol – plante, espèces tolérantes et restauration des sites industriels"
Problématique des mélanges : Comment évaluer leurs effets sur l’environnement ?
Les risques sont généralement évalués pour chaque substance individuellement. Pourtant, dans l’environnement, les organismes sont confrontés à des mélanges. Or, l’effet de plusieurs substances n’est pas forcément la somme des effets de chacune de ces substances.
Par ailleurs, les évaluations sont souvent réalisées au niveau des individus au laboratoire alors qu’il s’agit de protéger des populations, voire des écosystèmes.
Les travaux de recherche coordonnés par Alexandre Péry proposent une nouvelle approche alliant mesures biochimiques et modélisation pour évaluer, à partir de l’étude d’individus, les effets des mélanges de métaux (cuivre, cadmium et zinc) sur des populations d’organismes aquatiques (daphnies et chironomes), qui sont des organismes-modèles pour l’évaluation du risque écotoxicologique.
L’évaluation du risque lié aux contaminations multi-métalliques est compliquée du fait de la biodisponibilité variable des métaux et de la complexité des interactions entre métaux.
Parmi les métaux présents dans une cellule contaminée, seule une fraction a des effets toxiques.
Les recherches menées ici ont permis de montrer que l’étude de cette fraction (appelée fraction cytosolique) permettait d’estimer des seuils de toxicité. Ces seuils se sont révélés pertinents pour rendre compte des effets de mélanges de métaux au laboratoire et d’échantillons pollués en métaux prélevés sur le terrain. Les approches classiques fondées sur les concentrations totales ou sur les concentrations d’exposition n’auraient pas permis d’obtenir ces résultats.
A partir de données sur les individus, ces travaux permettent de changer d’échelle en prédisant les effets au niveau d’une population. Le modèle mis au point nécessite peu de paramètres. Ces travaux ont ainsi permis d’établir un lien entre le contenu cellulaire en métaux toxiques et un risque pour des populations d’invertébrés. La concentration en métaux dans la fraction cytosolique constitue donc un bon marqueur d’exposition et d’effets, utilisable au laboratoire comme sur le terrain.
Pour en savoir plus, Alexandre Péry, INERIS, Verneuil-en-Halatte, pour des travaux intitulés "Evaluation des effets des Mélanges de Métaux sur la base des Concentrations Internes (EMMCI)"