Economie circulaire sans déchets ultimes : mission impossible

Le 08/08/2019 à 13:47  

Economie circulaire sans déchets ultimes : mission impossible

Mission Impossible Il n 'aura échappé à personne que le projet de loi sur l'économie circulaire a été validé en conseil des ministres le 10 juillet dernier. Dès lors, il est attendu au Sénat fin septembre, puis devrait être discuté par l'Assemblée nationale à l'automne pour une adoption au printemps 2020. Constitué de treize articles, ce projet propose plusieurs axes visant à « stopper le gaspillage », « améliorer la collecte pour lutter contre les dépôts sauvages », « mobiliser les industriels pour transformer les modes de production » ou encore « informer pour mieux consommer ». Fort bien. Mais il y a un « hic » : le recyclage est l'un des moteurs de l'économie circulaire ; point de recyclage sans déchets résultant de l'activité. Et qui dit déchets, dit nécessité de les évacuer. Ni un mot ni une allusion à ce chapitre pourtant essentiel...

Selon le ministère de la Transition écologique et solidaire, 1 165 873 VHU ont été pris en charge en 2017 en France par les 1 706 centres et les 57 broyeurs agréés. GDE, qui compte parmi les acteurs de poids dans cette filière, en a recyclé 380 000, soit près du tiers. Rocquancourt, l’un des six sites de l’entreprise équipés d’un broyeur agréé VHU, est aussi une plaque tournante de l'ensemble puisque c'est là qu’est réceptionné et traité l’ensemble des déchets de broyage, légers et lourds, issus de l’activité VHU de GDE France. Alors que le taux de valorisation exigé est de 95 %, il atteint ce score voire davantage chez un certain nombre d'intervenants dans ce secteur, ce qui permet de certifier que les process mis en œuvre atteignent un haut niveau de performance.

La réglementation imposant aux recycleurs de travailler avec des prestataires agréés et exigeant la traçabilité a porté ses fruits : on estime en effet que 75 % des VHU suivent aujourd’hui le système légal. Ce qui souligne que les deux tiers des VHU sont traités dans les régles de l'art.
Priorité des pouvoirs publics, la promotion de l’économie circulaire, qui favorise recyclage et réemploi des matières, est sans conteste une bonne chose. Cela étant dit, l’Union européenne souhaite que le volume de déchets dits « ultimes », ceux qui partent à l’enfouissement, baisse de moitié d’ici 2030. La France veut aller plus vite en besogne et donne 5 ans de moins à chacun (puisque cette réglementation porte sur tous les déchets) pour s'organiser : son objectif est d'atteindre les -50% dès 2025. La réglementation actuelle, qui vise à réduire la capacité d’enfouissement de 30 % en 2020, menace notament cette filière VHU (mais pas seulement elle) et fait peser un risque sanitaire évident à cause du retour prévisible des décharges sauvages que l’on croyait majoritairement éradiquées. De la même manière que l'on peut considérer que faute d'exutoires suffisants pour les déchets ultimes résultant du traitement de la valorisation et du recyclage des VHU, notamment dans certaines régions, il est à craindre une fuite de VHU vers d'autres pays, avec un manque à gagner pour les entreprises dont c'est le métier.

Ces élements doivent être analysés avec en outre, la récente prime à la casse, qui a inévitablement contribué à augmenter le volume de véhicules à détruire, et donc (il est bon d'insister) le volume de déchets ultimes à enfouir. Un objectif de moindre enfouissement, mais des volumes à enfouir en croissance : l’équation s’annonce insoluble. On aboutit ainsi à une situation paradoxale : la filière VHU, dont les performances de recyclage sont bonnes, serait pénalisée de la même manière que d’autres filières, dont par exemple celle du déchet plastique, dont le taux de recyclage dépasse à peine 20%…
L’équilibre économique des acteurs de la filière VHU, (casse auto, épavistes, recycleurs) pourrait donc être rapidement fragilisé. Face à ce constat, les professionnels cherchent des solutions. En attendant, un moratoire sur la réduction des volumes d’enfouissement s’impose.
Cela permettra aux solutions de long terme de produire leurs effets : diminution du volume à enfouir (plastiques, déchets ménagers…), incitation des producteurs de biens de consommation, dont les constructeurs automobiles, à fabriquer des objets plus facilement recyclables.... Une chose est certaine : il est urgent d’agir pour éviter que la part de véhicules mis « hors circuit » illégalement ne reparte à la hausse, et que les décharges sauvages ne fassent leur réapparition.
Qui a envie de voir nos campagnes et nos villes envahies d’épaves laissant échapper huile, carburant et liquide de refroidissement sur les sols ?

 La situation semble d'autant plus paradoxale que le sort des déchets ultimes est carrément oublié du projet de loi sur l'économie circulaire, présenté mercredi 10 juillet, en conseil des ministres par la secrétaire d'Etat à la transition écologique et solidaire, Brune Poirson. Attendu au Sénat fin septembre, il devrait être discuté par l'Assemblée nationale à l'automne pour une adoption au printemps 2020.
En treize articles, il propose plusieurs axes qui doivent permettre de « stopper le gaspillage », « d'améliorer la collecte pour lutter contre les dépôts sauvages », de « mobiliser les industriels pour transformer les modes de production » ou encore d'« informer pour mieux consommer ».

La volonté du gouvernement de prendre à bras le corps les enjeux autour du traitement des déchets est une excellente nouvelle. Cependant aucune de ces mesures ne propose de réelle solution pour le traitement des déchets ultimes dont le volume ne fait qu'augmenter et dont les débouchés ne font que diminuer.
« Nous saluons les mesures gouvernementales qui visent, à terme, à réduire les volumes d'enfouissement des déchets non ultimes et donc favoriser la transition écologique. Cependant, nous sommes aujourd'hui dans l'impasse sur la question des déchets ultimes, d'autant que leur volume ne fait qu'augmenter depuis que plusieurs pays d'Asie ont banni leur importation. Tout cela est la conséquence d'une situation globale. Réduire l'enfouissement de manière durable ne pourra se faire qu'en agissant sur ses causes », confie Philippe Sorret, directeur général délégué de GDE.

Cette situation est particulièrement critique pour la filière des véhicules hors d'usage qui subit actuellement un goulot d'étranglement et dont le nombre est condamné à augmenter à l'heure où le gouvernement encourage les Français à adopter des véhicules propres pour lutter contre la pollution de l'air. Si rien ne change, « on pourrait voir le retour des décharges sauvages, et on peut s'attendre à la suppression de nombreux emplois si certains broyeurs doivent arrêter leur activité, faute de capacité ; sans compter les répercussions sur les casseurs. ». C'est donc toute une filière qui est menacée si le gouvernement ne réagit pas rapidement.