Économie circulaire : on progresse, mais reste encore beaucoup à faire...

Six associations d’entreprises (Afep, C3D, EpE, France Industrie, INEC, ORÉE) étaient réunies ce 25 octobre dans le cadre d'un colloque qui s'est tenu au ministère de l'Ecologie et qui avait pour thème : « Économie circulaire : les entreprises dans la boucle ! ». Moment d'échanges, de présentations, témoignages et suivi d'actions d'acteurs économiques engagés, en présence de Brune Poirson, Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de la transition écologique et solidaire et Delphine Géry-Stephann, Secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, cette rencontre a été l'occasion de montrer les efforts de chacun, mais aussi de faire part des inquiétudes, des freins sur le terrain... A la veille des débats qui vont s’ouvrir autour du projet de loi sur l’économie circulaire, discuté au premier trimestre 2019, les parties prenantes comptent bien peser de tout leur poids, mais aussi se faire entendre dans l'économie circulaire, puisqu'elles sont directement concernées...
Rendez-vous était donné à l’Hôtel de Roquelaure afin d’expliquer l’engagement des acteurs économiques en faveur de l’économie circulaire. Dans le contexte des directives européennes et de la Feuille de route nationale, adoptées au premier semestre 2018, ainsi que du projet de loi sur l’économie circulaire prévu au cours du 1er trimestre 2019 (il devrait passer en Conseil des ministres au cours du 1er trimestre prochain, puis être débattu au Parlement au printemps, et aurait vocation à imposer des dispositions contraignantes et un paquet fiscal), les interventions d’Agnès Pannier-Runacher et de Brune Poirson, secrétaires d’État, ont introduit les débats, saluant « une dynamique prometteuse », avant que les associations d'entreprises ne mettent en avant leur approche pragmatique dans le cadre d’engagements unilatéraux ou concertés avec les pouvoirs publics. Ces engagements sont fondés sur l’adoption d’objectifs précis, leur suivi et leur amélioration, dans un cadre de reporting régulier et public.

Pour l'heure, les engagements des entreprises sont jugés insuffisants, en nombre et en impact, selon les pouvoirs publics ; ils se renforceraient si seulement la réglementation le permettait, soulignent les grandes entreprises concernées, rassemblées au sein d'associations, qui dans l'ensemble se déclarent opposés à la contrainte qu'elles jugent contre-productive.
Et pour cause : elles insistent sur le fait qu'elles connaissent bien le terrain sur lequel elles évoluent et se posent en dépositaires de solutions possibles, sur la base d’engagements volontaires : si on se renvoie gentiment la balle, on affiche une réelle volonté de progresser.

Air France, Bouygues, Carrefour, Danone, Engie, Veolia, Total, Suez, Michelin, entre autres, ont listé une série d'objectifs et fixé des délais pour les atteindre, afin de limiter leur consommation en matières premières, eau ou énergie. Avec à la clé un bilan que l'association juge très positif, notamment grâce à une démarche volontaire, ce que n'a pas manqué de souligner le directeur général de l’Afep, François Soulmagnon, qui rappelle que les « engagements d’entreprises sont des outils efficaces dans des domaines d’innovation complexe comme l’économie circulaire. Leur publication et leur suivi sont un gage de leur sérieux », citant en exemple l’engagement du Crédit Agricole (le groupe bancaire envisage de changer son matériau de fabrication, pour passer du plastique PVC issu du pétrole, au PLA provenant du maïs), « qui a recyclé 16,5 tonnes de cartes bancaires, l'an dernier, alors qu'il s'était fixé un objectif de 10 tonnes », mais aussi celui du groupe de blanchisserie Elis, « qui a réduit sa consommation d'eau de 29 % par rapport à 2010, alors que son objectif était de parvenir à une réduction de 25 % d'ici 2020 ».
Et de préciser que sur « l’ensemble des engagements pris, 79 suivent le rythme prévu, 16 sont en avance et un a été arrêté », mais aussi qu'il est fondamentalement important de « travailler ensemble, entreprises et Etat, surtout à la veille du projet de loi sur l’économie circulaire ».

Ainsi, dans le secteur du BTP, il est tout à fait possible d’aller beaucoup plus loin pour ce qui touche au réemploi des matières premières puisque « certains matériaux de déconstruction recyclés pourraient même, être exportés vers des pays émergents ». Toujours est-il que les industriels mettent l'accent sur les techniques qui permettent par exemple, d'incorporer davantage de matières premières recyclées dans la fabrication du béton, alors qu'aujourd'hui, on tourne encore à 20% de matière recyclée. Ils penchent donc pour un taux d'incorporation supérieur, à faire figurer dans les cahiers des charges des donneurs d’ordre...

L’étude décortique les indicateurs employés par une quarantaine de grandes entreprises ; elle en décompte 160 et établit un constat : «60% d’entre eux portent sur les déchets, ce qui constitue un réflexe historique au sein des entreprises », précise David Laurent, responsable du pôle Climat et ressources d’EpE. Cela dit, « nous observons une tendance nette vers les indicateurs émergents, en particulier pour évaluer l’éco-conception, la durée d’usage ou encore la part de marché ».

Quant à Oréé, association multi-acteurs de 188 membres, acteur historique en France des démarches d’économie circulaire, notamment au travers de son approche territoriale, elle a conclu, par la voix de sa présidente, Patricia Savin, en réaffirmant que « l’économie circulaire, c’est d’abord une nouvelle façon de concevoir la société : produire et consommer différemment en limitant son empreinte environnementale. Tous les acteurs du territoire sont concernés et doivent œuvrer en synergie. L’Engagement pour la Croissance Verte Frivep, piloté par Orée autour du réemploi et du recyclage des vêtements professionnels en est la parfaite illustration. La FREC doit faciliter la mise en œuvre de telles démarches opérationnelles et pragmatiques »...

Clôturant les échanges, le directeur général délégué de l'Ademe, Fabrice Boissier, s’est félicité de constater un passage effectif du discours, à l’action, même s'il a, aussi, considéré que ce début prometteur reste insuffisant, prévenant l'auditoire que « si on ne change pas rapidement de modèle... on ira droit dans le mur ».
