Eco-emballages : on ne lui fait pas de cadeau

Le 21/12/2009 à 14:51  

Eco-emballages : on ne lui fait pas de cadeau

Montagne de déchets C’est Noël et pourtant, pas de quartier : le Cniid dénonce en effet l’éco-organisme, un an presque jour pour jour après le scandale des placements d'Eco-emballages dans des paradis fiscaux, via un rapport, demandé par les ministères en charge respectivement de l'écologie, de l'intérieur et de l'économie, lequel alimente le « dossier noir » pourtant déjà fourni d'Eco-emballages.

Les quatre responsables de la mission ont audité un grand nombre d'acteurs afin de savoir si Eco-emballages répond au cahier des charges de son agrément. En résumé, la réponse est non.

D'après le rapport qui en a résulté, les chiffres et statistiques produits par Eco-emballages sous-estiment le tonnage d'emballages mis sur le marché chaque année et, à l'inverse, sur-estiment les données sur le recyclage des emballages.

A cela s’ajoute que le dispositif actuel « ne permet pas de réduire significativement le volume d'emballages mis sur le marché depuis 1992. Il est en effet souligné qu'Eco-emballages ne remplit pas sa mission de participation à la prévention des déchets d'emballages alors qu'elle figure dans le cahier des charges depuis 2004. Ce point avait été dénoncé l'année dernière par le Cniid et Agir pour l'environnement dans le dossier « Prévention des déchets : les trois vérités qui dérangent ».

L'éco-organisme restreint notamment les messages délivrés par les collectivités en matière de prévention. ET de citer un cas jugé exemplaire : une collectivité souhaitant mentionner le geste de boire l'eau du robinet dans un guide destiné aux habitants s'est vue refuser les aides financières d'Eco-emballages pour la communication…

Peut être plus grave encore, on y dénonce des zones d’ombres quant aux contributions des entreprises. Comme le répètent depuis des années le Cniid et d'autres associations de protection de l'environnement, « le barème amont définissant les contributions financières des producteurs au dispositif ne les incite pas suffisamment à réduire les déchets d'emballages. Plus grave encore, l'éco-organisme ne calculerait pas comme il se doit ces contributions. Par exemple, certaines entreprises bénéficieraient encore des montants de contribution prévus dans l'ancien barème alors que le nouveau les a augmentés. En aval, le rapport dénonce les modalités de la redistribution des contributions vers les collectivités. Les soutiens sont plafonnés à partir d'un certain tonnage d'emballages ménagers triés, n'incitant pas les collectivités à faire plus d'effort sur le tri et le recyclage. Le rapport demande que le futur barème propose un mécanisme de soutien linéaire afin de favoriser les collectivités qui auront les meilleurs taux de recyclage »...

Déchets en balles Et d’enfoncer un dernier clou … On relève en effet le côté dérisoire des moyens de contrôle d'un éco-organisme dont le budget dépasse les 400 millions d'euros annuels. Le rapport soulève un autre problème de taille : le manque de moyens des pouvoirs publics pour contrôler l'éco-organisme. Ceci avait été mis en avant lors d'audits précédents (1998 et 2005) mais rien n'a été entrepris depuis pour y remédier. On peut notamment lire (p.28) qu'« un agent à temps partiel à la DGPR* et un agent à temps partiel à l’ADEME ne représentent pas des moyens suffisants pour contrôler des éco-organismes qui disposent de plusieurs dizaines de collaborateurs et de budget de fonctionnement très supérieurs à ceux dont disposent les pouvoirs publics. » puis (p.29) que « les censeurs successifs ont indiqué qu'ils ne disposaient ni de l'autorité suffisante ni des moyens matériels pour exercer leur mission de contrôle. »

Ce document met donc en exergue les nombreuses dérives, depuis longtemps dénoncées par les associations et par les collectivités, d'un organisme ayant acquis le monopole de la filière emballages. Il est aujourd'hui urgent de mettre en place une véritable instance de contrôle des éco-organismes, indépendante et dotée de moyens propres afin de permettre une politique de prévention et de recyclage respectant la hiérarchie européenne et d'améliorer la mise en concurrence des entreprises dans le secteur de la reprise et de la régénération des matériaux.

Bref : la transparence serait opaque. Le Cniid craint d’ailleurs que « l'instance de médiation proposée dans le cadre du Grenelle ne puisse répondre à cette nécessité. La rédaction du nouvel agrément devra absolument prendre en compte les conclusions du rapport, dont, soulignons-le au passage, les annexes ne seront pas rendues publiques... car encore plus accablantes ? Le contenu du rapport a été abordé mais non débattu lors de la dernière Commission consultative d'agrément (CCA). L'absence de débat a été voulue par le secrétariat de la CCA au regret des associations de protection de l'environnement et des représentants des collectivités ».

Et de poser la question qui tue : les pouvoirs publics attendent-ils un nouveau scandale médiatique avant de s'engager véritablement dans le chantier de la refonte de ce système ?

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*DGPR : Direction générale de la prévention des risques