Eco-Emballages et un rapport qui fait tapage
Mais aussi qu’il « valide l’efficacité des entreprises de la grande consommation et de la distribution pour prendre en charge la responsabilité de la fin de vie des emballages pour en développer le recyclage dans le cadre de la REP ». L’éco-organisme indique également que le document établit que « Eco-Emballages et Adelphe ont mutualisé les moyens de 50 000 entreprises (…) permettant de mobiliser plus de 4 milliards d’euros depuis 1993 ; ces entreprises ont réduit à la source les emballages : -20 du poids moyen des emballages sur les marchés les plus importants ; l’information auprès de leurs consommateurs a été développée : 5 milliards d’emballages portent aujourd’hui des consignes de tri (…) ; le bac de recyclage s’est développé partout en France et le taux de recyclage de 67% des emballages ménagers a été atteint en 2012 ; les collectivités locales se sont investies (…) dans la collecte séparée ; une industrie du recyclage s’est créée en France ».
La Cour des sages relève « la rigueur de la gestion d’Eco-Emballages et souligne que la crise de 2008 » (des millions d’euros placés dans des paradis lointains, dont un certain nombre ont fondu comme neige au soleil, en raison de la crise financière ayant secoué la terre entière. Ndlr) a été « gérée et surmontée avec prudence et efficacité» (si la nouvelle équipe a évidemment diligenté des opérations pour récupérer l’argent envolé, ce que nous ne pouvons que saluer, il reste qu’à ce jour, une somme très conséquente manque encore à l’appel. Plaintes ont été déposées et seraient encore en cours d’instruction. Ndlr).
Le rapport souligne le redressement de la situation et l’instauration de règles prudentielles pour la gestion de la trésorerie, tandis que la Cour note les progrès accomplis notamment depuis 2009 avec la bonne prise en compte des recommandations issues du rapport IGF (Inspection Générale des Finances) de 2009.
« Les procédures de contrôle interne et de vérification de l’engagement des dépenses sont en place et fonctionnent de façon satisfaisante. » (p.7 du rapport)
« Des progrès significatifs ont été réalisés au cours des trois dernières années dans les relations avec les entreprises adhérentes et dans le recouvrement et le contrôle des contributions dues aux éco-organismes ». (p. 7 du rapport)
La Cour des Comptes qui souligne les limites actuelles de la collecte et du tri, et notamment la difficulté à atteindre l’objectif de recyclage de 75% d’emballages ménagers, constate :
la décorrélation croissante entre les soutiens versés aux collectivités et les tonnes recyclées : « L’augmentation significative des prélèvements sur les entreprises (…) n’est pas (encore ?) corrélée à une augmentation des résultats en termes de tri. » (p.8)
des coûts de référence qui n’incitent pas à l’optimisation puisqu’ils sont désormais supérieurs aux coûts réels : « Les chiffres qui ont été utilisés pour définir le coût de référence d’un service optimisé ont été fixés de manière peu exigeante, si bien que cet outil ne contribue que marginalement à l’optimisation des coûts du système.» (p. 93)
la disparité des coûts et des performances sur le territoire : « En analysant les performances de collecte à fin 2012, on constate que l’objectif de 75% nécessitera pour être atteint une mobilisation très forte dans les zones les plus faibles actuellement : le quart Sud-Est de la France et les centres urbains. » (p. 103)
Pour renforcer l’efficacité du dispositif, la Cour formule 21 recommandations qui s’adressent aux Pouvoirs publics et aux Eco-organismes.
« Nous prenons acte des recommandations de la Cour des comptes et mettrons en œuvre des mesures dans le cadre d’une prochaine feuille de route. Nous nous engageons notamment à renforcer la concertation sur l’information et la communication du citoyen sur le geste de tri et le recyclage », a précisé, dans la foulée, Eric Brac de La Perrière, directeur général d’Eco-Emballages.
Toujours est-il que deux recommandations au moins font tilt
Recommandation 1 : « Veiller strictement à la corrélation entre l’augmentation des soutiens versés aux collectivités territoriales, et donc des contributions des entreprises, et l’atteinte de l’objectif de 75% en matière de recyclage. Ne prévoir aucune enveloppe financière nouvelle au titre de la clause de revoyure. »
Recommandation 21 : « Cibler l’action d’Eco-Emballages dans les collectivités territoriales dont les performances sont inférieures à la moyenne. »
Il va de soi qu’un certain nombre de collectivités locales ne sont pas du tout d’accord avec cette façon de voir. Le président d’Amorce, Gilles Vincent, insistant sur la nécessité de fournir plus de moyens aux collectivités, rappelant le coût de la collecte sélective et de la gestion des déchets d’emballages (1,3 milliards d’euros par an), indiquant que la progression des coûts est aussi liée à l’explosion du taux de TVA (qui est passée de 5,5% à 10 % en un temps record), que la TGAP (vécue comme une double peine quand le déchet non recyclable et donc éliminé est assujetti à une taxe payable par la collectivité et non par l’entreprise qui a produit l’objet), à laquelle les collectivités sont assujetties est captée par Bercy, que le Grenelle prévoit un taux de couverture de ces coûts de 80% par Eco-Emballages, ce qui n’est pas le cas dans la réalité…
Et de rappeler qu’il est difficile de comparer des collectivités ; « si à Toulon et dans le Sud-Est d’une manière générale, on consomme la bière en canettes, on la boit en emballage verre du côté de Lille ; comment comparer la performance de la collecte du verre entre ces deux régions, quand ce n’est guère possible ?», interroge le président d’Amorce et maire de Saint-Mandrier…
Face à la complexicité de ces sujets qu’illustre parfaitement le présent rapport, aux enjeux financiers très importants pour les collectivités, à la puissance phénoménale des lobby en présence, Amorce a d'ores et déjà affirmé qu'elle continuera à défendre les positions des collectivités territoriales, en s’appuyant sur les données et les retours de terrain pour une juste application de la loi Grenelle et une application pleine et entière du principe de responsabilité élargie des producteurs.
Il reste que l'AMF, Association des Maires de France, opte pour une position plus mitigée. L’AMF, en effet, dans un communiqué du 27 janvier, « note avec satisfaction que les magistrats ont signalé l’efficacité du modèle français de collecte et de recyclage des déchets d’emballages ». Elle est cependant « préoccupée » par la stagnation des performances dont la progression a ralenti ces deux dernières années. L'association note aussi qu'il « est temps de rechercher et d’analyser toutes les marges de manœuvre pour augmenter les performances ». Selon elle, les mauvaises performances de certaines collectivités sont dues à des « contraintes fortes » qui demandent de ne pas « les laisser seules face à leurs difficultés ».
Elle appelle « tous les partenaires de la filière à se mobiliser pour augmenter les performances de collecte et de tri des déchets » après avoir rappelé qu’elle était « très attachée » à un modèle « qu’elle a contribué à créer et qu’elle défend depuis 20 ans ».
« Les derniers pourcentages pour atteindre l’objectif fixé étant les plus difficiles à conquérir, il est temps de rechercher et d’analyser toutes les marges de manœuvre pour augmenter les performances », poursuit l’AMF pour qui, « il n’est pas envisageable de laisser les collectivités dont les performances de collecte sont en-dessous de la moyenne seules face à leurs difficultés ».
L’association indique également qu’elle « favorisera les échanges de bonnes pratiques entre collectivités en la matière et appelle tous les acteurs du dispositif emballages à aider les collectivités à dépasser le plafond de verre qui limite leurs performances ».
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