Eco-Emballages au pays des requins…
Aïe, aïe, aïe… ça risque de faire mal. Eco-Emballages qui a la peau dure tant il résiste bien aux critiques les plus sévères, pourrait bien se faire bouffer tout cru dans cette affaire : l’éco-organisme agréé par l’Etat, pourrait en effet se faire croquer pour 60 millions d’euros collectés auprès des industriels au titre de la participation aux efforts nationaux du recyclage des emballages, et ce parce qu'il a pratiqué, dans le dos de tout le monde, des placements non sécurisés d'une partie de la trésorerie dans des paradis fiscaux, des zones qui font rêver comme les Iles Caïmans, Bahamas, Bermudes et Cie, mais où l'on peut croiser des requins au sens propre comme au sens figuré. De quoi rendre Jean-Louis Borloo vert de rage…
Le conseil d'administration d'Eco-Emballages vient d'informer le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, d'un risque de perte lié à des « placements non sécurisés d'une partie de la trésorerie dans des paradis fiscaux », a indiqué hier le ministère. En pleine crise financière, « 60 millions d'euros restent à ce jour placés sur ce type de fonds à risques dont l'emploi est inacceptable au regard de la morale républicaine, s'agissant de fonds publics », précise le ministère, qui a demandé une enquête approfondie avant la commission consultative du 16 décembre.
De fait, la chose a de quoi surprendre : Eco-Emballages est un organisme sensé gérer les contributions des entreprises pour les redistribuer aux collectivités locales effectuant la collecte et le recyclage des emballages ménagers.
On peut d'ailleurs se poser la question de savoir ce qu’il serait advenu des bénéfices accumulés par ces opérations hasardeuses si la crise financière n’avait pas frappé de plein fouet les placements de cet ordre.
« Si ces pertes ne remettent pas en cause le fonctionnement de la filière, elles pourraient être importantes », indique le ministère, « puisque environ 60 millions d'euros restent à ce jour placés sur ce type de fonds à risques ».
Jean-Louis Borloo qui a convoqué hier Bernard Hérodin, directeur général d'Eco-Emballages, demande que l'ensemble de la trésorerie soit replacée sur des fonds sécurisés dans les meilleurs délais et que le conseil d'administration tire rapidement « en terme de gouvernance de l'entreprise toutes les conséquences pour que ce risque ne se reproduise pas ». En clair, on souhaite en haut lieu que l’ensemble des explications nécessaires puisse être délivrées, et que soient prises immédiatement toutes les mesures qui s’imposent.
Une réunion de crise doit se tenir au ministère avec des représentants d'Eco-Emballages dès demain matin, juste avant le départ du ministre pour la réunion Climat de Poznan (Pologne).
« Faute d'une action exemplaire, l'agrément dont bénéficie Eco-Emballages sera suspendu », ajoute-t-on du côté ministériel qui a pris le taureau par les cornes.
Sans attendre le nouvel agrément devant être délivré pour fin 2010, le ministre « souhaite un renforcement du contrôle par l'Etat du fonctionnement de l'ensemble des éco-organismes ».
Il est bon de rappeler que l’éco-organisme est agréé par l'Etat depuis 1992 et qu’il est doté d’une « mission d'intérêt général » : la loi oblige en effet les entreprises à participer au recyclage des emballages qu'elles mettent sur le marché. Elles contribuent à Eco-Emballages et apposent en échange le point Vert sur leurs produits. Les fonds ainsi obtenus sont reversés aux collectivités locales et servent à la mise en place de la collecte sélective.
Le site Internet qui lui est dédié précise qu’en 2007, 47 000 entreprises ont versé environ 411 millions d'euros à Eco-Emballages. 92,3% des recettes ont été reversées à 1 331 collectivités locales.
Ce n'est pas la première fois qu'un éco-organisme se fait épingler dans des « affaires » douteuses. Souvenez-vous : une enquête confiée en 2004 à l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) avait révélé des fraudes importantes au sein du système de récupération des médicaments Cyclamed, des pharmacies réintégrant des médicaments dans le circuit normal à leur profit.
Pour l’heure, le ministère de l'Ecologie proposera « des avenants aux agréments existants pour encadrer la gestion de la trésorerie et renforcer le rôle des censeurs nommés par l'Etat » afin de permettre un contrôle économique et financier par l’Etat dans tous les organismes de ce type. On rappellera que dans le cadre du Grenelle de l'environnement, l'engagement a été pris aussi, de créer une instance de régulation sur ces dispositifs, adossée au Conseil National des Déchets, dont les attributions seront prochainement revues à cet effet.
Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet insistent sur le fait que cette affaire ne remet pas en question leur soutien aux systèmes de responsabilité élargie des producteurs dans le domaine de la gestion des déchets, dont fait partie la filière emballage. Ceux-ci ont été approuvés et renforcés dans le cadre des discussions du Grenelle Environnement. La question du contrôle des filières, de manière plus large, est en effet apparue comme un préalable au développement de nouveaux dispositifs de REP.