Eaux usées : un traitement qui sent bon la rose...
L'équipe conjointe des professeurs Kazuya Yoshida (Nara Institute of Science and Technology) et Kazumasa Hirata (Université d'Osaka) a mis au point une méthode permettant d'éliminer la toxicité de certaines substances chimiques contenues dans les eaux usées. Comment ? Avec des fleurs. Plutôt inattendu non ?...
Des roses miniatures ont été placées dans une solution de nonylphénol (C15H24O), exposée à une lumière fluorescente. La solution a alors perdu sa toxicité par l'action d'une enzyme contenue dans la racine des fleurs. Cette méthode permet de réduire en 24 heures la concentration de nonylphénol d'une solution, dont la valeur initiale était 1 000 fois supérieure à celles rencontrées dans la nature, à 5% de sa valeur initiale et d'atteindre quasiment 0% en 48 heures. Dans le cas de l'octylphénol (C14H22O), on obtient une réduction de 95% en 48 heures.
Pour tenter de faire simple, le nonylphénol (ou NP) est un produit chimique synthétique appartenant à la famille des alkylphénols. Les nonylphénols sont des précurseurs dans la fabrication des nonylphénols polyéthoxylés (ou NPE) par addition de groupes éthoxylates (jusqu’à une centaine) largement utilisés dans l'industrie. Il s'agit de substances toxiques bioaccumulables et biodégradables mais persistantes. En effet, ils ne sont totalement dégradés qu'après plusieurs semaines selon le milieu dans lequel ils se trouvent, ce qui provoque la contamination de l'environnement et de certains organismes.
Les NPE sont synthétisés en raison de leurs propriétés tensioactives qui permettent une meilleure dispersion des liquides et la miscibilité de certaines substances telles que l'huile et l'eau. Ainsi, ils sont largement utilisés dans l'industrie. En effet, les industries du textile les emploient comme agents de mouillage, dispersants, émulsifiants ou encore comme détergents. Ils sont également utilisés dans les peintures, la production de pâtes et papiers, le traitement des métaux, l'extraction et la production du pétrole ainsi que dans certains produits cosmétiques tels que les shampooings et certains produits nettoyants domestiques. Ceci indique que les NPE sont présents chez les particuliers en grande quantité.
Quant à l'octylphénol, il sert d’intermédiaire dans la fabrication des agents tensioactifs, des résines formaldéhydes, etc. Il se forme également par suite de la dégradation des éthoxylates octylphénoliques dans l’environnement, son utilisation et sa distribution étant par conséquent très dispersées.
L’octyphénol a été inscrit sur la liste OSPAR des produits chimiques devant faire l’objet de mesures prioritaires. Selon la commission, les concentrations de ces produits, dans les milieux marins, doivent être progressivement réduites pour atteindre, soit une concentration de bruit de fond dans le cas de substances naturelles, soit la concentration zéro dans le cas de substances synthétisées. Ainsi, les rejets ou pertes d’octylphénol doivent cesser d’ici l’année 2020. L’octylphenol est également inscrit sur la liste des 33 substances prioritaires de la directive cadre sur l’eau. Cette substance doit faire l’objet d’une révision pour savoir si elle doit être inscrite sur la liste des substances dangereuses prioritaires. Toutefois, il semble qu’à ce jour aucune décision n’ait été prise.
Les chercheurs ont mis en culture hydroponique des roses miniatures dans une usine de retraitement des eaux usées de la région du Kansai (Kyoto-Osaka-Kobe) afin d'étudier plus en détail le potentiel détoxifiant de la fleur, avec pour objectif la commercialisation du procédé dans quelques années.