Directive déchets : le CNIID fait grise mine...
Le texte de compromis entre le Conseil et le Parlement européens, élaboré par Mme Caroline Jackson (rapporteur du texte), a été adopté ce mardi en seconde lecture par une grande majorité des eurodéputés (voir notre article d'hier). Suite à cela, le CNIID n'est pas content, et il le fait savoir ! Dans un communiqué, le Centre déplore l'adoption d'une directive au rabais, incompatible avec les urgences environnementales actuelles. Selon lui, "le Conseil des Ministres et la Commission auront donc eu les députés à l'usure, las d'un texte que la France ne souhaitait pas gérer sous sa présidence en juillet prochain". Et paf !...
"Le CNIID dénonce le remplacement d'objectifs ambitieux de recyclage par des objectifs maquillés ne portant que sur quelques flux de déchets, par ailleurs déjà inscrits dans la directive emballage concernant les déchets ménagers", déclare Hélène Bourges, chargée de la campagne Alternatives au Centre National d'Information Indépendante sur les Déchets. Les objectifs initiaux (50% de recyclage sur déchets municipaux et 70% sur déchets de déconstruction, de démolition et de produits manufacturés), soutenus il y a encore un an par les parlementaires, ont été rejetés (l'amendement en question a été rejeté par 544 voix contre et 144 pour). Hélène Bourges poursuit : "Ce recul est symptomatique de l'inaction des décideurs face à la pénurie annoncée des ressources naturelles, à commencer par le pétrole, qui est la matière première de tous les plastiques". En outre, l'absence du moindre objectif de stabilisation des déchets est un coup terrible porté à la hiérarchie du traitement des déchets, censée placer la prévention en tête des priorités.
Comme cela était prévisible, l'incinération pourra être dans certains cas considérée comme de la valorisation énergétique, une "aberration environnementale" (toujours selon le Centre) que les députés avaient pourtant rejetée en première lecture l'année dernière. "Ce changement de statut injustifié bat en brêche non seulement la mise en place d'une gestion durable de nos déchets, mais aussi la volonté de lutter contre l'urgence climatique", s'insurge Sébastien Lapeyre, chargé de campagne incinération au CNIID. Ce vote intervient alors même que CEE Bankwatch a montré que la Banque européenne d'investissement consacre déjà deux tiers du budget de la politique déchet à l'aide à la construction d'incinérateurs, en particulier dans les nouveaux pays membres ! Le marché intérieur des déchets destinés à l'incinération devrait être dynamisé par des possibilités d'export transfrontalier facilités.
Ironie du sort : le texte de la Directive ayant perdu une grande partie de sa consistance environnementale, les dispositions du Grenelle s'avèrent aujourd'hui plus ambitieuses. Le gouvernement français, qui n'a pas soutenu les objectifs de recyclage ou de prévention lors des discussions avec le Conseil et la Commission, se voit maintenant obligé de mettre en oeuvre des dispositions adoptées au niveau national, dont par exemple la réduction de la quantité de déchets ménagers de 5 kg par habitant et par an. L'enjeu à venir va concerner la transposition en droit français de ce texte qui remplacera la Loi de 1992. Le CNIID déclare qu'il "veillera à ce que la transposition de cette directive en droit français prenne en compte les quelques décisions actées lors du Grenelle. En effet, le gouvernement français ne pourra se permettre de proposer une loi structurante sur les déchets sans en élargir l'ambition par rapport à cette directive cadre très peu volontariste."