Démolisseur, mais bâtisseur, Henri de Kilmaine s'en est allé
Henri de Kilmaine s’est éteint à quelques jours de son 85ème anniversaire. C’était la semaine dernière.
S’il est vrai qu’il avait pour profession la démolition et qu’il avait la passion de l’automobile, il est tout aussi évident qu’il a voué sa longue carrière à la construction et à la reconnaissance d’un métier dont il était fier…
Profession : démolisseur
Vocation : bâtisseur
Signes particuliers : expert et passionné par l’automobile et ce qui s’y rattache
Un démolisseur qui a voué sa vie à construire nous a quittés... Henri de Kilmaine s’est en effet éteint à l’âge de 85 ans, après avoir été élu et réélu à la présidence du Cnpa, par 30 fois. Retour sur le parcours exemplaire d'un homme d'honneur …
La carrière d’Henri de Kilmaine démarre après l’interruption de ses études de droit pour créer sa première entreprise de démolition automobile à Tours, en 1942. Il adhère, au cours de cette même année au syndicat automobile, le Csnra, ancêtre du Cnpa. “Je prenais conscience de ma vocation, mais je devais en même temps m’éclipser comme réfractaire au STO, le service de travail obligatoire instauré sous l’occupation allemande”. Son parcours sera ensuite indissociable de l’histoire de la démolition en France en devenant, entre autres, pendant trente-huit ans, le président national de la branche démolisseurs au Cnpa. Son implication sans relâche lui permettra de structurer toute une profession. “Tout était à faire car il n’existait rien. Il a fallu organiser une activité qui attirait beaucoup de jeunes, la légaliser et la moraliser.”
Car Henri de Kilmaine a toujours mis un point d’honneur à professionnaliser un métier qui n’a pas toujours eu bonne presse. L’objectif était de faire de ces artisans méconnus et parfois décriés, des industriels et même, plus tard, de véritables agents de l’environnement, et tout cela tant il a été convaincu que la profession nécessite un savoir-faire et une certaine technicité. C’est la raison pour laquelle, sans relâche, il manifestera tout au long de sa vie professionnelle une volonté d’acier afin d'inciter les pouvoirs publics à prendre des mesures plus strictes garantissant le sérieux de la profession.
En 1959, sous sa houlette, les démolisseurs proposent une définition de l’activité et souhaitent qu’elle soit adoptée en tant que proposition de loi pour assainir la profession.
En 1964, il est élu à la présidence de la Commission Démolisseurs.
1965, constitue un tournant, puisque la Commission Démolisseurs automobiles se transforme grâce à lui et à son équipe, en Branche Nationale Professionnelle des Démolisseurs de Véhicules Automobiles, dotée d’un budget propre et responsable de la politique à mettre en oeuvre.
En 1969, il obtient la non application du décret du 29 août 1968 instituant le registre des brocantes, qui assimilait le démolisseur au chiffonnier, activité différente de celle de démolisseur.
La même année, la 1ère convention entre un département et un démolisseur agréé CSNCRA mettant en place un système pour l’enlèvement des épaves sur l’ensemble d’un département, reconnaissance d’un rôle de service public des démolisseurs (en l’occurrence, il s’agissait de Guy Boutet et la préfecture du Loiret), est signée. C’est le début d’une longue série et d’une belle aventure…
Avec plusieurs professionnels, Henri de Kilmaine crée la Française de Broyage Industriel, à Poitiers, en 1975 : une première dans le secteur en rassemblant 30 000 épaves sur un site de six hectares. En 1978, il est nommé expert auprès de la Commission " Prévention et valorisation des déchets," rattachée au ministère de l’environnement et du cadre de vie. A ce titre il a permis l’annulation de l’article qui interdisait l’usage du chalumeau dans les chantiers de démolisseurs (ce qui équivalait à l’époque, à l’interdiction pour un peintre de tenir un pinceau…). Il participe ainsi à l’élaboration de la directive européenne sur les véhicules hors d’usage (VHU), actuellement transposée en droit français et qui sera appliquée courant 2002.
Le dynamisme de ce Tourangeau n’a d’égal que sa passion pour les voitures anciennes et le sport auto. «Commissaire de course, j’ai fréquenté les circuits les plus mythiques », aura-t-il souvent l’occasion de répéter. Collectionneur et pilote de voitures anciennes, il est le co-fondateur du musée de l’automobile du Mans et a occupé de hautes fonctions au sein de l’Automobile-Club de l’Ouest.
1980 est l’année de la création de la garantie nationale des pièces. En d’autres termes et c’est une grande nouveauté : lorsqu’un client achète une pièce bénéficiant de cette garantie, il peut l’échanger, auprès de tout démolisseur adhérant à cette garantie. C’est le début d’un vaste réseau national qui se met en place.
En 1982, il est l’instigateur de la publication d’un nouveau code déontologique : qui sera déposé au Bureau des Expertises et des Usages Professionnels du Tribunal de Commerce de Paris, le 27 janvier 1984 : ce document sera désormais opposable à toutes les parties lors de jugements mettant en cause la démolition.
Sa clairvoyance, sa connaissance du monde automobile lui valent également d’être nommé expert européen en 1990. Infatigable, il lance ensuite la Chantier vert qui constitue une nouvelle charte environnementale, en 1993. Objectif ? Atteindre les buts fixés par l’accord cadre et instituer un label écologique aux entreprises de démolition automobile.
A 81 ans, il estime “avoir bien travaillé”. A la retraite, il se rend encore régulièrement et bénévolement dans l’entreprise Adco qu’il a implantée dans la ZAC de la Vrillonnerie, à Chambray-lès-Tours, d’où l’on exporte des pièces détachées auto en Afrique de l’Ouest. Enfin, Henri de Kilmaine reste toujours président honoraire du Cnpa dont il a longtemps été l’un des moteurs et conserve la gestion de dossiers, telle la directive européenne.
Tout récemment, sa carrière a été couronnée d’une nouvelle distinction : le grade d’Officier de la Légion d’honneur, au titre des PME.
Henri de Kilmaine, personnage intègre, passionnant parce que passionné par tout ce qu’il entreprenait, gentleman au moral et à la volonté d’acier s’en est allé.
A sa famille, à ses proches et à ses anciens collaborateurs, la rédaction présente ses plus sincères condoléances.