Il a été officialisé que l’on doit doubler la collecte des D3E, que la France est à la peine et que sans les entreprises qui maillent le territoire, cela serait utopique de penser y parvenir. A la suite de quoi, les éco-organismes se sont rapprochés de Federec, afin de mettre en place des conventions qui permettront aux entreprises adhérentes de contracter et de devenir ainsi, partenaires de la collecte, du traitement et du recyclage de ces déchets. Jusque là, tout va bien. C’est sans compter la dernière mouture de la loi sur la transition énergétique dont certains termes ont été imposés, by night, par le gouvernement, balayant ainsi d’un revers de manche, le vote parlementaire qui avait entériné une formule différente…
La récupération des DEEE, pour laquelle on pensait être parvenu à un consensus (voir notre dépêche), via les conventions qui ont été passées par Federec et deux éco-organismes Ecologic et Eco-Systèmes, en décembre 2014, est devenue, via la dernière mouture de la loi sur la transition énergétique, un sujet on ne peut plus délicat. Cette dernière version, via son article 19 quater, dédié aux déchets d’équipements électriques et électroniques, est en effet, comme « déconnectée » de certaines réalités en provenance directe du terrain.
Pour mémoire, en mai dernier, les députés adoptent plusieurs amendements qui ont vocation à compléter l’existant, dont le n°639 (qui précise la notion de gestion) et le n° 658 (qui officialise que les récupérateurs de DEEE devront respecter les normes du Cenelec) signés par une cinquantaine de députés, ces deux amendements limitant l'obligation de contracter avec les éco-organismes, aux entreprises de traitement des DEEE uniquement. En d’autres termes, les parlementaires ont considéré qu’il n’était pas utile d’imposer la contractualisation à tout prix, pour assurer la gestion de ces DEEE dans les règles de l’art.
De fait, éviter de complexifier les procédures, lorsqu’on peut se contenter de s’assurer que la réglementation en vigueur est respectée, relève du raisonnable et de la sagesse.
« En interdisant l'apport de D3E (…) sur des sites d'opérateurs exerçant leur activité en toute légalité (mais sans lien contractuel avec les éco-organismes), l'État se prive de tous les autres canaux vertueux de recyclage préexistants/existants, parallèlement à la REP », ont-ils indiqué pour justifier leur vision du sujet, une évidence d’autant plus simple à démontrer, que la règlementation fixe de manière claire, des exigences techniques que ce soit pour les sites de transit, ceux de regroupement, dédiés au tri ou au traitement des déchets électroniques. Même que la législation impose un enregistrement auprès de l'observatoire sur le traitement des DEEE, géré par l'Ademe, ce qui signifie que ces flux seront bel et bien comptabilisés dans la filière grâce à cet observatoire.
A cela s’ajoute que la référence au standard européen Cenelec conforte l’idée que l’on souhaite un « recyclage optimal du déchet ». Avec a contrario, une lutte contre les sites illégaux de traitement de déchets. Les députés n’ayant pas manqué d’indiquer que Federec « travaille déjà avec les éco-organismes DEEE, par le biais de conventions passées via des engagements volontaires, qui encadrent de nouveaux contrats de collecte et/ou de traitement chez les opérateurs disposant de DEEE ménagers et professionnels ».
Deux autres amendements parlementaires (numéros 582 et 638) complètent ce dispositif en le rendant obligatoire, mais à partir de 2017, ceci afin de permettre aux entreprises de petites et de moyenne dimension, le temps de mettre en place la certification.
L’ensemble de ces éléments étant jugé satisfaisant par les députés, parce que logique et pavé de bon sens, il n’a pas été surprenant d’apprendre que l’adoption de ces amendements par les parlementaires, n’a généré aucune discussion pénible : les députés ont voté majoritairement ‘Pour’, malgré l'opposition du gouvernement et de la commission spéciale, ce qui tend à démontrer que les élus du Peuple, ne servent pas à la déco de l’Assemblée, mais ont bel et bien un rôle à jouer dans le processus décisionnaire.
Sauf que…
Effet de lobbying ou manigance strictement gouvernementale, on ne sait. Toujours est-il que le ministère a utilisé l’article 101 du code de procédure de l’Assemblée nationale (très rarement exploité, et correspondant à l’article 49.3 de la Constitution), en fin de lecture, au beau milieu de la nuit (ce qui signifie que l’hémicycle était quasi vide), afin d’invalider le vote des députés. Quand bien même c’est « légal », on ne peut qu’être interpellé par cette façon de respecter un vote démocratique… et se demander quelle mouche a piqué Madame Royal...
Toujours est-il qu’il résulte de cette manœuvre, qui a donné lieu à une seconde délibération, une nouvelle mouture de la partie de la loi dédiées aux DEEE : Ségolène Royal a tout simplement présenté un amendement qui remplace le texte élaboré par les parlementaires et qui consiste à mettre en place un dispositif obligeant les gestionnaires de DEEE à contracter avec un éco-organisme. On peut lire en effet dans la ‘proposition imposée’ par le gouvernement, que « les opérateurs de gestion de déchets ne peuvent gérer des DEEE que s'ils disposent de contrats passés en vue de la gestion de ces déchets avec les éco-organismes agréés ou avec les systèmes individuels », une dérive qui ne sera pas sans impact sur le terrain, on l’imagine bien.
Les petits sites, qui travaillent pourtant dans les règles de l’art, auront-ils les moyens de satisfaire les nouvelles contraintes qui ne manqueront pas d’être imposées ? S’ils ne le peuvent pas, seront-il assimilés à des sites illégaux ?
Si les DEEE industriels ne passeront sous le nouveau régime qu’en 2017, il n’en va pas de même des DEEE des ménages : quel sera le sort réservé aux entreprises qui récupèrent sans distinction, les DEEE industriels et commerciaux Et les DEEE des ménages, puisque la loi sera immédiatement applicable pour tout ce qui concerne les déchets ménagers, sans autre forme de délai d’application ?
On déduit des quelques lignes ‘souhaitées’ par le ministère, que les entreprises seraient obligées de contracter, tandis que les éco-organismes ne seraient pas contraints de signer avec une entreprise, quand bien même celle-ci serait en conformité avec les exigences à venir…
Passer d'un engagement volontaire à une obligation de contracter en générant du flou au sein même de la loi sensée clarifier les choses, a de quoi inquiéter sur le terrain ; gageons que les décrets d'application soient bien ficelés. A défaut, on pourrait obtenir l'effet inverse de celui qui était désiré...