DEEE: à quand la mise à mal de l'obsolescence programmée?
Nous vivons dans une société d'hyper-consommation, où le marketing contribue à créer des envies et où la fragilité de certains produits réduit considérablement leur durée de vie. On est donc obligé de les renouveler fréquemment, c'est en tout cas ce que les industriels veulent que nous croyons. Le rapport du CNIID, publié ce mois-ci, veut faire le point sur l'obsolescence programmée des produits que nous consommons. Dans cette étude, rédigée dans le cadre de leurs campagnes respectives "Prévention des déchets" et "Produits pour la vie", les associations ont donc voulu lancer un signal d'alarme sur les impacts environnementaux et sociaux de cette société de consommation.
La stratégie de l'obsolescence programmée ou planifiée, existe bel et bien. Cela décrit le processus par lequel un bien devient obsolète pour un utilisateur donné, car l'objet n'est plus consommable ou à la mode. Cela crée en permanence chez le consommateur un besoin concret (l'appareil ne fonctionne plus) ou le sentiment du besoin (l'appareil ne lui plaît plus) de racheter de nouveaux biens. Le rapport ne cherche donc pas à condamner qui que ce soit en particulier, mais à expliquer le rôle que chacun joue dans cette société de consommation. Le CNIID et Les Amis de la Terre se sont appuyés sur des interviews d'universitaires, des journalistes, des données officielles afin de dresser un tableau le plus documenté qui soit. Il pointe l'épuisement imminent des ressources naturelles, la production massive de déchets, et le gaspillage hallucinant engendré par le rejet de la matière contenue dans les biens abandonnés en fin de vie.
Les biens d'aujourd'hui durent moins longtemps. Au cours des 15 dernières années, le rythme des évolutions technologiques s'est accéléré, ce qui conduit à un renouvellement plus fréquent des achats. Sylvain Angerand, chargé de campagne ressources naturelles aux Amis de la Terre indique que "le renouvellement des appareils, notamment de haute technologie, contribue à l'explosion de la consommation des ressources naturelles minières et énergétiques. Cette surexploitation détruit des écosystèmes, déplace des populations, provoque des pollutions chimiques et engendre des conflits, notamment dans les pays du Sud". On peut donc parler de véritable pillage en ce qui concerne l'approvisionnement en matières premières (cuivre, cobalt, zinc, l'or, les diamants) pour fabriquer certains produits. Tout cela a un coût environnemental et social conséquent, en plus de financier.
L'étude s'intéresse principalement au marché des équipements ménagers. Sans surprise, elle révèle qu'en 2007, presque tous les foyers français dispose d'un réfrigérateur, d'un poste de télévision et d'un lave-linge. De plus, elle explique qu'il existe des techniques spécifiques afin de rendre les produits plus fragiles. Certains sont indémontables, ce qui empêche le recyclage des pièces à la maison. Les appareils sont aussi de plus en plus sophistiqués, les effets de mode sont aussi un facteur de renouvellement fréquent. Au total, la durée de vie des appareils électroménagers courants serait aujourd'hui de 6 à 8/9 ans, contre 10 à 12 ans auparavant.
Le rapport souhaite tout de même donner le point de vue de toutes les parties. Il est vrai que les industriels ont pris conscience de certains enjeux et que des atouts économiques positifs sont atteignables grâce à l'éco-conception. Donner une image verte de ses produits peut se transformer en réel engagement. Mais le rapport déplore tout de même le fait que le bénéfice environnemental et social de l'allongement de la durée de vie des produits ne soit pas encore un enjeu prioritaire mis en valeur par les services après-vente auprès des consommateurs. Le directeur du CNIID, Sébastien Lapeyre, conclut en disant "Aujourd'hui, l'urgence n'est plus de devenir un des leaders européens dans la gestion des déchets d'équipements électriques et électroniques, mais de les éviter". C'est un objectif ambitieux qui demande un changement du côté des industriels, mais aussi des consommateurs.
Le rapport est téléchargeable ici en format pdf.