Déchets : un effort de développement permanent
Dans le dernier numéro de Suez Environnement Magazine, on trouve une interview très intéressante de Christophe Cros, Directeur Général adjoint du Groupe en charge des activités déchets Europe. Celui-ci donne sa vision des choses et explique les changements actuellement à l’oeuvre pour la valorisation et l’élimination des déchets, ainsi que la stratégie déployée par l’entreprise pour tirer parti de cete nouvelle donne. Au programme : défense de l'incinération, davantage de traçabilité et un gros effort pour l'amélioration des collectes...
Comment Sita est-il devenu un leader européen de la gestion globale des déchets ?
Sita a fêté son 90ème anniversaire en 2009; c’est l’occasion de revenir sur son parcours. Elle a d’abord été une entreprise parisienne, dont le premier fait d’armes a consisté à substituer les automobiles aux charrettes à cheval pour l’enlèvement des déchets municipaux. Cette activité de collecte a constitué l’essentiel de son métier jusque dans les années 1970. Le tournant a eu lieu un peu plus tard, avec l’avènement de la problématique de l’élimination des déchets. Sita a alors initié son développement géographique tout en devenant propriétaire et gestionnaire d’unités de traitement. Aujourd’hui, la société cherche à tirer le maximum du déchet sous forme de matière première secondaire ou d’énergie. Loin de nous prendre au dépourvu, cette évolution de statut nous a donné l’opportunité de développer des compétences et des outils nouveaux. C’est une composante importante de notre développement depuis le début des années 2000 et une présence croissante à l’international. Autre signe des temps : la collecte des déchets municipaux, même si elle reste une activité importante, ne compte plus désormais que pour 10% du total des prestations que nous réalisons.
La part des déchets valorisés ne cesse de progresser. Comment l’expliquez-vous ?
L’intérêt pour la valorisation des déchets n’est pas né d’hier. Dès le Moyen-âge, les chiffonniers pratiquaient une forme de recyclage. Et les premières tentatives pour tirer parti des métaux ou du papier remontent au début du XIXème siècle. Mais, effectivement, il y a aujourd’hui une tendance lourde qui pousse à augmenter la proportion de ce qui peut être valorisé. Je vois 2 raisons à ce phénomène : d’une part, la montée en puissance de la conscience environnementale, avec en particulier l’inquiétude inspirée par le changement climatique ; d’autre part, la raréfaction des matières premières et son corollaire, l’élévation des prix, qui justifient d’exploiter tout le potentiel (notamment énergétique) contenu dans les déchets. Pour ne prendre qu’un exemple, le bois est de plus en plus souvent trié et valorisé : qu’il s’agisse de valorisation biologique, notamment pour créer des composts, ou de valorisation énergétique, lorsqu’il est souillé par des produits chimiques.
Le concept "zéro déchet" vous semble-t-il envisageable ?
A ce jour, aucune filière ne permet de faire disparaître purement et simplement les déchets, ce qui signifie qu’il reste presque toujours un déchet résiduel à gérer en bout de chaîne. Quelques spécialistes, comme Sita, disposent des compétences pour remplir cette dernière fonction. Les conditions d’exercice sont très réglementées et, du moins en Europe, obéissent à 3 grands principes : la proximité (les déchets doivent être éliminés là où ils sont produits), la concentration (plutôt que dispersion dans l’espace) et la maîtrise des risques dans la durée. Aujourd’hui, lorsqu’un centre d’enfouissement dont nous avions la responsabilité ferme ses portes, nous assurons son suivi environnemental pendant 30 ans.
En France, plus de 25% des déchets municipaux sont incinérés, alors que cette solution est de plus en plus contestée par le grand public...
Les pays scandinaves, la Belgique, l’Allemagne ou les Pays-Bas, qui sont par ailleurs très en pointe sur le recyclage, considèrent que l’incinération est une des modalités de valorisation énergétique ; la dernière directive-cadre européenne ne dit d’ailleurs pas autre chose. En France, les réticences envers l’incinération tiennent principalement au fait que les autorités et les exploitants ont tardé à mettre leurs installations aux normes dans les années 1980. La situation est très différente aujourd’hui. Les équipements modernes sont beaucoup plus fiables, performants et propres. Tout le monde peut consulter sur Internet la nature et la quantité des émissions en temps réel. Fondamentalement, je crois nécessaire de maintenir une approche multifilière, car elle permet de raisonner en termes de bilan environnemental global. Prenez les plastiques, qui constituent une part croissante de nos déchets : certains d’entre eux ne pourraient être recyclés qu’en faisant fonctionner des usines extrêmement énergivores. Dans l’état actuel de la technologie, il peut être plus judicieux de les incinérer, y compris du point de vue de l’empreinte écologique.
La presse se fait régulièrement l’écho de pratiques illégales liées notamment au transport de déchets vers l’étranger. Quel est votre point de vue ?
La majorité des affaires dont il est question relèvent des mêmes circonstances : pour réduire ses coûts, un producteur confie ses déchets à un prestataire peu scrupuleux qui, au lieu de les éliminer dans les règles, s’en débarrasse n’importe où. Des armes existent contre ce genre de dérives, et il convient de systématiser leur utilisation. La première, c’est la traçabilité, c’est-à-dire l’obligation pour tous les acteurs d’identifier et de faire connaître tous les flux auxquels sont soumis les déchets. Encore faut-il éviter d’accorder le statut de "produit" à des déchets qui n’ont pas encore été transformés : en raison de l’application du principe de libre circulation, ils deviennent alors beaucoup plus difficiles à surveiller. La prochaine réglementation européenne devrait introduire des dispositions restrictives sur ce point. En second lieu, il faut renforcer la mobilisation et la coordination internationale, dans la mesure où une bonne part du trafic de déchets s’effectue de l’Occident vers les pays émergents. Dans les ports, le contrôle des conteneurs à destination de l’Asie et de l’Afrique est aujourd’hui nettement plus fréquent qu’il y a quelques années. J’y vois un signe encourageant.
Pour finir, quels sont les projets engagés par Sita pour améliorer la gestion des déchets ?
S’agissant de la collecte, l’un des objectifs est de limiter les désagréments pour les riverains, particulièrement en milieu urbain. Nous cherchons donc à développer des camions électriques et à améliorer l’isolation phonique des bennes et des conteneurs [voir notre article : Silenci’OM : Sita collecte les déchets en silence]. Nous équipons l’arrière des véhicules de panneaux reliés à un système GPS, afin de pouvoir indiquer le temps d’attente aux automobilistes qui les suivent. Par ailleurs, nous expérimentons la collecte pneumatique, qui consiste à acheminer les déchets directement jusqu’aux centres de tri via un réseau de canalisations sous pression ; cette solution devrait se révéler très adaptée pour les nouveaux quartiers. Le tri fait également l’objet de travaux importants, avec la conception d’un dispositif de détection fine et à grande vitesse des différents types de déchets. Evidemment, la valorisation n’est pas en reste : Sita travaille notamment sur le développement de biocarburants à partir de déchets. L’esprit d’innovation est un trait commun à l’ensemble de nos métiers !