Déchets sauvages : à traquer de manière civilisée
Le tourisme et le déchet sauvage font hélas souvent bon ménage. Pas facile, pour les collectivités locales, de se bagarrer contre les errements de comportement et relâchement, au prétexte que la période est à la décontraction. Pour autant, les chiffres pèsent de tout leur poids... Aussi, l’appel du 18 juin 2013 a été dédié à la mobilisation générale contre ces déchets : sur le front, deux associations, l’AMF et Vacances Propres, et un éco-organisme, Eco-emballages. L’objectif affiché est de distribuer 3 millions de sacs, de sensibiliser et de collecter par ce biais 34 000 tonnes de déchets...
Ils sont partout et parfois dans les endroits les plus inattendus. Ils reviennent quand bien même on a nettoyé. Pour autant, on ne baisse pas les bras, même si on a fort à faire... L’association « Vacances Propres » appelle à la mobilisation des citoyens pour éviter la prolifération des déchets sauvages sur les lieux de vacances et espaces naturels, chaque année depuis 1971. En militante combattante, elle entend bien battre ses propres records (voir notre article) cette année en matière de collecte en proposant 3 millions de sacs pour éviter l’abandon de 34 000 tonnes de déchets dans la nature.
Les données chiffrées parlent d'elles mêmes : plus de 33 000 tonnes de déchets sauvages abandonnés chaque année en France. Si celles qui suivent comportent un taux d’incertitude, elles sont pourtant probablement en deçà de la réalité. Un état des lieux est néanmoins nécessaire, ne serait‐ce que pour mesurer nos progrès. L’une des missions du Clean Europe Network est de travailler à une méthode d’évaluation des déchets sauvages qui puisse être partagée par tous les pays. Il faut noter que les différentes zones d’abandon des déchets s’alimentent les unes les autres, la problématique des déchets sauvages est donc globale.
Sur les routes : près de 20 000 tonnes de déchets sauvages chaque année
Au total, selon les estimations de Vacances Propres, les déchets sauvages seraient présents sur les routes de France et leurs abords à hauteur de près de 20 000 tonnes. En effet, la Direction Interdépartementale des Routes de l’Est (DIR Est) collecte chaque année environ 500 kg de déchets (canettes, bouteilles en verre, sacs plastique...) par kilomètre sur les nationales et autoroutes. Par extrapolation, cela représente 10 375 tonnes de déchets collectés sur les 20 750 kilomètres de nationales et autoroutes que compte au total l’hexagone. Par ailleurs, sur les routes départementales et communales et les champs qui les jouxtent, nous pouvons retenir les chiffres de la coopérative du Loiret (Coopérative du Boisseaux) qui effectue, chaque année, une collecte de déchets abandonnés avec l’aide des agriculteurs, mairies, écoles et associations locales. Ils ont récolté, sur plus de 100 Km, une tonne de déchets, soit 10 kg / km. On peut en déduire que près de 9 300 tonnes de déchets sauvages sont abandonnés sur ces petites routes et leurs abords chaque année (10 kg de déchets multipliés par 927 000 km de routes).
Les cours d’eau : plus de 10 000 tonnes de déchets sur les rives et en flottaison
Au total, les cours d’eau français et leurs rives représentent plus de 10 000 tonnes de déchets sauvages. En 2012, l’opération de nettoyage « Berges Saines », organisée par l’association Seine en Partage, a permis de collecter, sur 93 communes participantes, 100 tonnes de déchets sauvages sur 300 km de rives (hors encombrants et matériaux de construction). Sur une base moyenne de 330 kg / km, on peut estimer la présence des déchets sauvages sur les bords des rives françaises à plus de 5 700 tonnes.
Concernant les déchets flottants, 27 barrages flottants couvrant 108 Km, le long de la Seine et de la Marne ont permis de collecter 513 tonnes de déchets en 2012 (hors végétaux). Ce dispositif, mis en place par le Syndicat Interdépartemental de l’Assainissement pour l’Agglomération Parisienne (SIAPP), permet ainsi en moyenne de collecter 4,75 tonnes de déchets / Km / an sur le réseau. En tenant compte du fait que les fleuves drainent 63% de l’eau des cours d’eau, les 270 000 Km de cours d’eau français contiendraient près de 5 000 tonnes de déchets flottants.
Sur les plages : environ 3 000 tonnes de déchets sauvages par an
En France, on estime que le poids des déchets sauvages collectés lors des nettoyages se situe entre 10 et 315 kg pour 100 m de plage (Source : PNUE), cet écart s’explique par la différence de fréquentation des plages par une influence variable des courants marins. On peut ainsi évaluer que le volume des déchets sauvages représente chaque année environ 3 000 tonnes sur les 2 000 km de plages que compte l’hexagone.
En montagne : plus de 350 tonnes de déchets abandonnés sur les pistes
En 2012, le domaine skiable N’PY, rassemblant 7 stations de ski dans les Pyrénées, a collecté 7,2 tonnes de déchets. Par extrapolation, on peut en déduire que plus de 350 tonnes de déchets sauvages se retrouvent sur les pistes de ski françaises chaque année (en moyenne, 1 tonne multipliée par les 350 stations de ski françaises).
Il s’agira cette année de dépasser les résultats obtenus en 2012, avec 30 000 tonnes de déchets collectés grâce à l’utilisation de 2,6 millions sacs aux célèbres rayures. Sauf que ces derniers ont été relookés, qu’ils incorporent désormais 30% au moins de plastique recyclé, qu’ils sont fabriqués en France, s’il vous plait, et non aux antipodes. Comme l’an dernier, leur distribution sera accompagnée par une campagne d’affichage XXL : 7 400 affiches réparties en France, ce n’est pas une mince affaire et nécessite un budget conséquent pour ce faire.
Carole Carpentier insiste sur le fait que la mission de l’association est de sensibiliser et non de corriger les mauvais comportements. Jean-François Rapin, Président de l’Association Nationale des Communes du Littoral, rappelle pour sa part, que les « déchets appellent les déchets » que la vigilance doit être absolue pour éviter l’envahissement des zones contaminées, et que si « le maire a bien un pouvoir de police, il ne peut pas vraiment trop l’exercer ». Il faut en effet des moyens conséquents pour multiplier le nombre d’éco-gardes et muscler les équipes de la police municipale.
Il semblerait que pour faire passer le message, tous les moyens soient bons pour se faire comprendre ; ainsi, un maire aurait collecté sur une année tout ce qui trainait sur son territoire. Et un jour, au beau milieu de l’aire dédié à la brocante municipale, le tas, l’énorme tas composé de déchets hétéroclites a été livré et s’est posé là : ceci est à vous... C’est que qu’il fallait déduire... Le respect est essentiel ; celui des autres, comme celui de l’environnement ; or, le problème se pose de manière accentuée, dès lors qu’il y a afflux de population, notamment pendant l’été, confirme l’élu. « Il nous faut regagner des galons de propreté et de préservation des paysages »… à l’instar de ce que l’on peut constater dans de nombreux pays. Des propos confirmés par Catherine Chabaud, navigatrice au long court, plongeuse et journaliste, marraine de cette édition « Vacances Propres 2013 », qui déclare avoir eu quelques grosses colères en la matière.
« Comment a t-on pu en arriver là ? La sensibilisation est essentielle : la chaine va des industriels, aux citoyens, en passant par les collectivités territoriales…. 80% des déchets en mer viennent de la terre… La navigatrice déclarant son engagement en faveur du « Rien par-dessus bord… Tout doit rentrer au port »… Aussi, cette année, Vacances Propres met en place un dispositif dédié à la sensibilisation des amoureux de la mer, baptisé « Je navigue, Je trie », en partenariat avec Pavillon Bleu. 25 ports participent à cette campagne ciblée. Ce nouveau dispositif est soutenu par deux membres de l’association : Elipso, représentant les fabricants d’emballages plastiques et souples, et PlasticsEurope, représentant les producteurs de matières plastiques. Vacances Propres renforce également son partenariat avec le Tour de France 2013 avec plus de 91 000 sacs qui inviteront au tri tout au long du parcours.