Le tribunal administratif de Rennes vient de décider suspendre la convention attribuant les « poubelles » de l’agglomération de Saint-Brieuc, au groupe Veolia. Une décision vécue comme une victoire par les opposants au projet… sauf que rien n'est pour l'instant définitif, puisque le tribunal doit maintenant statuer sur le fond!
« Rien n’est perdu ; le contrat n’est ni annulé, ni enterré, mais suspendu», déclarait le président du Smictom des Châtelets, Alain Jouan, peu de temps après avoir appris la nouvelle. S'il est clair qu'il s'est voulu serein et apparemment confiant dans l’avenir, le coup est porté à l'encontre du syndicat mixe intercommunal de traitement des ordures ménagères qu’il préside, lequel regroupe la communauté d’agglomération de Saint–Brieuc et les communautés de communes de Moncontour, Quintin et Corlay.
Il faut dire, pour ceux qui ne connaissent pas les faits, qu’avec cette décision, le tribunal administratif de Rennes a cédé à la requête du préfet des cotes d’Armor, Rémi Thuau, en bloquant la convention signée le 20 juillet 2011, laquelle devait lier pour 18 ans tout de même, Veolia et le Smictom, et générer un chiffre d’affaires de 168 millions d’euros jusqu’en 2029 au profit de l’industriel. L'accord devait permettre aussi, apparemment, la construction d’une nouvelle usine à Ploufragan, du fait que l’actuelle est vieillissante …
Le résultat des courses est que pour l'heure, Veolia n’a pas le droit de traiter les poubelles de l’agglomération briochine dans l’usine des Châtelets. Pourquoi, donc? Parce que pour les juges, il y a comme un hic : la trop grande importance « des recettes d’exploitation liées aux apports extérieurs au périmètre statutaire du Smictom des Châtelets ».
En d’autres termes, l’opérateur prévoit d’aller chercher trop de déchets industriels dans les territoires voisins que sont Lamballe, Loudéac, Launay-Lantic, pour ne citer que ces quelques collectivités.
Dans le département, d'aucuns sont soulagés : il faut dire que tous ou presque étaient ligués contre ce projet, à savoir Suez, les syndicats de traitement de Launay-Lantic et du Penthièvre-Mené, le Conseil général, l’association Côtes d’Armor Nature Environnement, la chambre régionale des comptes, le préfet ou encore le député européen Alain Cadec.
On n’a pas de peine non plus à imaginer les nombreux intérêts en jeu dans ce dossier, à commencer par la survie des usines de Planguenoual et de Lantic, qui auraient nécéssairement souffert de l'arrivée de Veolia à Ploufragan, sans compter les luttes d'influence politiques en vue des prochaines élections législatives notamment, et puis la bataille industrielle que se livrent sur le terrain les deux grands que sont Veolia à Suez..
Dans ce contexte, inutile de dire que ce premier round en direct du Tribunal de Rennes n'a fait de peine à personne, sauf aux élus du Smictom qui ne sont pas KO pour autant! « On prend acte de cette décision. Mais je dis aussi que notre volonté de maintenir une activité de traitement des ordures ménagères aux Châtelets est réelle et totale », a réaffirmé le président du Smictom.
Il reste à chacun des acteurs d'attendre le jugement sur le fond que doit rendre le tribunal administratif de Rennes. Alain Jouan escompte une « décision rapide », tout en sachant que les juges peuvent prendre « des mois pour statuer», tandis que Thierry Burlot, président du Smettral (la structure intercommunale qui regroupe les syndicats de Launay Lantic, du Penthièvre-Mené, et des Châtelets) appelait de son côté à trouver une porte de sortie honorable...