Déchets recyclables : et si on se les gardait ?
Garder ses déchets ne veut pas dire polluer en faisant n’importe, bien au contraire. L’idée avancée par la région Bretagne consiste à créer une source d’approvisionnement afin de développer une économie du recyclage.
« En France, on a l'habitude de souhaiter envoyer nos déchets ailleurs ; il faut au contraire, imaginer une filière qui nous permettre de les valoriser sur place », a récemment indiqué Thierry Burlot, conseiller régional en charge de l'environnement. Il appelle d’ailleurs les collectivités à se rassembler autour de projets qui se devraient d’être communes : « si les quatre départements mettent en commun leurs plastiques, on pourra sans doute créer un marché et inciter un industriel à venir s'installer chez nous ». Avec à la clé, un renforcement de l’économie locale et des emplois locaux…
Voici une idée qui mériterait incontestablement d’être creusée ; elle provient du très sérieux rapport (24 pages synthétisant 3 ans de travail, avec des chiffres sensés éveiller (ou réveiller) les intérêts dont pourraient tirer partie les acteurs du traitement des déchets), rendu il y a quelques jours, par Bretagne Environnement, qui décrit des situations jugées abracadabrantesques : on peut y lire notamment, que les recyclables secs parcourent en moyenne 400 km avant d'être transformés. La Bretagne ne disposant plus de verrerie depuis belle lurette, le verre d’emballage collecté est transféré dans l’Aisne, chez Saint-Gobain qui exprime de gros besoins en calcin (économies d’énergie à la production et de matières vierges notamment). Bonjour les coûts de transport ! Ces derniers étant à la charge de la collectivité…
Ce qui a incité certaines d’entre elles à revoir le modèle : pour limiter le nombre de camions sur les routes, des collectivités ont choisi le train, quitte à allonger le lieu de destination. Depuis 2011, Rennes Métropole expédie ses recyclables dans les Vosges par le rail, plutôt qu'à Rouen, plus proche, par la route pour la seule raison valable qui soit : les économies. C’est si vrai que la TEOM acquittée par les ménages a pu être minorée. « Demander aux habitants de modifier leur comportement n'est pas évident : on a d’autres soucis et préoccupations en tête. Maiiiisss, si la facture à payer est à la baisse, ce sera sans doute plus aisé de faire encore mieux », soutient Christian Couet, élu au conseil général d'Ille-et-Vilaine.
Cela dit, nos amis bretons sont parait-il de bons élèves, ce qui indique que l’idée de garder les déchets en affinant leur tri n’est pas dénué de bon sens. Les ménages bretons recycleraient bien puisqu’entre 2005 et 2012, le tonnage de déchets triés par les particuliers a augmenté de 26 % et celui des ordures ménagères résiduelles a baissé de 12 %....
Aberrant n’est-il pas, que ces situations qui imposent de dépenser plus, parfois à cause des distances à parcourir, mais parfois aussi, à cause du seul mode de transport possible, à savoir la route ? D’où l’idée que l’on pourrait se les garder, ces déchets, pour changer… Etant entendu aussi, que le coup de semonce via les portiques et l’éco-taxe dont la Bretagne ne serait pas nécessairement exonérée, alors même qu’elle ne dispose pas toujours d’exutoires, incite sans doute à réfléchir. Ainsi Pierre Roland, PDG des Recycleurs Bretons, une entreprise basée dans le Finistère, nous confiait à l’automne 2013, alors que la bataille « anti-eco-taxe » faisait rage sur les routes bretonnes, que les déchets que l'entreprise ne pouvait valoriser se devaient d’aller en camion, du Finistère jusqu’à Laval : pas d’autre solution actuellement, si l’on veut traiter correctement ces résidus provenant du tri et du recyclage. Dans pareil contexte, expliquait le dirigeant de la PME, l'instauration d'une éco-taxe plomberait bigrement le coût du traitement des déchets produits au bout de la terre de France…