Déchets : quelle planification pour la région Ile de France ?

Le 19/01/2006 à 17:05  

Déchets : quelle planification pour la région Ile de France ?

Michel Vampouille Conseiller Régional depuis 1992, co-fondateur en 1974 d’un groupe local des "Amis de la Terre" puis responsable départemental des "Amis de la Terre " dans le Val d’Oise jusqu’en 1992, Michel Vampouille est aussi co-fondateur de Génération Ecologie en 1991, adhérent des Verts depuis 1997. Ex-Président de l’ARENE, Vice-président du PNR du Vexin Français, Vice-président de la Base de Loisirs de Cergy Neuville, il est aujourd’hui 5ème Vice-président, en charge de l’Environnement et de l’écorégion.
C’est dire si l’environnement et la gestion des déchets constituent des sujets de première importance pour cet élu qui les traite de longue date à leur juste valeur…

La région a revendiqué un plan régional des déchets pour l’Ile de France qui soit piloté par le Conseil Régional…

C’est en nous basant que cette logique de territoire et de complémentarité des différentes filières de traitement des déchets que nous avions revendiqué un plan régional des déchets pour l’Ile de France piloté par le Conseil Régional. Cette initiative a fait l’objet d’un large consensus au sein de la Région même si certains départements étaient, de prime abord, plus réticents que d’autres.

En effet, en Ile de France, la logique ne pouvait être que régionale car les frontières départementales ne permettent pas une optimisation des valorisations. D’autant que l’un des enjeux majeurs pour notre Région est celui du transport et de la logistique. La saturation des transports exige que nous ayons une réflexion en lien avec le territoire. Enfin, nous savons que les équipements existant en Ile de France arrivent à saturation aux alentours de fin 2006 ou 2007. Nous devons sortir du conflit entre al zone urbanisée centrale et la zone rurale qui craint d’être la décharge de l’Ile de France. Même si la majorité des habitants de la zone rurale travaille dans la zone urbanisée où ils produisent des déchets, la nécessité du transfert d’une partie des déchets reste difficile à expliquer.

La région s’est engagée dans la gestion des déchets depuis une dizaine d’années au travers de contrats signés avec l’ensemble des syndicats de déchets et avec l’Ademe et auxquels la plupart des conseils généraux ont participé.

C’est à partir du bilan de l’efficacité de l’intervention de Conseil régional sur la gestion qualitative des déchets que nous avons pu augmenter notre compétence régionale
La gestion des déchets a évolué avec les collectes sélectives, le tri, le recyclage et des préoccupations environnementales fortes en matières d’équipements de retraitement, les incinérateurs notamment.

Cela étant, il reste de nombreuses insatisfactions. En effet, la quantité demeure importante et le taux de recyclage se situe à 14 ou 17% alors que, si l’ensemble des contractualisations était mise en oeuvre, il devrait atteindre les 30% en 2006.

Nous sommes donc loin des objectifs et de la mise en oeuvre des contractualisations.

Nous constatons au niveau du Conseil régional, que certains budgets que nous avons votés ne sont pas utilisés. Certains syndicats ont pris du retard. Nous constatons en particulier que les collectes sélectives ne se généralisent pas dans tous les types d’habitats. Il reste donc des progrès à faire…

Quels sont les axes de progrès ?

La valorisation, des déchets reste insuffisante. Si la collecte des emballages se généralise et si celle des déchets verts se développe, la collecte des fermentescibles autres que les déchets verts n’a pas encore véritablement démarré. Le bilan énergétique des incinérateurs se dégrade. Il s’agit d’une des conséquences de l’accroissement des préoccupations environnementales. En effet, les derniers incinérateurs construits ne sont pas connectés avec les réseaux de chaleur et ne valorisent l’énergie que sous forme d’électricité. Par conséquent, le bilan énergétique de la gestion des déchets se dégrade.

Les déchets toxiques des ménages ne sont quasiment pas collectés alors que leur impact environnemental est important.

La majorité des bricoleurs d’Ile de France, par exemple, continuent de déverser le White Spirit dans l’évier ou les toilettes. Ce produit se retrouve au niveau de la station d’épuration et les boues qui en résultent sont de mauvaise qualité.

La profession agricole refuse de les épandre et elles doivent être incinérées avec les déchets ménagers. Cette tendance est encore forte.

La circulation routière liée à la gestion des déchets doit être réduite. Des projets commencent à se développer, en particulier des alternatives en termes de voies d’eau et de voies ferrées. Nous observons que des déchets se croisent entre différents syndicats car les sites retenus pour leur traitement peuvent être éloignés.

Ainsi, certains déchets font le tour de l’Ile de France avant d’arriver à leur destination. Cette situation, qui engendre un bilan carbone très négatif, ne peut perdurer.

Toutes ces insuffisances indiquent les marges de progrès à réaliser.

Quels sont les principaux objectifs de la Région en matière de gestion et de traitement des déchets ?

L’Ile de France a engagé une révision de son plan avant le votre de la loi et nous nous interrogeons sur la possibilité de démarrer le plan régional tant que tous les départements n’ont pas terminé leurs plans départementaux. Schématiquement, je dirai qu'ils sont au nombre de cinq :

La réduction des impacts locaux et de l’empreinte écologique globale du système

Le système de traitement des déchets doit contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air. Il convient, en particulier de privilégier la réduction à la source du comme des déchets. Nous considérons que l’échelon régional peut être le niveau pertinent pour une négociation avec les grands distributeurs ; je ne suis pas certain du succès de cette démarche mais il faut essayer. J’estime que si le ministre s’engage, nous avons de chances d’améliorer cette situation. La concertation est nécessaire pour inciter les citoyens à produire moins de déchets. En contrepartie, il faut que cet effort soit récompensé par une réduction des coûts et que le citoyen ait le sentiment de l’utilité de son action.

Or, de nombreux citoyens doutent de l’efficacité du tri alors que 98% des déchets recyclables issus des collectes sélectives sont effectivement recyclés. L’incertitude demeure car les citoyens voient peu de produits recyclés. L’un des objectifs du plan régional est de promouvoir ces produits recyclés et d’inciter les industriels qui produisent à partir de produits recyclés à valoriser cette action.

L’efficacité énergétique des processus de traitement

Nous préconisons de privilégier la méthanisation plutôt que le compostage. Je considère que l’Ile de France n’a pas besoin de nouveaux incinérateurs. Toutefois, si l’analyse montrait que nous avons effectivement besoin de nouveaux incinérateurs, au moins sur les sites existants, il conviendrait de s’assurer que le traitement des fumées est efficace. Une récente étude d’Airparif indique qu’il n’y a pas davantage de dioxines en Ile de France que dans les autres régions. Il est probable que les quantités de dioxines produites en Ile de France proviennent majoritairement d’autres sources que des incinérateurs. Cet argument est favorable aux incinérateurs sous réserve qu’ils soient utilisés pour valoriser l’énergie produite, ce qui n’est pas toujours le cas. Il serait souhaitable de disposer d’un bilan de la pollution produite par un incinérateur versus la pollution « économisée » grâce à cet équipement. Airparif va prochainement réaliser une étude sur l’impact de la fermeture de deux incinérateurs qui ne sont plus aux normes depuis le 28 décembre : celui d’Issy-les-Moulineaux et celui de Sarcelles. Ces fermetures vont exiger la réouverture de chaudières au fioul lourd, au charbon, qui auront un impact négatif que la qualité de l’air.

La maîtrise des coûts de traitement

La Région a signé des contrats avec l’ensemble des syndicats. Aucun de ces syndicats ne présente son bilan financier de al même manière. Nous ne sommes pas en mesure de comprendre pourquoi les coûts de traitement d’une canette en aluminium différent selon le lieu. Cette opacité n’est pas de nature à rassurer le citoyen sur l’efficacité du système de traitement des déchets. Cette transparence est importante car le coût de traitement des déchets est élevé et le citoyen a besoin de savoir que les processus sont maîtrisés. La taxe sur les ordures ménagères représente dix fois le montant de la fiscalité régionale pour un Francilien.

La complémentarité entre les types de déchets

La Région est responsable du plan régional d’élimination des déchets ménagers. Elle est aussi responsable du plan régional d’élimination des déchets industriels spéciaux.

Les déchets du bâtiment et des travaux publics restent du ressort des départements. Nous sommes favorables à un raisonnement par filière de déchets et non par filière d’émetteurs. Cet objectif reste en débat dans les syndicats d’Ile de France ; certains y sont très favorables, d’autres y sont foncièrement hostiles. En ce qui concerne les déchets agricoles, nous considérons que les dispositifs de méthanisation fonctionneront mieux avec un apport plus important de déchets normalisés. Il convient également de favoriser le développement de filières d’innovation, de pôles de recherche, la valorisation des produits recyclés et d’organiser les complémentarités entre la zone rurale et la zone périphérique.

La transparence et la concertation

La concertation suppose de poser les bases du débat. Il nous fait disposer d’évaluations indépendantes et d’éléments objectifs. La Région Ile de France finance de manière importante un observatoire régional des déchets auxquels adhèrent la Région, les syndicats et les entreprises concernées par la gestion des déchets. Il faut que nous disposions d’observatoires considérés par les citoyens comme fiables et indépendants, à l’image d’Airparif.