Déchets outre mer : Nicolas met les pieds dans le plat!

Le 19/01/2011 à 15:27  
Déchets outre mer : Nicolas met les pieds dans le plat!
Décharge de la Gabarre Inutile de dire que l’intervention du chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, de passage en Guadeloupe, n’est pas passée inaperçue… lorsqu'il a annoncé que l'État pourrait se substituer aux collectivités locales en cas de carence de celles-ci, notamment dans le domaine de la gestion des déchets. Il faut dire que des fonds importants, 57 millions d'euros sur les 160 nécessités par le projet, ont été transférés de Bruxelles via le Feder, en vue de l'installation d'un centre multifilières dont une partie de la construction a été confiée à Urbaser... Sauf qu'à ce jour, Urbaser n'a pas posé la première pierre, faute de suffisamment de fonds... Et ce n'est pas une blague!


 Le chef de l’Etat, qui s’est rendu tout récemment aux Antilles, a prononcé un discours qui n’a pas laissé indifférent. Évoquant les compétences des collectivités, le chef de l'État a déclaré, en substance que « dans certains domaines, l'État se substituera aux collectivités si elles n'assument pas leurs compétences ». Et paf !
Surtout que l’un des thèmes abordés n’était autre que celui de la gestion des déchets… Inutile de préciser que certains élus n'ont pas apprécié, du tout, du tout, cette déclaration.
Sauf que le principe de substitution de l'État est une réalité, qui ne doit en rien choquer. Ainsi en Guadeloupe, quand il a été question de faire cesser la pollution générée par Igetherm à Baie-Mahault, c'est l'État qui, face à l'urgence sanitaire, a pris les choses en mains.
Lorsqu’il a fallu fermer les décharges des Saintes et de Marie-Galante - pour éviter des pénalités et des astreintes européennes monstrueuses - puis organiser le transfert des déchets des dépendances guadeloupéennes vers la décharge de la Gabarre, c'est encore l'État qui a pris les choses en mains.
Troisième exemple : en 2007, Jean-Jacques Brot, préfet de l'époque avait largement influé sur la fermeture de la décharge de Baillif.
Ce principe de substitution de l'État n'a donc rien de novateur, surtout lorsqu’il s’agit de santé publique !
Alors, quels sont les éléments qui expliquent tant cette intervention du chef de l'État que les réactions qu'elle suscite ?
Et bien aux échéances pardi !

Nicolas Sarkozy En juin prochain, on aura droit à la visite d'émissaires de la communauté européenne, à mi-chemin du contrat de plan Etat-Région-Europe : l'Europe a en effet débloqué des fonds d’importance pour aider la région dans son plan de gestion des ordures.
Il va de soi que la mission de ces émissaires consistera principalement à vérifier la bonne utilisation de ces sommes d’argent ; en cas de carence,n ils pourront décider de conseiller leur réaffectation ailleurs.
Et puis, la décharge de la Gabarre doit impérativement être définitivement fermée le 31 décembre de l’année prochaine, avec une fois encore, des sanctions sous forme de pénalités financières et d'astreintes énormes.
Sauf qu’un an avant la date butoir, il y a de quoi bouffer son chapeau : 8 mois de retard sur le programme prévu, baptisé Gabarbelle, prévoyant l’installation d’une plateforme multifilières, comprenant un incinérateur, qu'Urbaser doit implanter sur le site de la Gabarre et dont le financement n'est toujours pas bouclé.
Sauf à revoir la copie pour en proposer une version plus modeste, on n’est pas prêt de voir le site opérer le 31 décembre 2012…
Or, on a bien compris que sans les équipements Urbaser, point de fermeture possible de la décharge : on continue d’ailleurs à s’arracher la perruque quand on sait qu’il faut, aussi, réhabiliter la décharge de la Gabarre... sauf à décider de transférer, de façon provisoire, l'ensemble des ordures ménagères de l'archipel guadeloupéen vers Sainte-Rose, qui héberge le seul centre de stockage aux normes.

Côté tri sélectif, on ne peut pas dire que les performances soient à la hauteur des espérances… Et puis, la multiplication du nombre d’acteurs en matière de gestion des déchets n’aide pas vraiment à ce que tout se passe au mieux.
Dans ce contexte peu réjouissant, le préfet de région, Jean Fabre, s’agace quelque peu : on piafferait à moins…
D’autant qu’il s’est dit volontiers partisan d’une structure unique en matière de gestion des déchets, une façon de voir partagée par la Région, le Département, et l'Association des Maires.
Avantages : diminuer le nombre des interlocuteurs, favoriser des économies d'échelle et raccourcir les délais de décision…
Inutile de conclure qu’avec le soutien que vient de lui octroyer Nicolas Sarkozy, Jean Fabre pourrait si la situation perdure, décider de prendre et gérer le dossier à sa manière…
« Les dJacques Gillotéchets sont un domaine particulier et en ce domaine, j'interviendrai si les élus ne prennent pas leurs responsabilités car il s'agit de santé publique. Il faut savoir que si la décision locale est paralysée, le préfet peut être amené à prendre des mesures. Je suis effaré de voir qu'au bord des routes de ce département, il y a, sous une végétation luxuriante, des déchets, des milliers de tonnes de déchets dans la nature... des décharges qui fonctionnent ou qui fonctionnaient un peu comme ci comme ça. Je ne veux faire le procès de personne mais je rappelle que nous sommes dans une petite île où toute pollution peut prendre des proportions dramatiques. Il faut donc que la puissance publique puisse s'en occuper »…

Cette façon de voir ne choquant absolument pas Jacques Gillot, président du Conseil Général… « Le discours du chef de l'État est normal puisque le problème des déchets concerne directement la France, récemment condamnée par l'Europe à cause de ses décharges sauvages. Au niveau local, je suis dans la même logique : d’ailleurs, le préfet est intervenu pour Igetherm. Quand on assiste à une hésitation des élus sur les grands dossiers, notamment ceux qui concernent la santé publique, et les déchets concernent ce domaine, l'État intervient... avec les collectivités.
Pour la Gabarre, nous faisons de même, nous mettons 10 millions, la Région, 10 millions. Si le délégataire choisi n'a pas les moyens de commencer les travaux, il faut en trouver un autre. Il faut une pression forte de la puissance publique pour faire avancer les choses
»…

Jean Fabre « Si je ne résous pas le problème de la Gabarre durant le temps de mon affectation, je devrais considérer que celui-ci aura été un échec. Je l'ai dit et je le répète : c'est une infection, les liquides passent dans la Rivière Salée, touchent peut être la nappe phréatique. Il y a urgence absolue. Le projet s'élève à 160 millions d'euros, dont 57 millions provenant du Feder, ce qui est énorme, plus 10 millions de la Région, 10 millions du Département et 8 millions de l'Ademe. Le marché public, lancé il y a trois ans, a été attribué, par délégation de service public, à la société espagnole Urbaser, filiale d'ACS, dont le président est aussi le président du Real Madrid.
Bref, l'Union européenne voulait que les décharges soient fermées au 31 décembre, c'est fait. La Gabarre bénéficie d’une tolérance au 1er janvier 2013 ; nous avons donc deux ans pour réaliser le chantier... qui n'est pas commencé faute de fonds suffisants, la société Urbaser ne trouvant pas de financement des banques.
L'Europe est en train de s'étonner de cet état de fait, d'autant que c'est l'un des grands chantiers européens du moment... Nous risquons de voir les fonds retourner à Bruxelles... Il faut faire quelque chose, à tout le moins convaincre les Espagnols, qu'il  y a peut être des banques prêtes à franchir le pas avec l'entreprise... Bref, l'heure est grave! En l'espèce, je ne tiens pas à me substituer aux élus, sauf... s'il y a un problème de santé publique
», confirme le préfet de région…