Déchets nucléaires : et si on allongeait la vie des centrales ?

Le 02/08/2010 à 10:15  

Déchets nucléaires : et si on allongeait la vie des centrales ?

Image centrale nucléaire En décembre 2009, Nicolas Sarkozy confiait à l'ancien président d'EDF, François Roussely, la tache de mener la mission sur l'avenir du nucléaire à l'horizon 2030. Cette mission très prospective traduisait la volonté du gouvernement de s'investir davantage dans la résolution des problèmes liés à l'énergie. Le rapport Roussely, rendu le 27 juillet, a donc été examiné en milieu de journée dans la cadre d'un conseil de la politique nucléaire statutairement présidé par le Chef de l'État. La publication de ce rapport était très attendue dans les milieux industriels, et de nombreuses données fort intéressantes ont été annoncées comme la préconisation de la création d'un ministère de l'énergie, la réaffirmation du leadership d'EDF dans le secteur, mais aussi l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires. Quid du problème récurrent de stockage des déchets nucléaires?

Dans un texte de synthèse de 23 pages, à consulter ici en format pdf, le rapport a détaillé mardi 27 juillet sur son site internet de nombreuses préconisations. En premier lieu, EDF a été confirmé comme étant le chef de file de "l'Équipe France". L'industrie du nucléaire français doit être resserrée autour de ses champions nationaux qui sont EDF, Areva et Altsom. "En règle générale, EDF doit être pour les projets de construction de centrales nucléaires, tant en France qu'à l'étranger, l'architecte ensemblier de "l'Équipe France".

  L'idée inédite de la création d'un ministère ou un secrétariat à l'énergie a été mise en avant. "L'importance stratégique et l'ampleur des missions de réflexion, d'animation et de coordination à mettre en œuvre dans le domaine du nucléaire justifient la constitution soit d'un ministère de l'énergie dirigé par un ministre de plein droit, soit d'un secrétariat général à l'énergie rattaché à la présidence de la République". L'État souhaite donc affirmer son droit de regard sur la filière.

Le rapport écarte aussi le démantèlement, évoqué il y a quelques mois, d'Areva. En ce qui concerne le premier producteur d'uranium au monde (Areva), des solutions ont été évoquées afin qu'il puisse faire face à un manque récurrent de moyens. Une nouvelle société pourrait être créée, dans laquelle Areva apporterait toutes ses mines dont elle conserverait la majorité du capital.

En ce qui concerne les déchets nucléaires, le rapport préconise de porter la durée de vie des centrales nucléaires à soixante ans. Jusqu'à présent, elle était portée de trente à quarante ans mais le rapport estime qu'un allongement sera nécessaire, tout en favorisant la sécurité sur la prolongation. Cela pose de nombreuses questions notamment en ce qui concerne les problèmes de stockage des déchets nucléaires. Par ailleurs, le rapport estime qu'il est désormais indispensable que l'Andra - Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs- définisse une planification au plus vite de la préparation de l'échéance de 2015 concernant le centre de stockage profond.

Les résidus visées sont les produits hautement radiocactifs, ou moyennement radioactifs mais à vie longue, issus du retraitement des combustibles brûlés dans les centrales. Ces substances sont pour le moment stockées à la Hague (Manche) et à Marcoule (Gard), mais dans des conditions de sécurité qui ne sont pas irréprochables. Leurs volumes est plutôt faible, 44 000 m3 fin 2007 et 56 000 m3 en 2030 , mais ils représentent 99,9% de la radioactivité totale des déchets nucléaire français (1,15 millions de m3 fin 2007 et le double en 2030). De plus, aucune solution pérenne de stockage n'a encore abouti... Par ailleurs, l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) souhaite voir Areva reconditionner 25 000 m3 de déchets d'une ancienne usine de traitement.

Les déchets nucléaires doivent être, depuis la loi du 28 juin 2006, enfouis à 500 mètres de profondeur, sous une couche d'argile, près de la commune de Bure (Meuse). Un débat public doit être organisé en 2013, ainsi qu'une demande d'autorisation en 2015, pour une mise en service en 2025. Comme dans beaucoup de lieux où un projet de stockage de déchets nucléaires s'annonce, l'opposition des riverains et des écologistes se fait vivement ressentir. Le problème du traitement des déchets est bien réel, mais le refus de servir de "poubelle nucléaire" reste le plus profond. C'est compréhensible. Si la France est bien une puissance nucléaire, et qu'un changement radical de cette politique demanderait une reconfiguration totale - non voulue par les politiques ni les industriels concernés- de notre mode de production d'énergie, la question  des déchets méritent largement que l'on se penche dessus- tant pour nous que pour les générations futures- et qu'il y ait surtout plus de transparence et d'information....ce n'est pas faute de le répéter, mais l'opacité règne. En attendant le rapport préconise que l'Andra "associe d'urgence EDF, Areva et le CEA (Commissariat à l'énergie atomique) à la définition optimisée du centre de stockage profond et à sa réalisation".

D'autres déchets sont également en souffrance, ceux de faible activité à vie longue (82 000 m3 fin 2007 et 151 000 m3 fin 2030). Deux villages avaient été retenus pour les stocker (Aube), mais à nouveau l'opposition locale a fait annuler ces accords.

Le problème est que la filière du nucléaire considère que l'uranium et le plutonium sont des matières valorisables. Or, un récent rapport (lire notre article ici) montre que leur taux de recyclage ne s'élève qu'à 20%. En Suède par exemple, les combustibles usés ne sont pas retraités mais gérés comme des déchets. Il y a donc encore beaucoup de pistes, et d'efforts à fournir en ce qui concerne la réflexion des déchets nucléaires...