Déchets : l'incinération menacerait le recyclage en Europe
Incinération versus recyclage : ça coince, encore et toujours... Selon une récente étude de GAIA (Global Alliance for Incinerator Alternatives), les incinérateurs actuellement en fonctionnement dans certains pays de l’Union Européenne pourraient brûler davantage de déchets non recyclables que la production totale à l’intérieur de ces Etats membres. Pourtant, l’industrie pousserait à étendre les capacités d’incinération en Europe...
Selon cette étude (téléchargeable ici), l’Allemagne, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni seraient déjà en surcapacité en termes d’incinération. En conséquence, les transferts transfrontaliers de déchets destinés à être incinérés ont augmenté, ce qui contredit le principe de proximité lequel préconise que les déchets doivent être traités au plus près de l’endroit où ils ont été produits, indiquant aussi "le réseau est conçu de manière à permettre à la Communauté dans son ensemble d'assurer elle-même l'élimination de ses déchets ainsi que [leur] valorisation" (article 16 de la directive-cadre sur les déchets, 2008/98/EC).
Autre enseignement de cette enquête : bien que 22% des déchets de l’UE soient déjà incinérés, l’industrie prévoirait d’augmenter les capacités d’incinération, compromettant les objectifs définis dans la Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources, laquelle plaide en faveur d’une priorité accordée à la réduction des déchets, au réemploi et au recyclage (voir notre article). De plus, l’augmentation des transferts de déchets pourrait empêcher d’atteindre les objectifs de recyclage, en particulier dans les pays qui en sont actuellement les plus éloignés. Pour rappel, la Feuille de route pour une Europe utilisant efficacement les ressources, instaurée par la résolution du Parlement européen du 24 mai 2012, stipule que, d’ici à 2020, l’incinération avec valorisation énergétique devra être limitée aux matériaux non recyclables.
"Si la Commission européenne a vocation à maintenir ses engagements de limiter l’incinération aux déchets non recyclables d’ici à 2020, la stratégie devrait être de fermer les incinérateurs, et non d’en construire de nouveaux. Les objectifs de la Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources ne seront pas atteints, à moins que la Commission européenne ne contrôle étroitement les capacités européennes d’incinération", déclare Joan Marc Simon, Coordinateur de GAIA.
Du côté français, les associations de protection de l’environnement toujours anti, sont évidemment unanimes...
"La France accueille un quart des incinérateurs européens et de nouvelles installations sont en projet. Pour faire face à leur surcapacité et assurer la pérennité de leur alimentation, la France n'a pas suffisamment investi dans la prévention, le tri et le recyclage, et nos taux de recyclage sont toujours bas", affirme Delphine Lévi Alvarès, Chargée de mission au Cniid (Centre national d'information indépendante sur les déchets).
Pour Pénélope Vincent-Sweet, Pilote du réseau prévention et gestion des déchets de FNE (France Nature Environnement), "le fait que les incinérateurs soient des aspirateurs à déchets qui nuisent à la prévention et au recyclage n’est pas une lubie d’écologistes. Le rapport de la Cour des Comptes de septembre 2011 montre bien que leur surdimensionnement crée un appel d’air pour les déchets industriels banals en particulier, et que finalement c’est généralement le contribuable qui paie".
"Si les surcapacités d’incinération sont maintenues et/ou étendues, cela se fera au détriment des contribuables, car les taxes sur les déchets augmenteront pour compenser les capacités installées non utilisées, mais aussi de la prévention des déchets et du recyclage, car il n’y aura pas assez de déchets à brûler. La Commission européenne doit contrôler l’offre d’incinération sur le marché européen, afin de s’assurer qu’elle ne compromet pas la réduction des déchets et le recyclage. Elle devrait également supprimer toutes les incitations économiques et légales qui, aujourd’hui, rendent l’incinération préférable au recyclage", conclut M. Simon.
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