Déchets : le casse-tête des SHU (Satellites Hors d’Usage)
Quelques heures avant la rentrée prévue dans l’atmosphère et la plongée dans l’océan Pacifique sud de l’ATV (Automated Transfer Vehicle), cargo spatial de l’ESA (European Space Agency) transportant des déchets en provenance de l’ISS (Station Spatiale Internationale), l'association Robin des Bois publie 'Les déchets dans l’espace", un rapport inquiétant de 65 pages avec iconographie et cartographie. On peut notamment y trouver un inventaire des déchets spatiaux, un rappel de la réglementation internationale et le schéma des orbites terrestres...
Ce rapport est le premier état des lieux des déchets encombrant l’espace et des risques associés pour les activités spatiales, l’environnement terrestre et interplanétaire, réalisé par une ONG environnementale. Il est consultable gratuitement dans son intégralité ici.
"La conquête spatiale a réussi un exploit considérable. En 50 ans, l’humanité a disséminé dans l’espace des milliards de déchets d’origine terrestre. 'L’océan d’en haut' comme l’appelait Victor Hugo est victime d’une pollution industrielle d’un genre nouveau, foudroyant, proliférant et durable du même type en plus irrécupérable que la pollution de l’océan d’en bas par les déchets de plastique, de polystyrène et d’hydrocarbures", indique Robin des Bois dans l'introductionde son rapport.
"La durée de vie d’un satellite n’est guère plus longue que celle d’une voiture, une bonne dizaine d’années. Sur Terre, la gestion des Véhicules Hors d’Usage (VHU) et de leurs accessoires est un casse-tête. Dans l’espace, la gestion des Satellites Hors d’Usage (SHU) est dominée par le 'chaque Etat pour soi' et le sans gêne à l’état pur. La gestion des déchets de toutes les catégories est une science en même temps que le miroir des comportements collectifs. Les déchets spatiaux n’échappent pas à la règle sauf que personne et surtout pas les exploitants ne les ont vus venir", ajoute l'association.
Dans les années 1970, les premières détections analytiques de traces de titane et d’aluminium sur des satellites cobayes ont été attribuées à des éjections solaires ou à la chimie des astéroïdes alors qu’elles provenaient des peintures et des résidus de combustion des engins spatiaux. Les industriels de l’espace n’ont pas non plus anticipé l’expansion géométrique et la démultiplication en cascade des déchets issus de collision et d’explosion orbitales. En 50 ans, les activités humaines dans l’espace ont créé sur les orbites basses et hautes de la Terre plus de déchets que le système solaire n’y a injecté de météorites en plusieurs milliards d’années.
Aujourd’hui, aucun vol spatial habité ou satellite ou encore mission interplanétaire n’est à l’abri d’une collision destructrice avec un déchet. Sur Terre, nul non plus n’est à l’abri d’un déchet tombé de plus haut que le ciel. De plus, les déchets spatiaux contribuent à la pollution lumineuse de l’espace et perturbent les observations des astronomes. Les réacteurs nucléaires embarqués sur les satellites masquent le bruit de fond radioactif du cosmos en émettant des flux de rayons gamma artificiels même quand les satellites ne sont plus en fonction.
"Tout ça pour Internet, GPS, téléphone et radio satellitaires, autant d’activités commerciales, de moyens de communication et de divertissement qui rapportent infiniment d’argent et produisent des déchets à l’infini sans la moindre contrainte à verser une TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes) spatiale. Le droit spatial lui aussi est en panne ; les étages susceptibles de mettre en orbite une convention internationale sur la prévention et la gestion des déchets dans l’espace sont très loin d’être sur le pas de tir. Seule lueur d’espoir, les logisticiens de l’espace comprennent désormais l’urgence à agir pour nettoyer les écuries spatiales et prévenir à la source la production de déchets", déplore Robin des Bois.
Cet article est à lire en complément de notre précédente dépêche : Déchets spatiaux : une problématique vraiment... "space".