Déchets : le cas de Fos laisse sceptique

Le 07/11/2013 à 18:40  

Déchets : le cas de Fos laisse sceptique

une fosse à déchets ménagers Si le SDIS des Bouches-du-Rhône a bien allégé le dispositif déployé précédemment, le site reste sous étroite surveillance, suite à l’incendie qui l’a ravagé dans la nuit du 1er au 2 novembre. Totalement à l’arrêt, pour une durée indéterminée dans un premier temps, les déchets sont pour l'heure, contraints de voyager un peu, pour se faire traiter, ce qui ne manque pas de relancer le débat s’agissant de l’installation exploitée par la société EveRé, filiale de l'espagnol Urbaser… Si les choses avancent à bons pas quant à la restauration de la situation, à l'approche des prochaines élections municipales, voilà un incendie qui pourrait remettre de l'huile sur le feu...

pompiers Les sapeurs pompiers ont quitté le site hier soir (voir Déchets : Fos crie au feu!). Seul un camion de lutte est resté à disposition sur site par sécurité. Il devrait quitter le site aujourd’hui dans la soirée. « Nos salariés réalisent maintenant une surveillance soutenue sur l’ensemble du site. Les sapeurs pompiers, avec qui en temps normal des exercices réguliers sont organisés, ont effectué un travail remarquable », indique l’entreprise dans un message datant de ce jour.
Si les déchets ne peuvent plus être traités sur ce site, la collecte des déchets ménagers de la Communauté urbaine de Marseille Provence Métropole en elle-même, n’est aucunement affectée par cet incendie : les ordures ménagères partent donc à destination des centres de stockage de Jas de Rhodes et Septèmes-les-Vallons, situés dans les Bouches du Rhône. Pour mémoire, on rappellera que EveRé ne reçoit que les ordures ménagères résiduelles, c’est-à-dire après que les habitants aient effectué les opérations de tri en vue du recyclage au travers du dispositif déployé par la CUMPM.

 L'état des lieux s'affine
enquête Depuis mardi, une enquête diligentée par la Police Nationale, épaulée par un expert judiciaire, est en cours et devrait se poursuivre durant une semaine. Aucune date n’est encore avancée pour le résultat de cette investigation à propos de l’incendie dont la cause est toujours inconnue. Seul le lieu du départ de feu est identifié : le bâtiment de tri secondaire, dans lequel aucune matière combustible n’est entreposée. A la clé, un sinistre qui a ravagé l’installation, via la combustion de milliers de tonnes de déchets se trouvant sur les lieux.

 Il va de soi, aussi, que l’estimation des travaux est en cours. « La priorité est au déblaiement des débris, et à leur acheminement vers des centres de traitement adaptés. Parallèlement, une évaluation précise des dommages ainsi qu’un chiffrage et une estimation de la durée des travaux pour une remise en état du site dans sa configuration d’origine sont en cours. La volonté est de redonner à EveRé ce qui fait sa particularité sur le territoire français, à savoir sa capacité de tri, et sa double capacité de valorisation des déchets (organique et énergétique) ».

 « L’ensemble du site est pour l’heure à l’arrêt », confirme la société EveRé. « Des expertises sont en cours afin de proposer un redémarrage partiel dans les meilleurs délais, avec toutes les conditions de sécurité qui s’imposent dans le cadre de l’exploitation normale de ce type d’installation. Un contour plus précis du calendrier devrait pouvoir être proposé à compter d'aujourd'hui ».
De fait, l’état des lieux des dommages s’affine.  L’Unité de Méthanisation (digesteurs) ainsi que les systèmes de valorisation énergétique du biogaz et les tubes de pré-fermentation n’ont pas été touchés.
En ce qui concerne l’Unité de Valorisation Énergétique, qui n’a pas été dans le périmètre de l’incendie, un audit approfondi a mis au jour quelques dommages occasionnés de façon indirecte par les effets de l’incendie. Des investigations complémentaires vont être réalisées sur les pièces en question. Ces dernières seront réparées ou remplacées dans les meilleurs délais (réchauffeurs d’air sur les lignes 1 et 2, caisson d’entrée d’air primaire sur la ligne 2).

calendrier De fait, suite à l’état des lieux plus précis de ces derniers jours, il a été proposé tout à l’heure, un calendrier de reprise d’activité de l’Unité de Valorisation Énergétique, aux Services de l’Etat et à la CUMPM :
 Redémarrage de la Ligne 1, le 13/11/2013 : fonctionnement dans un premier temps avec les déchets combustibles triés déjà présents en fosse 3, puis proposition d’alimentation ensuite avec des OMR bruts
 Redémarrage de la Ligne 2, le 13/12/2013
Du fait de ce redémarrage partiel, les apports d’Ordures Ménagères Résiduelles (OMR) de la CUMPM sur le centre devraient pouvoir redémarrer dès le 20/11/2013, et ce de façon progressive selon le calendrier suivant :
 Réception OMR du Centre de Transfert (CT) Sud de Marseille : 20/11/13
Réception OMR CT Sud + ½ CT Nord : 28/11/13
Réception OMR CT Sud + CT Nord : 13/12/13

 La préfecture des Bouches-du-Rhône a évidemment demandé, dès le 3 novembre, que soient effectué un certain nombre de mesures et autres formes de contrôles notamment afin de vérifier une détérioration éventuelle de la qualité de l’air et de l’environnement autour du site. La réponse de l'entreprise ne se fait pas attendre... « Comme prévu avec les Services de l’État, un plan de prélèvement a été mis en oeuvre pour confirmer la première analyse livrée le 3 novembre.
EveRé a réalisé un ensemble d’échantillonnages de sols de surface, d’herbes et de lichens autour du site, soit environ une quarantaine d’échantillonnages en tout, qui doivent se finir aujourd’hui. Les échantillonnages ont été faits dans des zones très diverses : sous le cône de dispersion des fumées, chez les industriels voisins (Lyondell, Kem’One, Ascometal, Terminal Conteneurs), en zones naturelles, en zones agricoles, en zones d’habitation.
AirPaca a également installé plusieurs jauges de retombées, dont une sur la commune de Port-Saint-Louis.
Les analyses ont été demandées en urgence aux laboratoires afin de fournir dans les plus brefs délais ces éléments aux Services de l’état.
Comme il en est d’usage, une communication particulière sera faite une fois les résultats obtenus
».

 Du feu... au pavé dans la mare...
 Si tous les résultats ne sont pas encore connus à ce jour, il a été déterminé très rapidement par le colonel Jean-Claude Grand en charge des opérations, que la situation ne présenterait aucun risque chimique pour les populations.

François-Michel Lambert Sauf que tous ne sont pas de cet avis : ainsi, le député écologiste François-Michel Lambert a mis les pieds dans le plat, rappelant à mots à peine couverts qu’il reste sceptique quant au choix d’installer l’unité de traitement sur Fos. Et de prévenir que « ceux qui ont choisi l'implantation de l'incinérateur, au bord de l'eau, sur un site aussi risqué, devront rendre des comptes ». L’élu des Bouches-du-Rhône ne peut pas être plus clair quant à l’opinion qu’il a de la stratégie qui a été choisie.

 On ne s’étendra pas sur la fameuse et célèbre décharge d’Entressens, un pis-aller débordant de partout, faisant figure de honte locale, pour ne pas dire nationale en matière de stockage de déchets, qu’il fallait fermer puis remplacer par quelque chose de moderne. Pas plus que sur les débats houleux (voir  Incinération : rebondissements et revers à Fos sur Mer et  Les opposants au projets sont déboutés) et parfois violents, via des clivages politiques et des manifestations parfois hautes en couleurs, qui ont duré des années (voir notamment Les déchets marseillais font de nouveau "côser" ), quant au choix d’une unité multi-filières on ne peut plus controversée (voir UIOM de Fos sur Mer : le Préfet signe le permis), jugée par un certain nombre d’élus de la communauté d’agglomération de Marseille, beaucoup trop couteuse…

traitement des déchets Un sinistre de cette amplitude, à peine trois ans après la mise en service de l’installation, a de quoi rendre les uns perplexes, et d’autres un peu amers… Personne en tout cas n’affiche l’indifférence… A moins d’un an des prochaines élections municipales, il est à craindre que le débat sur le devenir des déchets marseillais et les filières mises en place, refasse surface. D’ores et déjà, confirme Achim Gertz, délégué sud-est du collectif Objectif Transition a pris position : « cette unité de traitement de déchets risque d'être hors service pour de longs mois, voire des années, et par là même obligera l'ensemble de la classe politique marseillaise à se pencher d'urgence sur la « filière déchets » de la région. Il est temps de remettre tout à plat, il est temps de se pencher sur la réduction des déchets à la base, sur le tri et une véritable valorisation »… Et plouf : le pavé qui risque d’en éclabousser certains, est jeté dans la mare …

ordures ménagères Il n’empêche : pour l’heure, EveRé tient à faire savoir qu’au 13 décembre 2013, elle sera en mesure de traiter 85% des Ordures Ménagères de la CUMPM. La part résiduelle (issue des Centres de Transfert d’Ensuès et de La Ciotat) sera envoyée en centre de stockage jusqu’à la fin de l’année.
L’Unité de Valorisation Énergétique traitera alors des Ordures Ménagères Résiduelles brutes, c’est-à-dire qui ne passeront pas par les phases de tri primaire. « L’installation peut techniquement tout à fait traiter ce type de déchets, et fonctionnera à l’instar d’autres installations voisines comme l’UVE de Toulon, de Nîmes ou d’Avignon. A noter que cet incident n’a aucun impact sur le dispositif de tri et de collecte sélective animé par la CUMPM, puisque les déchets arrivant sur le CTM sont des Ordures Ménagères Résiduelles (OMR), déjà triées par les ménages. Ce qui est trié à la source par les ménages continuera à être envoyé vers des centres de tri pour faire le recyclage. Notre centre de tri ne réalisant qu’un tri "complémentaire" des recyclables », conclut Bérenger Satel-Pongy, Responsable Environnement et Communication de la filiale d’Urbaser.