Déchets : le bras de fer continue entre Eurodéputés et la Commission

Le 02/01/2008 à 11:18  

Déchets : le bras de fer continue entre Eurodéputés et la Commission
Commission européenne Le traitement des déchets dans l'Union européenne oppose le Parlement et la Commission depuis des mois. Le Parlement reste opposé à une proposition de la Commission modifiant le statut de l'incinération pour en faire une opération de valorisation, et ce, parce que cette modification aurait sans aucun doute encouragé la circulation des déchets en Europe, notamment vers les pays de l'Est. Souvenez-vous… En février dernier, une coalition d'eurodéputés (socialistes, verts, communistes, mais aussi conservateurs de l'est de l'Europe), convaincue que le traitement doit commencer par la prévention, avait même voté des amendements qui modifiaient considérablement le texte proposé par la Commission...

Les Eurodéputés estiment que le « traitement des montagnes de déchets ménagers et assimilés, soit 1,3 milliard de tonnes chaque année, que produit l'Union européenne, doit commencer par leur "prévention". Si les Etats ne parviennent pas à cette solution, ils doivent recourir à la "réutilisation" - comme pour les vieux réfrigérateurs, réparés par Emmaüs.

A défaut, ils doivent choisir le recyclage ... En cas d'échec, ils peuvent faire des opérations de valorisation énergétique (fabrication de gaz méthane à partir de déchets agroalimentaires). C'est seulement en cinquième et dernier recours qu'ils doivent choisir la mise en décharge ou l'incinération ».

Le Parlement ne réclame pas de sanctions contre les contrevenants et son amendement prévoit même que l'on peut s'écarter de cette hiérarchie en cinq points, s'il n'existe pas de technique ou de marché disponible. « Mais c'est déjà beau qu'il l'ait introduite !, ponctue Eric Gall, membre éminent du CNIID, pour qui la Commission a tendance à « confondre réutilisation, recyclage et valorisation ».
Fort de cette hiérarchie, le Parlement réclame une "stabilisation" de la production globale de déchets au niveau de 2008, d'ici à 2012, puis sa "réduction". Il souhaite que les Etats membres recyclent, en 2020, 50 % de leurs déchets municipaux et 70 % de leurs déchets industriels. On remarquera que la tâche n'est pas insurmontable puisque déjà, ce score de 50% est déjà dépassé par la Belgique ou l'Autriche, et bientôt atteint par l'Allemagne et les Pays-Bas. Enfin, le Parlement accorde un délai de 5 ans aux nouveaux membres de l'Union, qui ont adhéré en 2004.

La Commission n'accepte pas ces objectifs chiffrés au prétexte qu'ils « sont trop sévères pour certains Etats et pas assez pour d'autres ».
Le Parlement reste également opposé à une proposition de la Commission modifiant le statut de l'incinération pour en faire une opération de valorisation (voir notre confrère Le Monde du 13 février 2007). Et ce, parce que cette modification aurait sans aucun doute encouragé la circulation des déchets en Europe, notamment vers les pays de l'Est. Et comme la Pologne se plaint d'ores et déjà de ces trafics et transferts, elle est particulièrement mobilisée sur ce point.

La Pologne voit en effet se multiplier les décharges sauvages venant d’Europe de l’Ouest depuis la chute du communisme, dans les années 1990. Le trafic serait en pleine recrudescence depuis l’adhésion du pays à l’Union européenne en 2004. Son entrée dans l’espace Schengen, vendredi 21 décembre, ne devrait pas arranger les choses. L'avenir nous le dira...

Décharge sauvage Toujours est-il que depuis que la législation sur les déchets s'est durcie en Europe de l’Ouest, rendant le traitement plus cher et plus compliqué, certains pays de l’Ouest de l’Europe n’ont pas eu de scrupules pour s'en débarrasser illégalement en Pologne. C'est vrai que ces trafics, déjà facilités au cours des années 1990 dans une Pologne en pleine transition après la chute du communisme, ont été grandement facilités avec la levée des contrôles douaniers aux frontières.

Selon notre confrère Le Monde, « les garde-frontières polonais ont relevé 1 039 entrées illégales de déchets sur le territoire, dont 579 d’Allemagne, 32 d’Autriche et autant de Belgique. Il s’agissait surtout de déchets communaux, de voitures à la casse, d'emballages plastiques, de pneus, d'électroménager, de vêtements usagés et de radiographies médicales ».

Explication : « sous couvert d'activités de transport, de commerce ou de traitement des déchets, des entreprises polonaises proposent à des entreprises ouest-européennes de les débarrasser à bon prix de leurs détritus, dans des décharges, des entrepôts désaffectés ou en pleine nature », ajoute le quotidien.

L’entrée de la Pologne dans l’espace Schengen pourrait doper ces trafics qui concerneraient chaque année 300 000 tonnes de déchets, en provenance directe de pays membres de l’UE à 15. Aucun réseau de transport illégal n’a été démantelé à ce jour mais depuis juin 2007, le transport illégal de déchets internationaux est passible de 6 mois à 8 ans de prison en Pologne tandis que les services de protection de l’environnement peuvent coller des amendes allant de 13 900 à 83 400 euros.

A quand l'harmonisation des réglementations et des coûts de traitement, tant souhaitée par Pierre Rellet, Président de la Fnade lors du dernier congrès de celle-ci??? Les spécialistes escomptent 5 ans pour parvenir à cela.

Pour l'heure, il est à craindre que les « députés rebelles » n'aient à se heurter au barrage de la Commission ; en effet, lorsque celle-ci s'oppose aux amendements du Parlement, le Conseil des ministres, co-législateur, doit réunir l'unanimité pour les adopter, ce qui relève de l'impossible avec 27 Etats membres. C'est le moment où jamais de croire et de rappeler le Père Noël...