Déchets : la stratégie payante de Nantes et sa région

Le 29/08/2011 à 23:39  

Déchets : la stratégie payante de Nantes et sa région
Jean-Marc Ayrault La ville de Nantes, qui reçoit pour la première fois les Assises Nationales des Déchets (les 14 et 15 septembre prochains), développe une stratégie très offensive matière de recyclage, conjuguant investissements, services et pédagogie citoyenne... Une stratégie qui s’intègre à son label de Capitale verte de l'Europe en 2013 (voir notre article). De façon plus large, les Pays de la Loire ne sont pas en reste. L’équipe du Conseil Régional est mobilisée sur le sujet des déchets et compte plusieurs élus référents pour ce thème, comme Eric Thouzeau et Sophie Bringuy. Jean-Marc Ayrault (Député-Maire et Président de la Communauté urbaine de Nantes) et Jacques Auxiette (Président du Conseil Régional des Pays de la Loire) nous expliquent tout...

 23 des 24 communes de Nantes Métropole disposent du tri sélectif des déchets ménagers en porte en porte. Par ailleurs, l'agglomération dispose d’un réseau de 12 déchèteries et 4 écopoints. Une fois triés, les déchets sont soit incinérés pour produire de l’énergie, soit recyclés. En 2009, près de 17 000 tonnes de verre ont été collectées et recyclées sur le territoire de Nantes Métropole. Quelques indicateurs rendent compte de la progression de la collecte sélective et de l’optimisation du recyclage : 0% de déchets biodégradables mis en décharge depuis 1999 ; un taux de recyclage passé de 22% en 1999 à 38% en 2009 ; une diminution de la quantité de déchets incinérés.

 Quelles sont les caractéristiques de la "stratégie déchets" de Nantes, reconnues par le label de Capitale verte ?

Jean-Marc Ayrault : Le jury qui a élu Nantes Capitale verte de l’Europe en 2013 a souligné les résultats obtenus par l'agglomération en matière de gestion des déchets. Le taux de recyclage en hausse, la quantité de déchets incinérés en baisse : tous les indicateurs démontrent que nos efforts sont payants et que nous nous donnons les moyens pour atteindre l’objectif de -5 kg/an/habitant fixé dans notre Plan Climat. Pour poursuivre cette ambition, nous avons adopté en 2009 notre premier Plan Déchets : de la prévention à la valorisation, en passant par la collecte, le tri et le traitement, nous agissons sur tous les fronts pour faire de nos déchets une ressource.

 Des efforts de longue haleine ?

Tri'SacNotre politique s’inscrit en effet dans la durée. Dès 1992, alors que l’enfouissement des déchets était encore largement répandu, nous nous sommes engagés financièrement pour qu’une deuxième usine de valorisation et de traitement des déchets soit construite sur notre territoire. Les technologies de ces équipements se renouvellent régulièrement et sont encore aujourd’hui à la pointe. Nos efforts d’investissements portent également sur les déchèteries. Nous sommes dotés aujourd’hui d’un réseau de 12 déchèteries et de 4 écopoints auquel nous consacrons au cours de ce mandat 5 millions d’euros. Nous augmentons leur performance en y mettant en place le tri du bois et des D3E (ou DEEE) et en faisant monter en puissance la collecte des déchets verts.

En matière de collecte, nous avons innové avec Tri’Sac, un mode de collecte en porte-à-porte adapté à l’habitat dense [voir notre article]. Pour l’habitat individuel, la collecte classique en bacs jaunes reste privilégiée. Le système Tri’Sac consiste à placer dans un même bac, sacs bleus pour les ordures ménagères, et sacs jaunes pour les déchets recyclables. La séparation des sacs se fait dans un second temps, à l’usine, par un système de lecture optique dont est équipé l’unité Valorena. En 2013, quand nous aurons agrandi cette usine qui a atteint sa capacité de traitement maximale, nous étendrons ce système aux habitants des centres-villes de Nantes et de 5 autres communes de l'agglomération.

 Vous allez innover aussi du côté des collectes...

Nous souhaitons économiser 600 tonnes de CO2 émis par an en ajustant la fréquence de la collecte : c’est également l'une de nos mesures phares. En réduisant le ramassage des ordures ménagères résiduelles (une fois par semaine, au lieu de 2), et en augmentant celui du recyclable (une fois par semaine également), nous encourageons les habitants à plus remplir leur bac jaune, et moins remplir le bleu tout en optimisant les parcours effectués par nos bennes. Il ne faut pas oublier enfin que le meilleur déchet est évidemment celui qu’on ne produit pas ; nous consacrons donc une grande énergie à la prévention. Favoriser le réemploi via des recycleries, encourager la consommation responsable par des actions de sensibilisation, participer à des projets de méthanisation territoriaux pour valoriser les déchets organiques sont autant de sujets qui nous tiennent à coeur.

Le compostage, qu’il soit individuel ou collectif, a nettement progressé dans notre agglomération. En un an, près de 3 000 foyers ont bénéficié du remboursement de 20 euros que nous proposons pour l’achat d’un composteur individuel. Nantes Métropole encourage également le compostage collectif. Près de 20 pavillons de compostages collectifs ont ainsi été installés dans l’agglomération. Ceci prouve que les mentalités évoluent peu à peu en ce qui concerne les déchets, et je ne peux que m’en féliciter.

11ème édition des Assises Nationales des Déchets Dans quel état d’esprit accueillez-vous les Assises Nationales des Déchets, en septembre prochain ?

Nous nous félicitons que les Assises Nationales des Déchets aient décidé de s’installer à Nantes. Notre politique volontariste et nos efforts sur la question des déchets sont ainsi reconnus. Cela nous conforte dans notre ambition d’aller plus loin encore, et notamment d’entrainer les citoyens avec nous dans l’action. Sans l’engagement de tous pour agir pour l’environnement, nous ne pourrons pas atteindre l’objectif fixés dans notre Plan Climat : diviser par 2 les émissions de CO2 de notre territoire d’ici 2025. Ainsi, cette année, nous avons organisé des Ateliers participatifs "Plan Climat" : 150 familles se sont portées volontaires pour analyser les freins et les leviers du changement de comportement. La problématique des déchets a été une question majeure au cours de cette expérience unique par son ampleur.

 Dans les Pays de la Loire, le soutien indéfectible de la Région à cette manifestation est lié aux enjeux que représente la question des déchets :

   enjeu de santé publique tant pour la population que pour les travailleurs soumis à des risques d’exposition à des produits dangereux ;

   enjeu économique pour les collectivités territoriales et pour les professionnels des déchets qui sont bien implantés en Pays-de-la-Loire et par l’intéressement des industriels et des PME aux projets d’éco-conception ;

   enjeu environnemental par son impact potentiel sur les milieux naturels mais également énergétique par le potentiel de valorisation qu’ils représentent ;

   enjeu social et solidaire par le développement du recyclage, du réemploi et de la revalorisation de produits.

"La problématique des déchets est donc au coeur du développement durable, d’où notre volonté de continuer à soutenir les Assises. Enfin, lieu d’échanges entre tous les acteurs de la filière : citoyens, professionnels producteurs ou prestataires, collectivités, associations et Etat, les Assises sont un lieu incontournable pour connaître l’actualité et les projets en matière de déchets", indique le Conseil Régional.

Jacques Auxiette La question des déchets n’est pas dans sa globalité une de vos compétences réglementaires. Pourtant, la Région des Pays de la Loire est très volontariste dans son approche de ce sujet. Quelle est la clé de cette implication ?

Jacques Auxiette : Même si la Région n’a qu’une compétence réglementaire sur les déchets dangereux, nous avons souhaité avoir un effet levier sur l’ensemble des acteurs de la filière déchets. Nous accompagnons donc des projets innovants au travers d’aides à l’éco-conception et de Contrats de territoires passés avec les intercommunalités, qu’il s’agisse d’équipements publics (centres de tris, déchèteries) ou des opérations collectives d’équipement des particuliers (composteurs...). Nous avons également une action ambitieuse autour de la récupération et de l’élimination des PPNU (Produits Phytosanitaires Non Utilisés) en agriculture. Enfin, nous soutenons des filières artisanales pour développer des procédés moins nocifs pour l’environnement (construction et réparation nautique, pressing, sérigraphie, mécanique automobile). Notre philosophie en matière de déchets peut ainsi se résumer en quelques mots : cohérence, transversalité et approche globale.

 En ce qui concerne le PREDD (Plan Régional d’Elimination des Déchets Dangereux), quels sont les moyens mis en oeuvre et les axes de travail retenus pour progresser vers les objectifs fixés pour 2019 ?

La Région s’est dotée d’un plan d’actions doté de 2,2 millions d’euros sur 3 ans. Parmi les principaux axes de travail retenus pour 2011, il y a le soutien aux filières artisanales évoqué plus haut pour leur permettre de se doter d’équipements évitant des pollutions des eaux ou de l’air et limitant les déchets dangereux issus de ces activités, ainsi que le lancement d’une étude sur l’amiante pour mieux cerner la législation, les gisements, les lieux de stockage et les filières d’élimination. On peut également citer la mise en place d’un groupe de travail sur les DASRI (Déchets d’Activité de Soin à Risques Infectieux) pour réfléchir aux moyens d’augmenter le taux de collecte de ces déchets, et des sessions de formations sur les déchets dangereux mises en place en direction des professionnels du bâtiment.

Enfin, en partenariat avec les territoires (collectivités, Conseils généraux) et les syndicats professionnels du bâtiment, un travail est entamé sur l’accueil en déchèteries des déchets dangereux du BTP. Partage des bilans, convergence des solutions et consensus devront être les maîtres mots de ce travail. Toutes ces actions vont notamment permettre de répondre aux priorités définies dans le PREDD qui sont à l’horizon 2019 de réduire de -4% (8 000 tonnes) la production de déchets dangereux, d'en capter 80% (au lieu de 70% si rien n’est fait), ainsi que d'en valoriser 40% (au lieu de moins de 32% de la production si rien n’est fait).