Déchets électroniques : les USA veulent légiférer
Les déchets électroniques sont une source d'inquiétude depuis bientôt 2 décennies en termes de santé publique et de protection de l'environnement : la toxicité des matériaux utilisés est particulièrement en cause, qu'il s'agisse de produits retardateurs de flamme ou du bon vieux plomb. Malgré une bonne place parmi les plus gros producteurs de déchets électroniques, les Etats-Unis sont loin de montrer l'exemple : ils ne disposent d'aucune politique fédérale imposant le recyclage de ces "e-déchets" ou l'élimination des substances dangereuses des appareils électroniques. Afin de remédier à ce problème, un projet de loi a vu le jour au Sénat américain...
Le Gouvernement fédéral a jusqu'à présent largement délégué les décisions aux Etats, et seuls 19 d'entre eux ont légiféré sur le sujet. "Lorsque différents Etats mène des politiques différentes, il est très difficile de rassembler les fabricants autour d'une ligne de conduite concernant la réflexion autour des cycles de vie de leurs produits", indique Oladele Ogunseitan, chercheur au département de prévention des maladies et santé publique de l'Université de Californie. Son équipe s'inquiète par ailleurs d'une possible détérioration de la situation sans une politique nationale cohérente. Les centaines de milliers de tonnes d'e-déchets des Etats-Unis sont actuellement destinées à atterrir en Afrique, Chine ou Inde où des marchés s'organisent pour récupérer et revendre le cuivre et le fer : le recyclage n'y est cependant pas organisé et expose les populations locales à une multitude de produits chimiques toxiques.
En Europe, un ensemble de lois régissent l'utilisation et le traitement des matériaux toxiques contenus dans les produits électroniques. Une directive de l'UE sur la restriction de l'usage des substances dangereuses impose des seuils maximaux de quantités de mercure, plomb, cadmium, chrome hexavalent, polybromobiphényle (PBB) ou polybromodiphényléther (PBDE) dans les nouveaux appareils électroniques, et le programme REACh (Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals) impose aux fabricants des responsabilités de gestion des risques quant aux produits chimiques utilisés dans leurs produits et la directive WEEE (Waste Electrical and Electronic Equipement) organise la gestion des e-déchets. La Chine de son côté a également préparé un certain nombre de régulations sur le sujet qui devraient entrer en application en 2011.
Les Etats-Unis sont quant à eux le dernier pays de l'OCDE à n'avoir pas ratifié la Convention de Bâle régulant les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination.
Le texte S. 1397 étudié au Sénat a été baptisé : "Electronic Device Recycling Research and Developpement Act". Introduit par les sénatrices Amy Klobuchar (D-Minnesota) et Kristen Gillibrand (D-New York), ce projet de loi souligne les nombreux problèmes actuels concernant les e-déchets et notamment la production d'appareils électroniques qui n'est pas près de ralentir couplée à l'absence d'effort concerté de gestion de ces éléments une fois leur utilisation terminée. Le texte constate par ailleurs que la population est apathique sur le sujet et qu'elle n'exploite pas au mieux les solutions existantes de recyclage.
Les objectifs de recherche du projet de loi se répartissent en 3 catégories : trouver la meilleure façon de traiter les e-déchets déjà présents, mettre en évidence et développer des alternatives respectant l'environnement pour remplacer les matériaux dangereux et potentiellement dangereux, et reconsidérer la conception et l'assemblage des produits pour faciliter la remise à neuf, la réutilisation et le recyclage des appareils électroniques. Le texte mentionne que la recherche permettrait de "contribuer au développement professionnel" de nombreux scientifiques et ingénieurs dans les matières concernées et suggère la mise place de financements pour développer des filières d'études d'ingénieurs spécialisés sur la question des e-déchets. Les rédacteurs du projet de loi appellent également le National Institute of Standards and Technology à créer une base de données des matériaux "verts" pouvant se substituer aux matériaux toxiques et demandent aux National Academies of Sciences de publier un rapport sur l'état du recyclage des produits électroniques, les opportunités de régulation et les barrières légales entravant l'adoption ou l'implémentation de bonnes pratiques ou innovations technologiques.
Au final, ce texte représente un grand pas en avant en mettant en lumière au Congrès le problème des déchets électroniques, tout en proposant des solutions concrètes pour avancer. La version actuelle du projet de loi ne prévoit cependant pas de financements directs de la recherche sur les e-déchets et ne met en place aucune législation requérant l'action des consommateurs ou des compagnies.