Déchets d'emballages : la clause de revoyure sera-t-elle à revoir ?
Les choses ne sont pas simples, on s’en doute ; à défaut, elles seraient déjà mises à plat et réglées. Amorce, le Cercle national du recyclage et de l’Association des communautés de France, souhaitent clairement un « réajustement financier » de l’enveloppe versée aux collectivités par les entreprises productrices d’emballages, et également la « remise à plat » de la gouvernance de la filière. Au demeurant, elles ont fait part de points de vue communs, à cet égard, lesquels ont été présentés dans le cadre de la réunion du 12 février dernier.
Il y a une dizaine de jours, en effet, le directeur de cabinet du Ministre de l’Environnent a reçu les représentants des collectivités locales afin de les entendre sur la clause de revoyure de la filière “emballages ménagers”.
Cette rencontre fut l'occasion pour Yves Faure, Président du Cercle National du Recyclage, Gilles Vincent, Président d’Amorce et Jean Revereault, élu de l’ADCF, de défendre l’application immédiate de la clause de revoyure fondée sur "le strict respect de la Loi Grenelle fondée sur le partage des responsabilités et des efforts financiers en faveur d’une meilleure gestion des déchets, le strict respect des engagements des pouvoirs publics sur la mise en oeuvre de la clause de revoyure qui aurait du être mis en place depuis 1er janvier 2013, le strict respect des conclusions des travaux des services du Ministère qui établit le calcul de la clause de revoyure entre 100 et 300 millions d’euros supplémentaires en faveur des collectivités pour atteindre l’objectif de 80 % de prise en charge des coûts nets optimisés prévu par le Grenelle alors que le taux de prise en charge en 2012 s’élevait à peine à 50% des coûts observés, et le tout aussi strict respect du cahier des charges de l’éco-organisme qui n’a pas atteint l’objectif de recyclage de 75% en 2012 alors qu’il possède des provisions financières de plus de 150 millions d’euros".
Ces représentants des collectivités ont profité de l'entretien pour rappeler aussi, "la nécessité de compenser au moins partiellement le doublement de la TVA sur la gestion des déchets appliqué depuis le 1er janvier 2014. Ce qui représente un montant de 220 millions €/an, afin d’éviter une nouvelle augmentation des impôts locaux qui serait insupportable pour les ménages".
Alors que la Cour des comptes, dans son rapport annuel, a salué les progrès accomplis par les collectivités en matière de maîtrise des coûts de gestion des déchets, les élus des trois associations ont insisté sur la pression fiscale insupportable subie par les contribuables locaux (près de 25% du coût des déchets sont des taxes nationales), mais aussi sur les menaces pesant sur les nouveaux emplois des collectivités locales faute de financement.
De l'avis des élus des trois structures, "ce montant représente moins de 5 euros/an par consommateur, ou encore 0,04 cent/kg d’emballages mis sur le marché, ou qu’il pourrait largement être compensé par l’élargissement aux emballages des produits vendus sur internet (ou autres), qui à ce jour, ne participent pas à l’écotaxe".
Ce point de désaccord profond a justifié "un véritable cri d’alerte" adressé par les trois associations au Directeur de Cabinet, "face à la position hégémonique de l’éco-organisme sur la filière et sur ses différents acteurs, avec lesquels il tente de tisser des liens partenariaux et financiers de plus en plus importants, pour renforcer son influence".
Les représentants des collectivités ont d’ailleurs demandé une refonte complète de la gouvernance de la filière et la clarification des relations entre l’éco-organisme, les acteurs de la filière et le Gouvernement, conformément aux engagements du candidat vainqueur à l’élection présidentielle de 2012.
Symbole de cette nouvelle gouvernance qui serait bien sur, basée sur la limpidité de la transprence, les représentants des collectivités ont de nouveau demandé à ce que l’éco-organisme partage enfin l’état d’avancement de l’instruction de la plainte contre X déposée en 2009 par l’éco-organisme "sur les placements aux îles Caïmans, ainsi que sur ses partenariats financiers avec de très nombreuses structures et associations dans les domaines des déchets".
A trois semaines des élections municipales, "les élus se refusent à envisager un arbitrage ministériel défavorable aux collectivités, aux contribuables et à l’emploi local, alors que le Cabinet du Ministre a clairement reconnu la légitimité des arguments avancés par les collectivités". L’arbitrage qui sera rendu d’ici le 3 mars, devra surtout marquer par son impartialité la volonté du gouvernement de mettre en place cette nouvelle gouvernance indépendante des REP face aux pressions des grands lobbies industriels français.
Jacques Pélissard, qui préside aux destinées de l’AMF, considère que le coût de référence version 2010 est désormais parfaitement « inadapté à la réalité présente » puisqu’il « ne reflète plus la réalité économique des collectivités ». L’AMF n’est évidement pas allergique à des moyens supplémentaires pour les collectivités. Mais elle met le doigt sur un point essentiel : le coût de référence n’est qu’un indicateur financier permettant de programmer une enveloppe prévisionnelle, ce qui n’est pas le cas du barème, qui seul peut établir avec précision « les sommes effectivement perçue par les collectivités ». D’où la réserve de l’association dirigée par Jacques Pélissard, quant aux modifications du coût de référence : l’AMF mettant en garde les collectivités, estimant que des modifications de cet indicateur pourraient aboutir à une augmentation virtuelle de l’enveloppe sans déboucher sur une augmentation des recettes effectives pour les collectivités.
L’AMF prend d’ailleurs et également fait et cause en faveur des collectivités qui sont en difficultés évidentes pour bien faire : si leurs performances en matière de recyclage sont faibles, c’est bel et bien pour des raisons objectives, et non parce qu’elles boudent le principe d’une collecte sélective réussie. D’où le vœu formulé par l’AMF de se préoccuper de ces collectivités particulières, avec l’octroi de crédits qui seraient calculés en conséquence.