Déchets d'élevage : l'importance de l'hygiénisation du lisier
Depuis toujours, les déjections animales sont épandues sur les terres agricoles comme fertilisant. Problème : elles peuvent aussi transmettre des maladies aux animaux et aux hommes : plus d’une centaine de microorganismes pathogènes (bactéries/virus/parasites) a par exemple été identifiée dans le lisier de porc. Pour détruire les vecteurs de maladie et éviter ainsi toutes épidémies, les scientifiques du Cemagref utilisent le traitement thermique au moyen d’échangeurs de chaleur, une technique certes bien connue mais qui se veut ici sobre en consommation d’énergie...
Comme la destruction des microorganismes est d’autant plus efficace que la température est élevée, il est facile d’envisager des barèmes de stérilisation, par exemple un traitement à plus de 120°C pendant au moins 30 minutes. Cependant, les coûts financiers occasionnés par de tels traitements s’avèrent trop lourds à supporter pour la plupart des éleveurs. C'est pourquoi la recherche vise dans un premier temps à déterminer des traitements moindres, mais suffisants pour parvenir à des objectifs d’hygiénisation.
Le lisier est chauffé à des températures allant de 55°C à 96°C puis maintenu chaud avant son refroidissement et son stockage. Pour évaluer l’efficacité des traitements, un panel de 7 indicateurs bactériens et viraux représentant un éventail de thermorésistance a été identifié. Il apparaît ainsi que le traitement à 60°C pendant 10 minutes suffit pour rendre le lisier conforme à l’épandage. A noter : aucun des traitements à 55°C pendant 3 jours et 70°C pendant 1 heure (basés sur ceux spécifiés pour le compostage) ne permettent pas de détruire les pathogènes les plus résistants. Seul un traitement à 96°C pendant 10 minutes permet d’en détruire une partie et une température de plus de 100°C apparaît nécessaire pour éliminer tous les pathogènes du lisier.
Ces résultats ont amené les chercheurs à envisager un système économiquement plus raisonnable. Ainsi, un second échangeur de chaleur est utilisé pour recycler les calories du lisier chaud lors de son refroidissement. Il permet déjà de récupérer entre 55 et 70% de l’énergie totale nécessaire au chauffage. Autre paramètre à prendre en compte : l’encrassement progressif du système qui réduit l’efficacité du transfert de chaleur et donc augmente le coût du procédé. Il faudra déterminer les meilleures stratégies de traitement pour canaliser son développement et les meilleures techniques de nettoyage qu’elles soient mécaniques ou chimiques. Enfin, il est envisagé de coupler le système à un méthaniseur afin de produire du biogaz qui sera utilisé comme source d’énergie.
Plus qu’un procédé, cette recherche porte sur le développement d’une méthode applicable à tous types de déchets liquides. Une consommation d’énergie maîtrisée permettra aux éleveurs, entreprises agroalimentaires et collectivités de respecter les normes et les règles d’hygiène à venir.
Cet article est à lire en complément de nos 2 précédentes dépêches : Biodéchets agricoles : une ressource à valoriser et Déchets d’élevage : focus sur le recyclage du phosphore.