Déchets BTP : nouvelle dynamique pour les territoires?
La transition énergétique aura de réels impacts sur les activités liées aux déchets du BTP. Sont par exemple posées les problématiques de récupération des déchets par les distributeurs de matériaux, d’intégration de produits issus du réemploi dans la commande publique, de lutte contre les décharges sauvages… Si l’élan est donné par l’Europe (avec son objectif fixé à 70% de valorisation des déchets, hiérarchie des modes de traitement), et relayé par l’Etat, la dimension territoriale et la logique de proximité de l’économie circulaire sont incontournables, à travers les plans départementaux/régionaux de gestion, mais aussi la professionnalisation du secteur et l’implication des donneurs d’ordre, notamment publics…
L'enfouissement : une tradition
Les déchets du BTP ont, en quelque sorte, hérité d’une situation historique, la majorité des tonnages ayant été enfouis, pendant des décennies, le stockage de ces déchets ne réclamant pas beaucoup d’opérations.
« Faire autrement était et reste difficile, puisque nous manquons de déchetteries professionnelles dans notre pays», souligne Erwan Le Meur, président de la branche déchets du BTP de Federec, tandis que le chef du bureau de la planification et de la gestion des déchets au ministère de l’Ecologie, Christine Cros, précise « que l’objectif est de faire transiter le maximum de ces déchets, en déchetteries ; il faudra en créer là où ce sera nécessaire» (…) « Organiser la reprise de ces déchets est inscrit dans la loi sur la transition énergétique ; le décret d’application est en préparation ; il a été mis en consultation et les seuils d’assujettissement sont en discussion », rassure la représentante du ministère. « La mise en application de la loi supposera de bien mailler le territoire, si l’on souhaite récupérer un maximum de tonnages, car l’artisan a besoin de services de proximité afin de limiter le temps passé en dehors de ses chantiers », indique le président de Federec BTP.
Pour ce qui touche à la récupération des déchets de chantiers chez les distributeurs, il faudra sans doute mutualiser les moyens afin de limiter la charge financière de la nouvelle mission qui leur incombe : plusieurs magasins pourraient créer ensemble une déchetterie, par exemple. Il va de soi que pour les plus petits magasins cela relève de l’impossible que de récupérer les déchets de leurs clients : il sera sans doute nécessaire de travailler de concert avec les collectivités locales.
Jean-Yves Burgy, directeur de Recovering, affichant alors un léger désaccord : « le réseau de déchetteries est important en France ; il n’y a pas de vrai problème puisque les opérateurs vont déjà chez les artisans, afin de collecter leurs déchets ». Il suffirait donc de systématiser la récupération de ces déchets afin de les valoriser.
La difficulté résiderait, selon plusieurs intervenants à la table ronde, le plus souvent dans les contraintes de plus en plus lourdes qui sont imposées pour ces déchets non dangereux, les collectivités étant de plus en plus exigeantes en la matière, avec à la clé, « trop de freins à lever »…
Vers une évolution ou révolurion?
« Il reste que la loi me semble assez intéressante, ne serait ce que parce que la valorisation est évoquée dans le texte et non pas seulement le traitement de ces déchets », relève Carl Enckell, avocat à la cour, très impliqué dans le statut du déchet du BTP : « les décrets vont sortir rapidement, ce qui n’est pas le cas pour toutes les lois votées et publiées au Journal Officiel ».
Elle aura sans doute davantage d’impact que la directive cadre qui n’a bénéficié que d’une ordonnance. Et de rappeler que « les déchets du BTP sont des déchets, certes, mais aussi et surtout des ressources ; à ce titre, ils ne doivent pas dépendre uniquement des règles liées à la protection de l’environnement, mais aussi à celles de l’économie », Christine Cros, accordant bien volontiers qu’il reste du travail à réaliser : « par cette loi sur la transition énergétique, on a commis un acte politique fort, à destination des élus. Il ne faudra pas instaurer de freins au développement des déchetteries professionnelles qui constitueront un maillon essentiel et absolument nécessaire »…
Il reste que « multiplier le nombre de déchetteries professionnelle sur le territoire n’est pas vendeur pour les élus qui veulent se faire réélire », ce qui n’est pas sans poser quelques difficultés, souligne alors Claude Laleuf, chef du service développement durable à la mairie de Lyon. « Dans un autre registre, celui des grands chantiers, il faut par ailleurs garder à l’esprit que le maître d’ouvrage confie en quelque sorte les clés, et ne les récupère que lorsqu’il réceptionne les travaux », ce qui peut poser un problème de traçabilité, voire de responsabilité… puisqu’on est désormais responsable de ses déchets…
« Le droit est en effet inopérant, puisqu’il ne permet pas d’identifier le responsable » ; seul le propriétaire du terrain peut en prendre plein la figure, le cas échéant, parce qu’il est ipso facto, le détenteur du déchet, « la traçabilité n’étant pas toujours très fiable, notamment pour ce qui concerne cette catégorie de déchets », accorde bien volontiers Carl Enckell… L’avocat spécialisé complétant son propos en rappelant que le diagnostic démolition entre peu à peu dans les moeurs (il concerne les bâtiments de plus de 1000 m² ), tandis qu’Erwan Le Meur précise que dans le cadre du Cosei, « on a demandé à ce que soit instauré un diagnostic pour la rénovation des bâtiments, également ».
Les déchets du BTP sont des déchets inertes ou des déchets non dangereux ; ils touchent les secteurs du génie civil, du secteur routier et celui du bâtiment. Ce qui signifie que ces déchets sont aussi bien du vitrage, du bitume, du mastic ou encore du rond à béton, autant de déchets de nature différente mais identiquement concernés par la loi …
« Constructeurs et recycleurs n’ont jamais travaillé ensemble ; la communication entre nous devra se construire, elle aussi ». Sortir ces déchets, travaillés puis transformés en matériaux recyclés par des professionnels du secteur, de leur statut de déchets permettrait d’avancer, et surtout de faciliter l’écoulement de ces productions dans l’économie, via la commande publique, notamment…
Si l’UNPG vient peu à peu au recyclé, souligne Christine Cros, l’UNICEM ne joue pas le jeu, certifie Erwan Le Meur : c’est par le biais de cette organisation professionnelle, que la sortie du statut de déchets des matériaux recyclés issus des déchets du BTP a capoté, regrette à haute voix le président de Federec BTP, « ce qui tend à prouver que chez les professionnels, il y a des gens qui ne veulent pas que ça avance ».