Le réchauffement climatique, les scientifiques en parlent depuis des années, annonçant le danger, les conséquences négatives partout dans le monde : sécheresses aggravées ici, inondations répétitives ailleurs, et on en passe. Puis ce fut l'heure de la préparation de la COP 21 (un an de diplomatie tous azimuts), avec l'espoir collectif que ce ne soit pas un coup d'épée dans l'eau, que les négociations puissent déboucher sur du concret, même si on était convaincu qu'après la COP, il resterait à faire, beaucoup à faire... Toujours est-il que pendant 12 jours, le sommet de Paris a abouti au premier accord universel de l’histoire sur le climat. La plupart des parties prenantes (Etats et acteurs non étatiques) y voient un texte globalement positif, à partir duquel il faudra encore travailler puisque l'objectif reste à atteindre concrètement : limiter le réchauffement climatique en-dessous de 2°C...
Et paf ! Le petit coup de marteau tant attendu, qui signifie que l'unanimité a été obtenue, quant au texte résultant de la COP21 a retenti. Il est 19h30 : les représentants de 195 Etats ont adopté, samedi 12 décembre, le premier accord universel et contractuel (on préférera ce terme à celui de contraignant) portant sur le changement climatique. Avec une journée de retard (mais qu'importe, après tout), Laurent Fabius a pu annoncer en effet que "L'Accord de Paris est adopté par toutes les Parties" et qu'il s'agit d'un accord juste et juridiquement contraignant. Soulagement pour la France qui a accepté d'organiser ce grand rassemblement après l'échec cuisant de Copenhague (2009), une rencontre pour le moins mal ficelée, mal organisée, débouchant sur un fiasco traumatisant : pays du Nord et pays du Sud bloquant sur ce qu'il est convenu d'appeler la justice climatique, jusqu'à un point de non retour... Une autre méthode devait être mise en place et on y est parvenu : 186 propositions valables ont été formulées sur 195 pays participants, ce qui constitue un record, d'autant que ces contributions volontaires émises par chacun seront inscrites et devront être mises en oeuvre. Historique, ce texte de décembre 2015 fixe des objectifs communs, impose des engagements visant à atténuer les choses et ce, pour toutes les parties. Et puis... il ouvre une nouvelle ère : celle de financements d'un nouveau genre... On entre dans une autre dimension.
En fin de parcours, riche en rebondissements, il a fallu convaincre deux groupes de se mettre d'accord. Ceux qui jugeaient que l’accord n'allait pas assez loin (une partie de l’Europe et des états du Pacifique, notamment) qui ont choisi de valider ce texte comme une base de travail à améliorer le plus vite possible, d'une part. Et puis, il y avait ceux qui jugeaient que l’accord allait trop loin (pays producteurs de pétrole en tête), qui ont néanmoins accepté le texte car il fait l’impasse sur la taxe carbone, sans compter qu'il les met en position d’être aidés financièrement (pour organiser leur mutation énergétique).
Tout a basculé lorsque vers 16 heures, nous apprenions que les deux poids lourds des pays émergents, à savoir l’Inde et la Chine (Barack Obama et Xi Jinping, n'ayant pas cessé de négocier tout au long des débats de ces deux dernières semaines afin de construire un engagement sino-américain de faire des efforts similaires de part et d'autre), mais aussi l’Arabie Saoudite (qui s'est farouchement opposée à un accord ambitieux tout au long des négociations), se sont finalement ralliés et ont déclaré « Oui ». In fine, tout le monde a admis que le réchauffement est réel, et qu'il est dû à l'homme et à lui seul.
Autre source de satisfaction, l’accord s’appliquera aux 195 parties et non plus aux nations les plus industrialisées, qui seules, ont été contraintes, dans le cadre du protocole de Kyoto en 1997, à maîtriser leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce ne sera pas gratuit, on s'en doute : une aide de 100 milliards d’euros par an (l'Arabie Saoudite, la Corée et Singapour n'étant pas obligés de participer à l'alimentation de ce fonds), à verser aux pays pauvres, constituera le plancher pour l’après 2020, et ce pendant 5 ans ; c'est un autre point apprécié de l'ensemble des participants. En 2025, la COP 31 devra réviser à la hausse cette contribution annuelle, de sorte que les efforts restent constants jusqu'à l'obtention de ce qui est souhaité. Le texte «reconnaît aussi combien il importe de fournir des incitations aux activités de réduction des émissions, s’agissant notamment d’outils tels que les politiques nationales et la tarification du carbone».
Quant à la clause de revoyure, visant à réajuster le tir pour la suite à donner (afin de rehausser régulièrement le niveau d'engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre comme les engagements financiers), elle est programmée pour 2025 : d'aucuns se sont dits un peu déçus, jugeant que l'objectif (neutralité carbone sur la seconde moitié du XXIème siècle) est posé à trop long terme, sans autre forme de précision ou d'objectif chiffré, la France et les USA d'Obama faisant partie de ceux là. C’est une grosse déception aussi pour le Comité 21/Club France Développement durable qui estime que le temps d’ajustement est trop long pour faire face à l’urgence climatique, sans compter que c’est contraire aux recommandations du GIEC.
D'entrée, la Directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, a salué cet accord historique conclu par les participants à la 21e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. « En sus d'un accord ambitieux et équilibré, la COP21 a créé une dynamique qui nous permet d'espérer faire évoluer la mentalité des populations et les préparer à accepter les ajustements économiques et de mode de vie que nous devons tous subir pour préserver la vie humaine sur la planète », a déclaré Irina Bokova.
« Changeons les mentalités, pas le climat », a été la devise de l'Unesco pendant la COP 21. Les programmes et l'expertise de l'Organisation ont été présentés au cours de plusieurs événements parallèles, soulignant le potentiel des sciences naturelles et sociales, de la recherche océanique, de l'éducation et de la culture pour promouvoir de nouvelles approches du développement en vue d'atteindre les objectifs de l’agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, adoptés par l'Assemblée générale en septembre.
« La Conférence de Paris sur le climat a suscité une nouvelle prise de conscience mondiale et un engagement sans précédent pour protéger la planète grâce à la solidarité et l'action commune », a déclaré Irina Bokova. « Nous devons maintenir cet élan pour la mise en œuvre de l'Agenda 2030. La vision de l'Unesco est claire : nous devons changer les mentalités, pas le climat grâce à l’éducation, la coopération scientifique, la pensée critique et le débat rendus possible par à la liberté d’expression et l’information, dont nous faisons la promotion dans le monde. Ceci est un programme unique pour un avenir meilleur pour tous ».
La Directrice générale a toutefois rappelé que la COP 21 n'était qu’une première étape pour limiter les dégâts de l’activité humaine sur notre environnement et que l'Unesco se réjouissait à l’idée de travailler avec les États membres pour soutenir une action internationale concertée et progresser dans le cadre de la COP 22, organisé par le gouvernement marocain en 2016.
Au cours de la COP21, le Programme hydrologique international (PHI), en association avec le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), a mis en évidence les moyens de traduire la science en politiques et mobiliser l'éducation afin de sensibiliser la population et d’entraîner des changements. A travers des expositions et de nombreux événements, la Commission océanographique intergouvernementale de l'Unesco (COI) a quant à elle attiré l’attention sur le besoin d'inclure l'océan dans les politiques concernant le climat. En effet l’océan, tout comme les forêts, est la principale source d'oxygène de la planète. C’est aussi et un régulateur clef du système climatique mondial.
Notre Medef n'a pas été long à réagir : l'organisation patronale française « félicite la communauté internationale d'avoir conclu un accord sur le changement climatique », salue « le rôle joué par la France pour organiser cet événement et favoriser cet accord qui marque un engagement important de la communauté mondiale. L’accord de Paris marque un tournant historique dans l’engagement des Etats face à ce défi mondial ». Voir aussi notre dépêche.
Cette année placée sous le signe du climat a également permis « de mettre an avant la capacité des filières d’excellence françaises à apporter des solutions, à sensibiliser les entreprises, en particulier les PME à cette opportunité qu'est la transition écologique et à souligner le rôle central des entreprises grâce au Business Dialogue entre les entreprises et les gouvernements ». Le Medef « veillera à la pertinence du processus de mesure, de suivi et de vérification des engagements qui va s’ouvrir. Il s’agit d’une condition essentielle pour tendre vers des conditions de concurrence équitables. Les entreprises françaises et européennes doivent continuer à faire la course en tête mais ne doivent plus la faire seules. L’accord de Paris ne marque pas la fin d'un processus, mais un début : celui de la concrétisation à grande échelle des solutions bas carbone ».
Du côté ONG, on se déclare satisfait de la prise de conscience commune qu'il faut changer de trajectoire pour éviter le mur. « Le texte place clairement l'industrie des énergies fossiles du mauvais côté de l'Histoire », synthétise Kumi Naidoo, Directeur exécutif international de Greenpeace. Cela dit, beaucoup reste à faire, il ne faut pas se leurrer : il s'agit maintenant que l'accord de principe devienne réalité dans chaque pays signataire.
En l’adoptant, « les pays du monde montrent qu’ils mesurent l’ampleur et les dangers d’un dérèglement climatique non contrôlé. La volonté de rester en deçà de 2 degrés de réchauffement en moyenne est une avancée réelle ». Europe Ecologie-Les Verts se réjouit de cette prise de conscience et de cette volonté collective d’éviter le pire. En permettant aux pays en développement de s’adapter, les Etats les plus riches ont reconnu l’importance de mettre en œuvre une justice climatique : « nous assistons pour la première fois dans l’histoire de l’humanité à un début de gouvernance mondiale sur un enjeu majeur, la naissance d’une diplomatie du climat et la prise en compte collective des enjeux immenses pour l’avenir de l’humanité que constitue la sortie indispensable des énergies fossiles. La voie est désormais ouverte pour aller vers des économies 100% renouvelables : il s’agit d’une priorité absolue ».
Avec la nécessité urgente de lancer des outils « de régulation de la finance, il faudra à l’avenir être vigilant quand à la mise en œuvre de cet accord et poursuivre l’indispensable mobilisation citoyenne et universelle. La France doit notamment montrer la voie en appliquant cet accord à toutes les échelles, nationale et locale », a soutenu pour sa part Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale EELV.
La non fixation du prix carbone : une lacune?
On pourra regretter que la décarbonation de l'économie (qui passera peu ou prou par l'abandon des énergies fossiles) ait été abandonnée ; à la place, on a proposé un équilibre à atteindre, à terme, entre l'émission et l'absorption de CO2 planétaire à l'horizon de la seconde moitié du XXIème siècle. Les spécialistes considèrent que pour stabiliser notre climat, les émissions de CO2 doivent plafonner à partir de 2030 et tendre vers zéro pour 2050. On peut utiliser des technologies, comme la valorisation de la biomasse, le captage-stockage de CO2 ou la reforestation pour compenser les émissions. Mais la solution-clé, c’est la réduction des émissions...
Par ailleurs, les économistes, comme les industriels, sont déjà quasi unanimes en effet, à établir qu'il eut fallu fixer ce prix, ne serait-ce que parce qu'il va falloir investir et créer des énergies, mais aussi des objets, bas carbone au même prix que ceux que nous connaissons aujourd'hui et qui sont émetteurs de carbone.
D'ores et déjà, il faut savoir qu'en marge des négociations officielles, en coulisses, une décision a été prise à l'initiative de personnalités immensément riches, d'injecter des sommes conséquentes dans les technologies visant à mettre sur le marché des biens de consommation bas carbone. Ainsi, Bill Gates, rejoint par d'autres, a indiqué mettre 2 milliards de dollars à ce pot commun : plus que jamais convaincus de l'importance de la R&D, ils considèrent que l'accélération du progrès technologique allant dans ce sens est LA solution et que si on s'en donne les moyens, cela peut aller relativement vite. On passerait alors d'une écologie punitive à une écologie constructive...
Que dire pour conclure ? On pourra considérer l'accord comme étant imparfait, certains ne manquant pas de le faire, déjà. Il reste que l'on a avancé et réussi à obtenir, après à un marathon d'environ 300 heures de négociations, grâce à un véritable tour de force diplomatique et politique, un consensus entre 195 pays : l'élan est donné, l'ambition de parvenir à un « Mieux » est là, la perte de pouvoir des producteurs de pétrole est avérée, malgré leur résistance. Les communautés scientifique et industrielle se sont impliquées, écrasant de leur poids les climato-sceptiques : le lancement de la transition énergétique est officialisé.
Il n'en demeure pas moins que l'essai reste à transformer : tout est inscrit, mais tout reste à faire. Il s 'agira pour les parties prenantes de se poser la question, à chaque étape, de savoir quel est le prix de l'avenir... puisque, comme l'a souligné le ministre indien de l'environnement, « notre génération a réussi à saisir un problème à venir et nous sommes parvenus à un accord pour un monde que nous ne verrons pas »...