La secrétaire d'État à la Transition écologique Brune Poirson a de nouveau affirmé que la question de l'instauration d'une consigne pour le recyclage des bouteilles "n'avait pas d'impact financier" pour les collectivités. C'était le 20 novembre, après qu'Emmanuel Macron ait déclaré au Congrès des maires que, « rien ne sera fait sans l'accord des maires »...
C'est ce qu'a rappelé en milieu de semaine dernière, le 20 novembre, Brune Poirson devant la Commission du Développement durable de l'Assemblée nationale. Sauf que les collectivités martèlent depuis des années, que cette règle n'est toujours pas correctement appliquée, de leur point de vue, les méthodes de calcul n'étant pas tout à fait les mêmes d'un côté et de l'autre de la barrière (celui qui paye/celui qui reçoit). "Si on retire les bouteilles du bac jaune, les soutiens demeurent", a insisté la secrétaire d'Etat, ajoutant que dans ce cas, ces soutiens seront ventilés vers les autres matériaux. Et de poursuivre que "le problème n'est pas un problème qui est financier."
"S'il y a un système de consigne qui se met en place (...) les collectivités pourront décider où et comment ce système de consigne se met en place", a insisté la secrétaire d'État. "Elles gardent toute latitude, toute liberté, et ça n'a pas d'impact financier".
On est en droit de s'interroger : si la majorité des élus de tous bords politiques sont contre, ce n'est sans doute pas pour le plaisir d'être en contradiction par principe, mais bien évidemment parce qu'ils ont fait les comptes et s'estiment perdants. Chiffres à l'appui, ils considérent depuis des mois, que la mise en place de ladite consigne s'apparente plus à un marché de dupes qu'à une façon de régler la faiblesse du taux de recyclage (au regard des taux souhaités), d'autant que les professionnels du tri comme les associations d'élus fournissent des pistes à suivre pour doper le taux de récupération des emballages concernés.
Brune Poirson a par ailleurs indiqué que l'expérience d'autres pays montrait que l'instauration d'un système de consigne sur les bouteilles en plastique faisait "baisser les ventes de bouteilles de près de 30% parce qu'il y a beaucoup de transfert vers l'eau du robinet".
Oui mais.... Edouard Philippe, qui s'est exprimé sur le sujet dans le cadre de la cloture du Congrès des maires, a pour sa part a reconnu que le système de consigne utilisé dans d'autres pays européens "n'est pas le nôtre" et a répété "nous ne la mettrons pas en œuvre cette consigne, sans l'accord des associations d'élus. Parce que nous avons tout intérêt à avancer de concert plutôt qu'en opposition, en foisonnement et donc en désordre".
Il y a de quoi être perplexe...
Juste avant, l'une des deux rapporteures du texte pour la commission du Développement durable, Stéphanie Kerbarh (LREM), avait souhaité "rouvrir la possibilité de la consigne pour recyclage", qui a été rejetée lors de l'examen du texte au Sénat, en septembre. Elle s'est déclarée "favorable à la consigne pour réutilisation et pour recyclage", comme le projet de loi le prévoyait au départ. Elle a même ajouté que "la consigne est la seule méthode aujourd'hui pour parvenir à des taux de collecte supérieurs à 90% pour les emballages, qu'ils soient en verre, en plastique ou en aluminium", puis répété la leçon semblant avoir été apprise par coeur, à savoir qu'elle "ne coûtera rien aux collectivités locales, au contraire".
Pour les groupes parlementaires, Valérie Beauvais (LR) a en revanche rangé la consigne pour recyclage dans les "solutions simplistes trop éloignées de la réalité". Hubert Wulfranc (PCF) a critiqué une mesure "inefficace et coûteuse pour les consommateurs" qui allait "désorganiser" le geste de tri, tandis que Mathilde Panot (LFI) a souhaité un État "qui mette au pas les industriels".
Guillaume Garot (PS) s'est fait l'écho d'une "vraie crainte" des collectivités, Jimmy Pahun (Modem) a souhaité des "garanties suffisantes" pour les collectivités tandis que Sophie Auconie (UDI) a jugé que cette consigne allait "totalement déséquilibrer leur modèle économique".
Laurence Maillard-Méhaignerie (LREM) a exprimé sa "confiance" dans le fait qu'un "compromis" soit trouvé avec les collectivités, alors que pour François-Michel Lambert (Lib.Ter.), l'enjeu est d'abord de "repenser notre modèle de production-consommation".
La commission des Affaires économiques, saisie pour avis, s'est prononcée mardi 19 novembre soir pour le rétablissement de la consigne pour recyclage. C'est ce qu'a indiqué sa rapporteure Graziella Melchior (LREM). Quelques heures plus tôt, Emmanuel Macron en personne avait déclaré à la tribune du Congrès des maires, que " rien ne sera fait sans l'accord des maires" le chef de l'Etat assurant vouloir conforter " ceux qui se sont organisés", "ceux qui ont pris de l'avance et ont investi".
Oui mais.... Si la LEC inscrivait finalement dans le marbre, l'instauration de la consigne sur le territoire national, histoire de ne surtout pas décevoir les quelques multinationales qui sont derrière le projet, que pourraient faire les élus locaux pour l'interdire sur leur terrioire respectif? Il n'est pas sûr que le rappel des propos tenus par le chef de l'Etat le 19 novembre, puis par le chef du gouvernement le 21, lors du congrès des maires suffise à les dédouanner, pour se débarrasser de cette consigne dont ils ne cessent de répéter qu'ils n'en veulent pas! Or, à l'écoute de "radio couloir", il se pourrait que les discours bienveillants et (faussement?) compréhensifs des plus hauts dignitaires de l'Etat soient peu ou prou balayés aussi vite qu'ils ont été prononcés. Petit bug ou gros mensonges? La question est posée, tandis que le sujet est loin d'être cloturé.