Conjoncture : l’Europe s’enfonce, les Etats-Unis remontent

Le 19/06/2013 à 15:19  

Conjoncture : l’Europe s’enfonce, les Etats-Unis remontent
 Et de 6... Décidément, rien ne s’arrange au sein de la zone euro. Les analystes de Xerfi notent que pour la sixième fois consécutive, le PIB est en recul, nouveau record depuis la création de l’Union monétaire. Mais le plus grave est que la crise se propage. En d’autres termes, les rouges (les pays en baisse) gagnent du terrain et l’écart se creuse avec les bleus (les pays en hausse). Lors de la dernière confrontation, le score était sans appel : sur les 13 pays à avoir publié leurs chiffres, 9 sont en baisse et 4 seulement sont en hausse...

 Zone euro, le Sud toujours englué

 Et on voit mal comment la croissance pourrait rapidement revenir. Au Sud, étouffées à l'intérieur par l'accumulation de cures d'austérité, les économies portugaises, espagnoles, italiennes, grecques mais aussi françaises ne peuvent donc compter ni sur leurs voisins immédiats pour se relancer ni sur la dynamique extra-européenne en raison de l'euro fort. L'hémorragie industrielle des pays du Sud comme de la France n’est donc pas enrayée et le chômage, notamment des jeunes, atteint des niveaux intolérables. Il suffit d'une étincelle pour que le climat social s'embrase et que les marchés financiers explosent. Mais finalement, les résultats des trois premiers mois de l’année sont simplement une réplique des trois précédents.

 Le champion allemand vulnérable à l’extérieur...

En revanche, ce qui l’est moins est le caractère criant de la fragilité allemande. Notre voisin d’outre-Rhin a certainement fini de manger son pain blanc. Sa vulnérabilité : sa trop forte dépendance aux exportations, et notamment vers des voisins européens affaiblis. Alors bien sûr, l'Allemagne a pris le large et opéré un déplacement géographique spectaculaire de son commerce extérieur. Résultat : l'excédent alimenté aux 2/3 par l'Union européenne en 2007 est aujourd'hui généré aux ¾ en dehors mais l’Allemagne ne saurait encore se passer d’un quart de ses excédents. Surtout, elle doit composer avec la montée en gamme de la Chine, la nouvelle agressivité monétaire du Japon (le yen a décroché de presque 22% depuis l'élection du nouveau premier ministre fin décembre) et le come-back industriel des Américains.

 ... fragilisé à l’intérieur

AllemagneMais la faiblesse vient aussi de l’intérieur. Après des années de vaches maigres, les salariés allemands sont devenus plus revendicatifs sous l'effet de la publication des bons résultats financiers de leurs entreprises. Mais le plus inquiétant est sans doute l'accélération de la hausse des prix de l'immobilier et des loyers depuis des mois. Or, le coût très bas du logement a rendu possible la modération salariale, au coeur de la compétitivité allemande. On comprend mieux à travers ces quelques constats qu’il y a de quoi s'inquiéter pour l'Allemagne. Sa stratégie mercantiliste va rencontrer de sérieuses turbulences dans les années à venir. Entre une Allemagne (et plus largement la partie Nord de l’UEM) qui déchante et le Sud qui reste aphone, la récession sera plus profonde cette année (-0,7%) qu’en 2012 (-0,5%). Et il faut vraiment forcer le trait pour espérer un rebond (c’est encore notre scénario) de 0,8% en 2014.

 Les Etats-Unis remontent

 Face à cette Europe en plein désarroi, tout sourit, ou presque, aux Etats-Unis. Alors, on peut toujours pointer du doigt la vulnérabilité de la reprise américaine, lestée par la panne économique et institutionnelle européenne, menacée par les hésitations chinoises, attendue au tournant par un risque d'explosion de la bulle obligataire et de rechute de Wall Street. Voilà beaucoup de vents contraires pour une économie tout juste convalescente. A ces derniers s’ajoute une croissance industrielle qui marque aujourd'hui le pas, alors même qu'elle n'a toujours pas récupéré ses niveaux d'avant-crise et que le redressement de la balance commerciale n'est pas flagrant.

 Le retour de l’industrie américaine sur son sol...

Et pourtant, le renouveau est en marche et la ré-industrialisation est bien tangible. Les faits en attestent. Il s’agit d'abord de la renaissance de l'emploi et de l'activité industrielle dans les régions du Sud, dans les Etats à bas salaires, en particulier dans l'automobile ou le textile. Il s’agit ensuite de la relocalisation de maillons entiers des chaînes de valeur. Des entreprises emblématiques comme Apple, General Electric et d'autres veulent raccourcir leur chaîne logistique et relocalisent des maillons de production. En témoigne la balance des échanges entre les entreprises américaines et leurs filiales. Le flux se redresse, signifiant que l'activité offshore n'a pas pour finalité première de réimporter produits et services vers le sol américain.

 ... est un enjeu stratégique prioritaire

Etats-UnisLes États-Unis font en réalité feu de tout bois : leurs coûts unitaires sont parmi les plus bas des pays industrialisés et l'arme du change renforce leur position relative, en particulier face à la Chine ; l'exploitation des gaz de schiste fait baisser le coût de l'énergie. L'accord de libre-échange, transpacifique révèle bien le déplacement du centre de gravité du jeu économique et géostratégique américain. Il marque aussi sa nouvelle capacité d'offensive pour déverrouiller des marchés et les manoeuvres de containment de la puissance chinoise. Pas étonnant que Tokyo signe cet accord au moment même où, presque 30 ans après les accords du Plaza, Washington permet à la Banque du Japon de laisser glisser le yen. Et voilà que s'annonce déjà une grande négociation transatlantique ! Quant à l'offensive généralisée de l'administration fédérale contre l'évasion fiscale de plusieurs grands groupes, elle traduit aussi un grand marchandage donnant-donnant pour exiger la relocalisation de pans entiers de la chaîne de valeur industrielle.
Faut-il alors s'étonner de voir les États-Unis retrouver le premier rang des pays les plus compétitifs au monde en 2013 selon le récent World Competitive Yearbook ? Au plan économique comme stratégique, les Etats-Unis sont bel et bien en train de retrouver leur suprématie. Pas étonnant donc que les écarts de croissance restent si importants des deux côtés de l’Atlantique.