Comment certifier des agrocarburants incertifiables… ?
En voilà une question qu’elle est bonne. Les dernières négociations européennes relatives à la certification des agrocarburants « font apparaître l’affligeante incapacité des Etats membres à prendre la mesure de l’urgence environnementale et alimentaire de ce dossier ». Tel est le sentiment de FNE qui ne prend pas de quartier d’été, dès lors qu’il s’agit de monter au créneau pour défendre une cause …
Il apparaît mal venu, compte tenu de la crise alimentaire mondiale, de pénaliser la fonction nourricière de l’agriculture. Or, aucune certification ne peut empêcher que les denrées agricoles destinées aux agrocarburants finissent dans un réservoir plutôt que dans un estomac ! Les 850 millions de « crève-la-faim » pourront bientôt dire : merci !
Pour répondre à l’objectif de 10% d’incorporation d’agrocarburants dans les carburants conventionnels européens d’ici 2020, seuls seraient éligibles les agrocarburants permettant une réduction de 35% des gaz à effet de serre par rapport à l'utilisation de carburants fossiles : une réduction peu ambitieuse et dont les méthodes de calcul sont jugées litigieuses.
Un seuil de 50% pourrait être établi après 2015, mais la Commission avoue elle-même ne pas savoir s’il est réaliste. Ce seuil supérieur, en excluant plusieurs cultures européennes, entraînera un recours massif aux importations. Or la série de critères environnementaux et sociaux visant les importations seront « non contraignants », c'est-à-dire sans aucune portée !
Les deux critères contraignants prévus, portant sur la préservation de la biodiversité et des stocks de carbone (prairies, forêts, zones humides…) pourraient cantonner les cultures énergétiques aux espaces agricoles: cela aura pour seul effet de déplacer les cultures alimentaires vers les forêts tropicales et autres espaces naturels…Or la déforestation est déjà responsable de 20% des émissions de gaz à effet de serre…
Le débat semble désormais s’orienter vers l’autorégulation des producteurs eux-mêmes: juges et parties, on ne peut que leur faire confiance !
A l’heure de l’évaluation des politiques publiques, rappelons que l’inspection des finances a pointé du doigt le coût pour le contribuable du « plan biocarburant » français : pour lutter contre le changement climatique et sortir de notre dépendance au pétrole : 1€ investi dans les économies d’énergie est 5 fois plus rentable qu’ 1 € dépensé dans les agrocarburants…
Pour Jean-Claude Bévillard, chargé des questions agricoles à FNE, trop, c'est trop! «Ce blanc-seing délivré à une catastrophe environnementale, alimentaire, et climatique s’oppose aux études récentes qui convergent pour souligner que le développement des agrocarburants n’est pas une orientation pertinente au niveau mondial. Seul l’abandon de l’objectif d’incorporation peut résoudre ce dossier ».