Collecter sélectivement les bio déchets : Quels choix politiques possibles ?

Le 03/12/2003 à 10:52  

Collecter sélectivement les bio déchets...
Quels choix politiques possibles ?

Paray le Monial L’élaboration d’un projet de plusieurs collectes sélectives, qui comprenne à la fois les emballages creux et plats de ménages, le verre, les déchets verts et des déchets de cuisine, requiert deux conditions essentielles : un partage politique fort et l’adhésion des « usagers contribuables, électeurs »…

Le Docteur Drapier, Président de la Communauté de communes de Paray le Monial, a conçu et mis en place une collecte sélective complète, incluant les déchets de cuisine, sur l’ensemble du territoire de la Communauté. Celle-ci fonctionne depuis plus de trois ans…

Pouvez-vous nous exposer les modalités concrètes de cette collecte ?
Quelles fréquences, quelle communication et quelles performances atteignez-vous aujourd’hui ?

Cette collecte a été mise en place il y a presque 4 ans, avec une philosophie consistant à respecter au mieux le système de tri sélectif pour obtenir un résidu ultime minimal. On a décidé de continuer la collecte du verre en apport volontaire sous forme de verre blanc et de verre coloré.

Par contre, le ramassage des déchets de cuisine, des corps plats, de cartons et emballages et des déchets ultimes prend la forme d’une collecte sélective en porte à porte, organisée sur une ville et une région rurale de 12 500 habitants environ.

Une telle collecte nous a obligés à utiliser des bennes doubles pour limiter le nombre de passages et faire deux collectes à chaque passage. On a mis en place une collecte en C3 sur la totalité de la collectivité, c'est-à-dire deux collectes au cours de laquelle la benne ramasse les ordures d’un côté et la fraction fermentescible de l’autre et une collecte au cours de laquelle on ramasse les papiers journaux d’un côté et les emballages de l’autre.

Comme dans beaucoup d’endroits, il est difficile de stocker ces déchets dans le centre ville : on a donc dû mettre en place un passage en C6 à l’intérieur du centre-ville. Deux tournées de collectes se chevauchent sur la commune centre et les communes rurales. Nous avons choisi une collecte du soir car nous sommes dans une zone touristique et il était important que les bacs ne traînent pas toute la journée. Le choix de la collecte en bacs s’explique par le fait que les chiens errants et les sacs éventrés le matin posaient des problèmes de nettoyage tout au long de l’année.

En outre, la Communauté urbaine de Montceau/Le Creusot, a une expérience de la collecte sélective en sacs et on savait que la distribution des sacs coûtait en trois ans le prix de la distribution des bacs. Comme les bacs ont une durée de vie de 6 à 8 ans, on a pensé qu’il était raisonnable d’équiper notre collecte en bacs.

Nous avons distribué 16 000 bacs dans nos 4 500 foyers, soit moins de 4 bacs par foyer. Certains collectifs sont équipés de locaux poubelles où l’on réunit tous les déchets. Mais ces collectifs posent problème : on n’a pas su interdire les vide-ordures qui compliquent considérablement l’efficacité de la collecte sélective.

Dans les zones rurales, dispersées, nous avons eu des difficultés pour faire passer des camions lourds dans les chemins ruraux et nous avons été obligés de mettre en place des points de regroupements. Les bacs que les habitants de Paray Le Monial et de ses environs possèdent ont un couvercle bleu pour le papier journal, jaune pour les emballages, marron pour les bios et noir pour les ordures. On leur a distribué un sac de 10 litres de cuisine pour leur montrer comment collecter leurs déchets biologiques.

Le résultat nous a paru très décevant.

Pour donner un ordre de grandeur, on a environ 4 400 tonnes de déchets en porte à porte, soit 400 kg par habitant. On a retiré par habitant sur la deuxième année, qui est une année significative, 36 kg de journaux, soit 8%, 30 kg d’emballages, soit 7%, 41 kg de verre. Mais pour les déchets biologiques, on n’a pas atteint les 20 kg, soit 4 à 5%.

Quand on dit qu’il y a 50% de déchets biologiques dans les poubelles...

Trouvez l’erreur !

Il est certain qu’il est difficile de mettre en place cette collecte des bio déchets.

Après avoir procédé à des tests, nous avons mis en place des opérations de communication dans les écoles pour former les enfants, mais aussi au travers de réunions, de journaux d’information, sur l’environnement. Mais ces opérations de communication touchent toujours les mêmes personnes. Dans les réunions, à peine 10% viennent.

De même dans les écoles, on touche probablement les enfants de ces 10% de gens. Une grande partie de la population a du mal à s’intégrer…

Deux enquêtes ont été menées : l’une par notre prestataire, l’autre par nos services et l’on sait que 80% des gens se disent très satisfaits. Au début, ils ont rechigné parce que de telles collectes ne se faisaient pas à Paris, ni à Lyon… Ils considéraient qu’on leur proposait un système compliqué qui leur faisait payer plus cher leurs taxes sur les ordures ménagères. Aujourd’hui, ils sont rassurés parce qu’à Lyon, à Paris, on commence à parler de collectes sélectives

Mais notre problème reste la non adhésion de 20% de la population qui se traduit par la présence, dans les poubelles de bio déchets de sacs en plastique, en dépit des communications et des passages dans les maisons. Au moins 20% de containers sont ainsi refusés. Une usine de compostage en Saône et Loire fabrique un compost constellé de pastilles de plastique. On a donc décidé d’éliminer les sacs en plastique dont on n’arrive pas à se débarrasser, même avec des appareils sophistiqués. Une forte communication a été mise en œuvre autour de cela. Il n’empêche que dans un container sur 5, on trouve encore les bio déchets dans des sacs en plastique.

Pour améliorer la collecte, nous avons décidé de collecter des bio déchets dans des sacs biodégradables : dans les immeubles, il y avait des odeurs autour des locaux à poubelles l’été et les gens rechignaient. Des essais concluants ont été réalisés dans des immeubles tests. Depuis un mois et demi, on vend dans le commerce des sacs biodégradables de 20 litres en amidon de maïs, au sigle de la Communauté de communes avec un lien coulissant. Le premier mois, 20 000 sacs biodégradables ont été vendus dans les magasins de Paray Le Monial : on a l’impression que la population fait preuve d’un certain intérêt pour un système plus efficace qu’avant. Grâce aux sacs biodégradables, le tonnage de la collecte de la fraction fermentescible a pratiquement doublé.

Mais, si les choses fonctionnent pour les particuliers, l’habitat vertical continue à poser problème:
Ainsi, à Montceau-les-Mines où la collecte sélective a été mise en place il y a 6 ans, l’habitat vertical n’est toujours pas inclus dans ces collectes. Nous avons choisi d’intégrer d’emblée l’habitat vertical, mais il faut reconnaître que la performance est très mauvaise : les mélanges de produits sont importants, les vide-ordures polluent le système.

On va quand même essayer de mettre à disposition des sacs biodégradables dans l’habitat vertical, mais aussi pour des gros producteurs. Les restaurateurs, les cantines prétendent que les services vétérinaires leur interdisent de sortir de la cuisine des produits non emballés dans des sacs en plastique scellés. Ils ne peuvent donc pas penser mettre à disposition des sacs de 80 litres chez les petits professionnels.

Ce travail est difficile, rébarbatif, il faut beaucoup se battre. Tous les petits professionnels polluent, sans le vouloir, très facilement. Un petit épicier pense que tout ce qu’il jette est biodégradable mais il oublie qu’il laisse le polystyrène, le plastique… Nous ne connaissons pas un succès considérable. Par comparaison, dans une communauté urbaine proche de chez nous (100 000 habitants), 70% des ordures ménagères sont recyclées. Mais, on ne dit pas dans les statistiques que dans cette communauté, ils compostent les ordures brutes. Comme ils ne sont pas capables de se débarrasser de ces ordures dans les espaces de culture, ils les mettent en décharge.

A la lumière de cette expérience très concrète, quelles sont les deux ou trois recommandations essentielles que vous pourriez faire aux élus qui s’interrogent sur sujet ?


Il faut d’abord bien réfléchir à la question, essayer d’analyser le problème qui se pose en fonction de la présence d’habitat vertical.
On dit que dans l’habitat individuel, les gens compostent au fond du jardin. Mais, on connaît tellement de problèmes de voisinage, quand le compostage se fait contre le mur du voisin… que de moins en moins de gens font leur compost. Je crois donc beaucoup à la nécessité de traiter la fraction fermentescible des ordures ménagères, d’autant plus que cela n’est quand même pas très compliqué. L’habitat vertical reste un frein.

Une excellente communication est nécessaire.
Le tri sélectif doit s’accompagner de sacs biodégradables. Au départ, les prix étaient de 1 franc le sac. Actuellement, on les vend dans le commerce à 8 centimes d’€ le sac. Le ménage moyen utilise un à deux sacs biodégradables par semaine, ce qui correspond à 50 ou 100 sacs par an, soit 100 francs au maximum. La collectivité a décidé de ne pas distribuer ces sacs gratuitement car la facture actuelle des déchets pour 12 000 habitants représente à peu près 6 millions de francs. Il est certain que dépenser 400 000 fracs par an pour distribuer des sacs représente un coût supplémentaire important, d’autant plus que certaines personnes, qui compostent leurs bio déchets, n’aura pas besoin de ces sacs. On a préféré inciter la population à acheter ces sacs, pour son confort personnel.