Clemenceau : sa démolition passe sous le nez des Français
On ne veut pas passer pour franchouillard de base mais quand même : nous avons sur notre territoire des entreprises tout à fait compétentes pour démanteler les navires en fin de vie et celui là, en particulier. On pensait même Veolia et Galloo en bonne posture. Et bien non : la Marine Nationale aurait, parait-il, vendu le Clem aux british. Shocking !
Selon notre confrère Le Télégramme de Brest, la Marine Nationale aurait retenu le chantier anglais Able UK pour le démantèlement de l’ex-Clemenceau, au détriment de Veolia et de Galloo.
« La fuite provient de deux journaux anglais. Ce navire dont on ne prononce à aucun moment le nom est attendu sur le site de démantèlement de Hartlepool. Tout porte à penser qu’Able UK, l’un des cinq derniers industriels en lice pour déconstruire le vieux Clem’, aurait remporté la préférence de la France pour découper le navire de 24.000 tonnes immobilisé à Brest depuis plus de deux ans. Le gouvernement a fait son choix la semaine dernière, en a informé les cinq dernières entreprises candidates mais ne compte pas dévoiler le nom de l’entreprise retenue avant plusieurs semaines ».
Si tout cela est vrai, il y a de la bizarrerie dans cette affaire…
En effet, le chantier anglais ne dispose pas, du moins pour le moment, des habilitations nécessaires pour accueillir et traiter des industriels de cette nature.
De plus, le projet a déclenché les foudres des associations écolo avec en tête la très virulente « The friends of Hartlepool » qui mène une guerre ouverte à l’encontre du démantèlement dans la région d’une manière générale.
Enfin, il paraîtrait que le chantier en question aurait perdu ses licences d’exploitation depuis cinq ans.
Ce qui explique et justifie que les quatre navires de la marine américaine arrivés à grands bruits sur le site, en novembre 2003, sont toujours en attente de démolition.
« La demande d’autorisation d’importation de 700 tonnes d’amiante effectuée par Able UK sur le territoire britannique correspond (comme c'est étrange), aux 700 tonnes identifiées sur l’ex-porte-avions français ». Et combien de bateaux contiennent précisément cette quantité de produits amiantés à travers le monde ? Fort peu : le Norway, ex-France qui est en train de se faire dépecer en Inde et notre vieux Clemenceau, planté en rade de Brest ! « Interrogée par des journalistes anglais, la direction d’Able UK affirme ne pouvoir s’étendre sur le sujet, plongée au cœur d’une procédure qui demande la plus grande confidentialité. Effectivement, les procédures de ce genre en Europe ne courent pas les rues. On comprend mieux le retard accumulé dans le dossier Clemenceau (six mois) et les attentes d’autorisation administratives avancées par la marine ».
On ne veut pas faire dans le terre à terre mais tout de même : personne n’attendait les Anglais dans cette compétition. Et pour cause ! Même la Royale Navy confie ses vieilles coques à Galloo-Recycling, plutôt que de les céder à son entreprise nationale. Il faut dire que Galloo est sans conteste l’un des industriels les mieux placés en la matière et qu’il y avait tout lieu de penser (en toute logique) que l’entreprise aurait le marché du démantèlement du Clem’.
Et puis nous avons Véolia qui a réaménagé Bassens pour opérer notre ex fleuron et le transformer en tas de ferrailles (voir notre article).
On imagine déjà les gros titres dans la presse britannique qui ne manquera pas de se régaler à propos de ce « french déchet ». Nos confrères « La Gazette Live » et le « Northern Echos » (qui titrent déjà « La tempête reprend autour des bateaux fantômes ») se font l’écho du groupe écologiste local qui « déplore ne pas avoir été associé à la procédure, ni avoir été tenu au courant de cette demande de dérogation pour accueillir ces 700 nouvelles tonnes d’amiante ».
Désormais, il est à craindre que cette « boulette » supplémentaire pourrait bien fragiliser le dossier et replonger le Clem’ dans son périple sur la route des Indes.
Bref. Le feuilleton de la démolition navale du Clemenceau aurait pu s’arrêter là. Mais non : plutôt que de choisir la simplicité, la logique et la rigueur des entreprises spécialisées dont la compétence n'est pas à démontrer dans ce domaine, l’Etat français a apparemment opté pour l’argument financier (la proposition anglaise serait deux fois moins onéreuse), dans le contexte d’économie budgétaire qui est de mise…