Biopôle : fermeture à durée indéterminée
C’est l’histoire d’exploitant (Geval filiale deVeolia) constatant qu'il ne peut pas exploiter l'outil de traitement des déchets qui lui a été confié (Biopôle) et pour lequel il a signé une délégation de service public avec une collectivité, Angers Loire Métropole (voir Vinci Environnement/Angers Loire Métropole : le torchon brûle).
Ce qui devait arriver arriva : subissant un manque à gagner évident, l'exploitant a attaqué l'agglomération en justice, laquelle estime qu’elle n’est en aucune manière responsable des dysfonctionnements de l’unité de tri mécano-biologique, de compostage et de méthanisation ; fort de ses convictions, elle attaque, donc en justice, le constructeur (Vinci Environnement), qui n’entend pas trinquer à la place de qui que ce soit… De fait, il ne change pas de cap et maintient que c'est l'exploitant qui exploite mal.
Sans doute lassée et plus que ça encore, Veolia qui n’entend pas recevoir de leçon de ce genre, a cessé sans autre forme de procès, depuis jeudi 16 avril dernier, le traitement des déchets ménagers provenant d'Angers et de son agglomération, estimant que « le niveau de sécurité de l’installation est devenu incompatible avec la bonne exécution de la mission. (...) En dépit des nombreuses demandes de Geval pour que Angers Loire Métropole intervienne, lesquelles sont restées sans réponse, et suite à l’accélération de la détérioration des conditions d’exploitation du site, Geval a été contrainte de prendre cette décision ».
Mettant en avant la santé de ses salariés, Geval assume : Alain Le Gall, qui dirige le site, ayant confirmé qu’à la suite d'un Comité d'hygiène et de sécurité au travail, puis d'un comité extraordinaire d'entreprise convoqué à la demande des salariés, il a choisi de prendre cette décision : « la médecine du travail m'a alerté sur la dégradation des conditions de travail des personnels qui supportent pa ailleurs, assez mal l'insécurité qui entoure l'avenir du site et qui de surcroit, sont exposés aux risques à moyen et long terme engendrés par la forte concentration en poussières et le taux très élevé d'ammoniac dans l'usine. Je suis employeur, il fallait à un moment donné que je bouge »…
Pour éviter les nuisances olfactives à l’extérieur, source de conflits avec les populations locales, l’usine a été très bien cloisonnée. Le revers de la médaille, c’est qu’à l’intérieur, les taux d’ammoniac et de poussières seraient très (trop) importants.
Cela dit, délégation de service public oblige, « la continuité du service des déchets continuera à être entièrement assurée. Tous les tonnages supplémentaires reçus au Biopole seront envoyés et pris en charge sur un site de traitement à Laval, et ce jusqu’à ce que les travaux nécessaires au fonctionnement normal et garantissant l’intégrité et la santé des employés du site soient réalisés »…
Combien de temps pareille situation pourra-t-elle durer ? Et à quel prix ?
Si la protection des salariés est mise en avant, l’autre facette du dossier est très clairement d’ordre économique : selon Veolia, en bout de traitement on récupère 65% de refus de tri, « 80 à 85% de ces refus partent en effet vers l’usine d’incinération de Lasse exploitée par Veolia », tandis que le reste est mis dans le centre d’enfouissement. A la clé, un surcout qui n’était pas prévu au programme et que doit encaisser Geval (dont les pertes d’exploitation seraient de l’ordre de 2,5 millions d'euros par an)…
Pour le coup, ce seront jusqu’à nouvel ordre, 100% des déchets normalement destinés à Biopôle qui seront traités ailleurs, par incinération et par enfouissement…
Face à cela, Angers Loire Métropole ne peut que prendre acte, rappelant qu’elle n’a pas encore réceptionné l’usine Biopôle, considérant « que les dysfonctionnements techniques au sein de cet établissement conçu et construit par Vinci Environnement sont trop nombreux et trop importants » et aussi qu’elle a dernièrement adressé « une mise en demeure à Vinci Environnement afin qu’il mette en œuvre dans les meilleurs délais les solutions qui permettront à la fois un fonctionnement normal de Biopôle, d’atteindre les objectifs de traitement prévus dans le marché de construction et d’améliorer les conditions de travail des salariés ». La collectivité locale, présidée par Christophe Béchu, s’étant déclarée « déterminée à faire valoir ses droits et ceux des Angevins devant la justice ».
Vinci pour sa part, considère d’une part, que la quantité et la qualité des déchets traités ne correspondent pas à ce qui était prévu, et d’autre part, que les conditions d’exploitation de l'usine notamment en terme de maintenance, ne sont pas optimales.
So what ? On a bien compris que le conflit est total et complètement enlisé, chacune des trois parties étant figée sur sa position… Sauf que plus de 60 millions d’euros ont été mis sur la table, afin de traiter les déchets localement et proprement… Il faudra bien sortir de l'ornière : il serait dommage qu'un investissement de ce montant finisse à la poubelle...