Bioplastiques : le Conseil National de l’Emballage se positionne

Le 04/07/2008 à 16:48  

Bioplastiques : le Conseil National de l’Emballage se positionne
Mégaphone Le Conseil National de l’Emballage a adressé à Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, une note de position relative aux matériaux plastiques issus de ressources renouvelables et aux emballages « biodégradables ». La mise en marché de nouveaux matériaux plastiques, dénommés « bioplastiques », nécessite une clarification ; le terme « bioplastique » est en effet aujourd’hui utilisé pour désigner deux réalités distinctes : l’origine de la ressource et la gestion de la fin de vie. S’il parait préférable de privilégier le critère de l’origine de la ressource, la récente crise alimentaire oblige à repenser radicalement le concept du renouvelable.

Georges Robin, Président, Jérôme Bédier, Président du Comité stratégique, Président de la FCD, Gérard Benoist du Sablon, Vice-Président, ORGECO et Olivier Labasse, Délégué général ont adressé au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire une notre de position qui concerne les bioplastiques…

Plusieurs points justifient leur argumentaire

Le développement économique des pays industrialisés a reposé largement sur l’exploitation intensive de ressources non renouvelables, et en particulier celle des hydrocarbures. La pérennité de ce modèle économique est mise en cause : épuisement, à terme, des gisements pétrolifères, augmentation inéluctable du prix des hydrocarbures, émissions de gaz à effet de serre. Le développement de produits de substitution issus de ressources renouvelables apparaît comme proposition alternative et durable.

L’emballage plastique représente aujourd’hui 1,5% de l’utilisation du pétrole (l’ensemble des objets en plastique en représentant 4%) ; pour autant, les adhérents* du CNE ne considèrent pas le débat sur les « bioplastiques » comme marginal.

Les déchets d’emballages (ménagers, industriels et commerciaux) ne constituent qu’une part relativement faible des déchets produits nationalement (moins de 2%), et les emballages ménagers représentent moins de 20% du poids des ordures ménagères. La gestion de leur fin de vie est encadrée : valorisation matière, valorisation énergétique, et valorisation organique par compostage et biodégradation. Ils sont toutefois l’objet de débats récurrents, et la perspective d’emballages dont les déchets se désintègreraient conquiert les esprits et emballe l’opinion.

La mise en marché de nouveaux matériaux plastiques issus de ressources renouvelables, dénommés « biomatériaux » ou « bioplastiques », ou d’emballages plastiques dits « biodégradables », nécessite une clarification. Les hypothèses scientifiques, les promesses techniques, les justifications économiques et les impacts environnementaux manquent encore de robustesse ou ne font pas l’objet de consensus. Dans ce contexte, les membres du Conseil National de l’Emballage ont décidé d’élaborer une position commune sur le sujet et d’en communiquer la synthèse aux pouvoirs publics et au grand public.

On précisera tout de même que la note est rédigée en l’état actuel des connaissances ; placée dans le temps, elle sera mise à jour au rythme des innovations et des progrès techniques, en particulier ceux liés à l’évolution de la chimie du végétal. Elle se réfère à un dossier plus complet disponible au Conseil National de l’Emballage. Ceci étant précisé, voici en quoi consiste cette prise deposition :

Le terme « bioplastique » est aujourd’hui utilisé pour désigner deux réalités distinctes : l’origine de la ressource et la gestion de la fin de vie.

La récente crise alimentaire mondiale oblige à repenser radicalement le concept d’origine de la ressource. Jusqu’à présent, tout ce qui était renouvelable bénéficiait d’une présomption d’écologiquement correct. Désormais ce n’est plus systématiquement le cas. Il faut en effet s’interroger sur les conditions de production de la ressource avec la surexploitation éventuelle de la nature (déforestation, épuisement des sols ou des réserves hydrauliques, abus des intrants chimiques…) et sur la mise en concurrence de l’homme avec ses artefacts (cultures vivrières contre cultures industrielles ; biocarburants contre nourriture. Le renouvelable n’est plus, par définition, assimilable au soutenable.

Concernant la fin de vie, il faut rappeler que tout ce qui est compostable est biodégradable, mais que tout ce qui est biodégradable n’est pas automatiquement compostable.

Le Conseil National de l’Emballage privilégie le critère de l’origine de la ressource à celui de la fin de vie du matériau, comme on le verra ci-après.
Cette démarche est cohérente avec celle du Ministère de l’Agriculture et de l’Ademe pour les bioproduits, définis comme des « produits énergétiques et industriels issus du végétal hors des domaines de l’alimentaire et de la santé, dont les applications principales portent sur l’énergie, la chimie organique et les biomatériaux ». Cette définition considère l’origine de la ressource et ne prend pas en compte la fin de vie.

Concernant l’origine des ressources

• La renouvelabilité de la matière apparaît, sur le plan environnemental, plus intéressante que la fin de vie de l’emballage en « bioplastique ». Les avantages semblent en effet plus importants à considérer au stade de la ressource (matières premières), sous certaines réserves (exprimées plus haut), qu’au stade du déchet. Comme pour les autres matériaux, les impacts environnementaux sont plus déterminants au niveau de la production qu’à celui de la fin de vie.

• Une attention toute particulière doit être portée à la production de résines plastiques à base de végétaux afin de ne pas détourner des matières premières alimentaires pour une utilisation industrielle non-alimentaire. Il y a donc un intérêt à développer ce type de matériau, non pas à partir des cultures vivrières, mais avec les déchets des plantes alimentaires (rafles de maïs, bagasses de canne à sucre…) et d’autres ressources non vivrières (algues…).Le développement des « bioplastiques » ne doit pas remettre en cause la hiérarchie d’usage des ressources.

• À ce jour, les données d’inventaire disponibles pour réaliser les ACV intégrant les matériaux « bioplastiques » ne sont pas suffisamment partagées et manquent de robustesse, par rapport à celles des autres matériaux, pour permettre de considérer comme systématiquement positif le caractère de renouvelabilité de la ressource.

Concernant l’utilisation des matériaux

• Les caractéristiques techniques actuelles des « bioplastiques » limitent encore leurs applications. Leur utilisation,

dans le domaine de l’emballage, n’est pas généralisable, aujourd’hui, à l’ensemble des produits alimentaires et/ou

non alimentaires. Les performances techniques de nombreux « bioplastiques » sont encore corrélées au pourcentage

d’incorporation de plastiques traditionnels.

Concernant la fin de vie des emballages

• Les bioplastiques, lorsqu’ils sont issus de ressources renouvelables, présentent l’avantage de ne pas contribuer, dans la gestion de leur fin de vie, à l’augmentation de l’effet de serre, pour autant que les ressources soient renouvelées (cf. cycle du carbone).

• Il est dangereux de promouvoir la biodégradabilité des emballages auprès des consommateurs, en ce que cela peut changer leur attitude vis-à-vis de l’abandon. Les comportements à encourager doivent rester la prévention et la participation individuelle au système collectif de gestion des déchets. Il faut veiller à ne pas aggraver la pratique de l’abandon et à ne pas favoriser les déchets sauvages car un emballage biodégradable ne disparaîtra pas rapidement dans les conditions ordinaires d’abandon.

• La compostabilité d’un polymère plastique biodégradable est une caractéristique parmi d’autres, qui présente moins d’intérêt, d’un point de vue environnemental, dans la gestion de la fin de vie des emballages, que le recyclage matière et l’incinération avec récupération d’énergie.

• Les polymères issus de ressources renouvelables présentent toutes les caractéristiques nécessaires pour envisager leur recyclage. Toutefois, à ce jour, en France, en l’absence de collecte sélective et d’installation industrielle de recyclage, due aux faibles quantités produites, ils ne sont pas recyclables au sens de la norme NF EN 13430.

• L’absence de contribution financière à la gestion de la fin de vie des emballages réalisés avec des polymères issus de ressources renouvelables et biodégradables ne saurait être justifiée : leur collecte, leur tri et le traitement de leurs déchets auront un coût spécifique qui doit leur être imputé, au même titre que les autres emballages, quel que soit leur matériau de fabrication.

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(*) AMF, CLCV, CLIFE, Eco-Emballages, Familles de France, FCD, Fnade, ILEC, Interfilière de matériaux, Orgeco