Biomasse forestière : l'Ademe ne reste pas de bois
Afin de réduire sa dépendance aux énergies fossiles et lutter contre le changement climatique, la France s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de développement d’énergie à partir de biomasse. Celle-ci pourrait représenter, en 2020, 40% de la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique français. Les ressources disponibles pour atteindre ces objectifs reposent essentiellement sur la biomasse d’origine forestière, c'est à dire le bois et les déchets de bois. La mobilisation en la matière doit donc s’accélérer, en concertation avec les propriétaires forestiers, en majorité privés, et les collectivités territoriales. C’est ce qu’a rappelé François Loos, Président de l’Ademe, lors de sa visite en Auvergne, région pilote d’une opération nationale de mobilisation de la biomasse...
Un peu plus de la moitié de la production annuelle de bois de l’ensemble des forêts françaises est aujourd’hui récoltée. Le potentiel est là et le défi consiste donc à mieux le mobiliser en récoltant davantage de bois, dans des zones qui aujourd’hui sont peu ou pas exploitées en raison de contraintes techniques (forêt peu accessible), économiques (manque d’infrastructures), ou par manque d’intérêt des propriétaires pour la gestion de leur patrimoine forestier. Une large part du domaine forestier appartient en effet à de nombreux propriétaires privés et si 81% d’entre eux sont convaincus de la nécessité d’entretenir et renouveler leur parcelle de forêt, seulement 34% réinvestissent vraiment dans leur bois (enquête Crédoc 2011). Pour ce faire, l’Ademe accompagne les Ministères pour l’élaboration de propositions en faveur d’une mobilisation des ressources biomasse dans un souci de gestion durable de la forêt.
Différentes mesures pourraient être envisagées, notamment sur la base d'expériences internationales à travers 3 axes d’actions principaux. En premier lieu : lutter contre le morcellement de la propriété forestière en favorisant les regroupements de parcelles. Un dispositif comme le "droit de préférence" qui permet à un propriétaire forestier d’être prioritaire à l’acquisition d’une parcelle voisine a fait, en partie, ses preuves en Estonie. En France, la Loi de Modernisation Agricole a instauré un dispositif similaire en 2010 pour les parcelles inférieures à 4 hectares. 2ème axe : améliorer la concertation entre acteurs de la filière, en soutenant l’animation des propriétaires forestiers et leur mise en relation avec les utilisateurs de la ressource (l’aval de la filière). En Autriche, par exemple, les propriétaires forestiers doivent adhérer systématiquement à des associations qui leur apportent des conseils juridiques, fiscaux, économiques et qui peuvent également planifier des opérations de récolte, d’éclaircies, d’entretien, de reboisement dans leur forêt, ainsi que la logistique des approvisionnements en bois de leurs clients. Une autre action souhaitable serait de promouvoir plus fortement l’utilisation de bois dans la construction et se coordonner avec les opérateurs pour mobiliser les déchets bois issus de cette activité. 3ème et dernier point : maintenir et améliorer la rentabilité économique de l’exploitation de biomasse forestière. La Norvège a ainsi créé un Fonds, alimenté par les acteurs de la forêt et qui leur permet de financer divers travaux de sylviculture comme par exemple, des opérations de replantation ou l’entretien et la rénovation des routes forestières. "Par ailleurs, la mobilisation de bois pour l’énergie ne pourra se faire qu’en synergie avec les autres filières (construction, papier...)", précise l'Ademe.
En 2010, l'Agence et le Ministère de l’Agriculture ont lancé, en Auvergne, un projet d’expérimentation permettant de mobiliser de la ressource en bois pour couvrir l’ensemble des usages (sciage, pâte à papier, panneaux, énergie), dans le respect des exigences d’une gestion forestière durable. Suite à un appel à projets lancé en 2011, 5 projets seront mis en œuvre dès 2012, pour des durées de 2 à 3 ans :
La mise en place d’un outil informatique de suivi de l’animation pour faciliter notamment le partage d’expérience ou assurer un suivi personnalisé des propriétaires. Cet outil permettra de renforcer l’efficacité de l’animation de terrain, d’amener le propriétaire à passer à l’action, d’évaluer les actions menées et d’alimenter un centre d’informations régional.
La création d’une plate-forme d’échanges destinée à faciliter le transfert d’informations cartographiques et économiques entre les propriétaires forestiers, les animateurs et les opérateurs économiques.
Un programme d’amélioration et de valorisation du sapin massif central, en 2 volets : par la réalisation de diagnostics, sensibiliser et aider les propriétaires forestiers concernés à mettre sur le marché les sapins que l’on doit récolter de façon urgente ; expérimenter un paiement des sapins en fonction de leur qualité réelle.
Des tests sur des approches variées de la coopération entre propriétaire, animateurs et opérateurs économiques pour en améliorer l’efficacité. L’une des actions consistera à mettre à disposition d’opérateurs économiques certaines informations sur les propriétaires prêts à faire réaliser une coupe de bois. En contrepartie, des engagements en matière de qualité du travail notamment seront demandés à ces opérateurs
Une opération "foncier regroupé" en montagne bourbonnaise, avec la mise au point d’une méthode de regroupement foncier adaptée au micro-parcellaire.
"Les enseignements de ces projets (actions, chiffrage, efficacité des mesures) permettront de proposer, à terme, la généralisation, au niveau national, d’actions de mobilisation. L’expérimentation n’est toutefois qu’une première étape et ne permet pas d’aborder d’autres leviers d’action comme la réglementation ou la fiscalité. Enfin, malgré la portée nationale de ce projet, la mobilisation de biomasse reste une problématique locale, la généralisation nécessitera donc des adaptations locales", indique l'Ademe.