Biomasse énergie : le miroir aux alouettes de l’industrie ?
Un nouvel appel d’offres national, lancé par la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) le 28 juillet dernier promeut le développement de projets industriels de production d’énergie à partir de la biomasse (voir ici). Les projets retenus devront avoir une production strictement supérieure à 12 MWe (les précédents appels retenaient des projets dès 5 MWe). Dans un communiqué, France Nature Environnement affiche son désaccord : "On ne peut ramasser à la louche une ressource dont la disponibilité implique une récolte à la petite cuillère !", indique le réseau. Y'a de l'énervement dans l'air...
Comme dans les appels précédents, une forte attente porte sur le bois-énergie déjà largement sollicité de toute part. Pour François Lefèvre, responsable politique du Réseau Forêt à FNE, "la ressource ligneuse est certes renouvelable, mais elle n’est pas inépuisable ; nous avons le devoir d’optimiser sa valorisation. L’inadéquation entre la ressource disponible éparpillée, à ramasser 'à la petite cuillère', et des besoins industriels fera échouer les gros projets énergétiques, sauf à admettre de sacrifier les écosystèmes forestiers en misant tout sur une artificialisation accrue et intensive".
A l'inverse, ''l'exemple du projet 1 000 chaufferies en milieu rural de la Fédération nationale des communes corestières, concrètement appuyé sur des démarches territoriales est ainsi beaucoup plus réaliste, pérenne et 'grenellement' compatible. Ce doit donc être une stratégie d'approche prioritaire'', note FNE.
Dans ce contexte, l’étude de SIA Conseil (parue le 22 juillet dernier) ajoute à la confusion générale en stigmatisant l’Etat afin qu’il remonte le prix de rachat de l’électricité produite avec du bois. Elle prône d’utiliser le bois pour faire de l’électricité, valorisation énergétique la moins performante au regard des chaufferies collectives (voir ici la synthèse de l'étude). Mais cela ne semble pas être une préoccupation puisque SIA Conseil préconise aussi de développer un marché mondial du bois-énergie, sans aborder l’impact du transport dans le bilan énergétique. Cherchez l'erreur...
La biomasse a certes une place importante dans le programme français sur les énergies renouvelables (EnR), mais ce qui devait être un moyen tend à se substituer à l’objectif de réduction des émissions de CO2. Selon FNE, "il y a un énorme défaut de cadrage pour atteindre une efficacité énergétique à la hauteur des objectifs. Il est encore temps de réagir en mettant en place des états généraux pour l’adaptation de nos besoins à la ressource, en définissant des priorités sur la base de critères de performance énergétique". De plus, le nouvel appel d’offres de la CRE suscite des interrogations puisque la majorité des projets retenus précédemment n’ont jamais vu le jour, alors même que les dépenses publiques prévues sont importantes (3 milliards d’euros sur 20 ans pour 750 millions d’investissements privés lors du dernier appel). Quel intérêt de gaspiller ressources forestières et argent public et privé, dans un contexte de grande rigueur budgétaire ? "La logique de l’Etat en la matière est opaque, illogique sinon absurde", conclut François Lefèvre.
En rapport direct avec le sujet, nous vous renvoyons à la lecture de notre article : Bois-biomasse : attention au gaspillage !.