Biocarburant et agrocarburant : attention à la confusion !
En première lecture au Sénat, le terme "biocarburant" a été banni du projet de loi Grenelle 1 au profit du mot "agrocarburant", moins trompeur pour les consommateurs et les citoyens. Problème : la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale n’a pas repris ces amendements dans son rapport qui sera soumis aux députés à partir de demain, lors de la deuxième lecture de la loi. France Nature Environnement (FNE) et la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) voient rouge et affichent leur consternation...
"Parler de biocarburant n’a pas qu’une portée symbolique. Cela introduit une confusion inacceptable avec l’agriculture biologique", explique Jean-Claude Bévillard, chargé des questions agricoles à FNE. "Nous demandons donc instamment aux députés de ne pas céder aux sirènes des lobbies. Même si le choix des mots ne résoudra pas le problème de fond : utiliser des denrées alimentaires pour nourrir nos voitures".
Et l'organisation de rappeler que les carburants d’origine végétale (éthanol, diester) n’ont rien de "bio", bien au contraire : "A l’heure de l’urgence écologique, produits avec des pesticides et engrais chimiques, leur bilan écologique, énergétique et alimentaire est loin d’être satisfaisant. C’est pourquoi, depuis de nombreuses années, FNE privilégie le terme d’agrocarburant à celui de biocarburant". Conclusion : "En introduisant le terme neutre d’agrocarburant, le vote des sénateurs avait au moins eu le mérite de la clarté vis-à-vis de l’opinion publique. Avec ce retour sur la scène des 'biocarburants', les députés reviennent en arrière et réintroduisent l’ambiguïté".
Pour rappel, le développement des agrocarburants pose un problème éthique majeur sur lequel se sont penchés de nombreux spécialistes. Exemple : un plein de 4x4, c’est 250 kg de céréales, soit la ration d’un homme pendant un an, et France Nature Environnement rappelle que plus de 850 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim ! La fédération conclut donc en indiquant qu'elle suivra les débats à venir avec "la plus grande vigilance".
Même son de cloche du côté de la FNAB : "Il y aujourd’hui, dans l’esprit des consommateurs, un lien fort entre le préfixe 'bio' utilisé pour qualifier des cultures ou des produits issus de ces cultures, et la production biologique, donc à considérer qu’une culture ou produit issu de l’agriculture et qualifié de 'bio' respecte l’environnement", explique la Fédération. "Nous demandons que la loi avalise le terme 'agrocarburant', comme le font désormais des nombreux acteurs et institutions qui ont à traiter du sujet, afin de lever toute formes d’ambiguïtés. Rappelons que le terme 'bio' lié au mode de production biologique est également utilisé dans d’autres Etats membres, avec le même risque de confusion, et que les associations qui promeuvent la bio dans ces pays demandent, comme en France, l’extension de la protection de ce préfixe à l’ensemble des cultures et produits de cultures, sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne".
La FNAB et le Synabio (Syndicat National des transformateurs de produits naturels et de culture biologique) demandent donc à tous ceux qui ont à coeur de défendre l’intégrité de l’agriculture biologique et le droit à une information non trompeuse (paysans, citoyens, consommateurs) d’écrire à leur député(e). Objectif avoué : qu’il(elle) vote en ce sens et conserve l’amendement du Sénat.
Vous l'aurez compris : l'éternel débat sur les biocarburants entre leurs partisans et leurs détracteurs rebondit une fois encore, chacun brandissant des études étayant leur cause. Bref, cet "éco-combat" a encore de beaux jours devant lui. Affaire à suivre...