Arcelor : une défense financière contestable
Les dirigeants d'Arcelor vont devoir expliquer leurs décisions de défense contre l'opa de Mittal Steel : distribution de 5 milliards d'euros soit 7,8 euros par action aux actionnaires d'ici un an , mise en place d'une structure pour geler la propriété des actions de Dofasco. Présentées dans l'intérêt des actionnaires, on peut raisonnablement se demander si tel est le cas. Tout d'abord, amputer la capacité financière du groupe sidérurgiste c'est fortement limiter ses possibilités de croissance externe et de développement, mais surtout soustraire un actif comme Dofasco au contrôle des actionnaires, c'est leur retirer un pouvoir décisionnaire essentiel. Les dirigeants n'ont-ils pas dépassé leurs prérogatives ?
C'est une délicate interprétation de la défense des intérêts des actionnaires et de la société que le conseil d'administration d'Arcelor vient d'effectuer en approuvant à l'unanimité le transfert de la propriété de Dofasco à une fondation néerlandaise qui gèle cet actif. Concrètement, les actionnaires sont pris en otage par l'équipe dirigeante actuelle. Colette Neuville, spécialiste de la défense des actionnaires minoritaires ne s'y trompe pas en déclarant : " C'est une atteinte à la souveraineté de l'assemblée générale des actionnaires. C'est inacceptable."
Concernant la défense de l'intérêt social, il n'est pas évident de comprendre la logique industrielle qui découle du versement de 5 milliards d'euros aux actionnaires. La consolidation de l'industrie de l'acier est en plein mouvement et les dirigeants d'Arcelor expliquaient il y a encore peu de temps que leur groupe a vocation à être le principal acteur fédérateur de ces regroupements. Alors, pourquoi priver le groupe d'une importante capacité financière?. D'autant plus que la conjoncture de l'acier ne restera pas toujours au beau fixe. D'ailleurs Guy Dollé a insisté pour commenter cette décision : "Il est très important aujourd'hui de comprendre que nous n'avons pas changé de fusil d'épaule et passé d'une vision de société industrielle à une société purement financière (...). Si nous avons fait cette proposition aux actionnaires, dans une situation dans laquelle nous sommes en combat en quelque sorte, c'est tout simplement parce que nous avons la foi dans notre modèle industriel " .
Pendant ce temps, les grandes manœuvres financières continuent en coulisse... Ainsi on apprenait en même temps l'augmentation de participation de 0,88 à 2,03% du financier Zaleski, polytechnicien qui a travaillé pour l'Etat français avant de rejoindre le privé et qui est intervenu dans des dossiers sensibles comme d'Edison en Italie aux côtés d'EDF.
Mais jusqu'à présent , malgré toutes ces initiaitives , le cours de l'action varie peu. Et , du côté de Mittal tout en confirmant que cela ne change rien à la capacité ni à la volonté de mener à bien l'opa, on accuse les responsables d'Arcelor de mener une offensive sans précédent contre leurs propres actionnaires et une tentative en les privant du droit de décider des mérites de l'offre.
Les actionnaires pourraient faire entendre leur voix à l'occasion de l'assemblée générale d'Arcelor du 28 avril. Et, si leurs intérêts ne sont pas équitablement défendus, le combat pourrait pourquoi pas prendre une tournure juridique ? A cet égard, Colette Neuville rappelait il ya quelques jours que la "mission du management, ce n'est pas de défendre la société coûte que coûte mais c'est de valoriser au maximum (...) S'il y a des choix à faire, ils doivent être faits en fonction de cela sinon il risque d'y avoir une sanction assez lourde des actionnaires à la prochaine assemblée générale."